Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant de revenir sur les conclusions de cette commission mixte paritaire, je tiens à saluer le travail effectué sur cette proposition de loi, lequel démontre l’intérêt d’un bicamérisme constructif.
À l’origine présentées sous forme d’amendement au projet de loi Pacte, ce qui avait été dénoncé et vécu comme un passage en force autour d’enjeux hautement stratégiques, les propositions en cause ne pouvaient faire l’économie d’une véritable discussion parlementaire.
À ce titre, les échanges entre les deux assemblées ont été fructueux. Au Sénat, je tiens notamment à féliciter le travail effectué en bonne intelligence de la commission des affaires économiques et de la commission des affaires étrangères. Certains enjeux, tels ceux dont nous discutons aujourd’hui, sont transpartisans et multidisciplinaires. La recherche d’un équilibre entre la protection des libertés économiques et une approche sécuritaire ne peut donc s’obtenir que par un travail collectif.
Le déploiement à venir de la 5G représente un saut technologique majeur susceptible de modifier en profondeur les processus de production industrielle et de favoriser l’émergence d’un nouvel écosystème numérique et de nouveaux usages.
Si les opportunités entourant cette technologie sont abondantes, le déploiement de la 5G comporte de véritables risques auxquels cette proposition de loi tente de répondre.
Tout d’abord, la 5G représente un impératif de souveraineté. À l’heure où les infrastructures virtualisées prennent de plus en plus d’importance dans nos systèmes économiques, et alors que certaines solutions industrielles européennes existent, force est de constater que le marché reste dominé par les acteurs américains et les infrastructures chinoises. L’Europe et la France courent ainsi le risque de la dépendance et de la vulnérabilité.
La 5G représente aussi un enjeu de sécurité nationale. Des secteurs d’activité complets – industriels comme tertiaires – tout comme de nouveaux usages seront fortement dépendants de cette technologie, ce qui soulève la question de la protection des réseaux et des données qui y transitent.
La présente proposition de loi constitue une réponse adéquate en créant un régime d’autorisation préalable qui permettra au Premier ministre de refuser l’exploitation d’équipements de réseaux en cas de risque avéré pour la sécurité nationale.
Par ailleurs, je salue les modifications apportées par le Sénat visant à simplifier l’articulation entre les deux régimes d’autorisation applicables aux opérateurs, afin que le cadre mis en place en amont du déploiement de la 5G ne soit pas contreproductif.
Toutefois, je regrette que le Gouvernement n’ait pas fait le choix d’un projet de loi, lequel aurait bénéficié d’une étude d’impact. Il est en effet difficile de légiférer pertinemment sans un tel document, alors que les risques évoqués précédemment sont de nature à évoluer dans le temps.
À ce titre, nous serions favorables à la formation d’un groupe de suivi 5G, afin de permettre aux parlementaires de s’assurer de la pertinence des dispositions en vigueur.
Si la France fait figure de pionnière parmi les premiers pays à se doter d’un cadre visant à préserver leurs intérêts, l’objectif reste bien de favoriser une harmonisation de la réglementation européenne. Apporter une réponse coordonnée garantissant un niveau d’exigence élevé dans l’ensemble des États membres permettra d’affirmer une souveraineté numérique trop longtemps inexistante.
Madame la secrétaire d’État, votre gouvernement doit s’engager à défendre la position française et à convaincre ses homologues non seulement de l’intérêt de ces solutions, mais aussi de l’urgence à agir de concert.
La 5G est une révolution que l’Europe ne peut pas manquer. Elle pose la question d’un marché unique des télécommunications qui nous fait cruellement défaut face à une trop grande diversité des règles de certification des équipements et donc, in fine, des régulations.
Elle soulève également un sujet qui me tient cœur, celui de la politique industrielle européenne qui empêche aujourd’hui les pouvoirs publics d’apporter un soutien aux entreprises européennes – Ericsson en Suède ou Nokia en Finlande, par exemple – pour leur permettre d’affronter la concurrence des géants américains et chinois.
Le sujet de la 5G fait ainsi converger plusieurs aspects du débat politique en Europe et soulève l’enjeu de la construction d’une souveraineté européenne au service des intérêts stratégiques de l’Europe entre la Chine et les États-Unis.
Enfin, et vous l’avez évoqué dans une interview la semaine dernière, madame la secrétaire d’État, le Sénat reste également sensible à la couverture numérique du territoire. Si l’expérience des générations technologiques précédentes a montré les décalages entre la couverture et les délais de déploiement entre zones urbaines et zones rurales, une telle situation ne doit pas se reproduire avec le déploiement de la 5G.
Alors que l’actuel New Deal mobile n’arrive pas encore à venir à bout des zones blanches, une nouvelle fracture numérique pourrait accentuer le sentiment de relégation des territoires. Le New Deal mobile doit ainsi trouver son prolongement avec le déploiement de la 5G.
Cela étant, le groupe Union Centriste votera en faveur du texte issu des travaux de la commission mixte paritaire et restera attentif à cette question de l’harmonisation européenne des télécommunications et des obligations de couverture des territoires ruraux.