Je voudrais tout d'abord remercier Mme Duranton pour ce compte rendu qui reflète parfaitement le déroulé de cette partie de session.
Comme l'ensemble de la délégation française, je me félicite du retour de la délégation russe. Mieux vaut assurément qu'elle soit à l'intérieur de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe plutôt qu'à l'extérieur. Cela permet non seulement de renouer le dialogue, mais aussi de maintenir l'accès à la Cour européenne des droits de l'Homme, ou CEDH, aux citoyens russes, desquels émane, de très loin, le plus grand nombre de saisines de la Cour - il me semble que les seuls citoyens russes sont plus d'une dizaine de milliers à solliciter la Cour chaque année. Même si M. Poutine est allé jusqu'à dire que les décisions de la Cour européenne des droits de l'Homme ne l'engageaient pas, il me semble important de permettre aux citoyens russes d'y accéder.
J'émettrais un bémol : si les membres de l'APCE ont voté en faveur du retour de la délégation russe, c'est essentiellement pour des raisons financières. Il faut avoir le courage de le dire. Tant que les Russes n'avaient pas suspendu leur financement, personne ne s'en souciait ; mais dès qu'il a été question de mettre un terme à un certain nombre de contrats de travail, les choses ont commencé à bouger. Cette question du financement revenait d'ailleurs de façon récurrente dans les discussions préparatoires de mon groupe, le PPE.
Je voudrais aussi souligner combien la Crimée est un « faux-nez ». Derrière la Crimée, les autres conflits dits « gelés » n'avancent pas d'un iota. C'est certainement en Crimée, dont la population est plutôt favorable à la Russie, qu'il sera le plus difficile de progresser. Mais n'oublions pas non plus la Géorgie. Ce qui s'y passe est inacceptable. On a créé une Ossétie du Sud qui n'existait pas. Il y avait une Ossétie, dans la partie nord du Caucase, et soudain on crée une Ossétie du Sud, en Géorgie. Je me suis rendu sur place : il n'y avait même pas de drapeau ossète. La limite - je n'ose parler de frontière - entre Géorgie et Ossétie du Sud, où l'on trouve des drapeaux et des militaires russes, ne cesse d'avancer chaque jour. Le berger qui vient faire pâturer ses chèvres en Géorgie ne peut plus le faire du jour au lendemain, parce que la « frontière » avance progressivement dans la nuit. Et tout le monde s'en moque.
De même, en Abkhazie, en Transnistrie, en Moldavie, au Haut-Karabakh... On peut discuter 107 ans du conflit entre Arménie et Azerbaïdjan, il suffirait que la Russie siffle la fin de la partie pour qu'il se dénoue. Nous savons tous que la Russie sustente l'Arménie, c'est un fait.
Il est toujours préférable de renouer le dialogue, mais à la condition que les vrais problèmes soient de nouveau mis sur la table. Or, nous savons qu'ils ne le seront pas. À peine la délégation russe était-elle de retour, dès le matin du vendredi 28 juin, que deux fronts se sont de nouveau constitués. Les Russes n'ayant pas participé aux discussions préalables de projets de délibérations qui les concernaient pourtant directement ont refusé de les voir aboutir.
La Russie est un grand pays, qui a sa place au Conseil de l'Europe. Pour autant, il va falloir continuer d'y dire les choses fortement, et non se contenter de le faire à l'APCE qui en est, en quelque sorte, le second véhicule. Le Comité des ministres doit se montrer fort pour enfin faire comprendre à la Russie qu'elle n'a pas le droit de tout faire.
Le discours qui nous a été tenu sur l'assassinat de M. Nemtsov est tout simplement inacceptable. Pour avoir entendu ces délégués russes, triés sur le volet, prendre la parole, je pense que c'est le moment ou jamais, pour le Conseil de l'Europe, de montrer qu'il existe véritablement et qu'il est autre chose qu'un cénacle où l'on se réunit de temps en temps pour se dire des choses qui ne seront pas suivies d'effet.