Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner le résultat des travaux de la commission mixte paritaire qui s’est tenue hier matin à l’Assemblée nationale.
Comme je l’ai indiqué à cette occasion, si les jeux Olympiques de Paris 2024 devaient comporter une épreuve de relais parlementaire, une équipe constituée de membres de l’Assemblée nationale et du Sénat pourrait concourir avec de belles chances de décrocher la plus haute distinction. En effet, il ne s’est pas écoulé plus d’une semaine entre ma désignation comme rapporteur de ce projet de loi, le 19 juin dernier, et la présentation de mon rapport devant la commission le 24 juin. Les délais n’ont guère été plus généreux pour mon collègue rapporteur de l’Assemblée nationale.
À cette brièveté des délais s’ajoutait une contrainte de méthode puisque le texte préparé par le Gouvernement répondait à des motifs essentiellement techniques. L’absence de mention dans le titre du projet de loi de la création de l’Agence nationale du sport pouvait même laisser penser que celle-ci ne méritait pas un débat au Parlement. Or, fort heureusement, ce débat a eu lieu, et il était nécessaire.
Je laisserai ma collègue de la commission des lois Muriel Jourda intervenir sur les articles 1er et 2, l’article 4 n’étant plus en débat. Ces articles ont été, en effet, délégués au fond à cette commission. Mon intervention se concentrera donc sur l’article 3 du projet de loi, qui est consacré à la nouvelle agence nationale du sport.
La création de cette agence constitue une évolution décisive dans l’organisation de la politique du sport en France. Il n’est pas exagéré de dire qu’elle rompt avec le modèle mis en place dans les années soixante. Or, comme pour toute évolution, la question est de savoir si celle-ci sera positive ou négative.
Afin de garantir son succès, et au lieu de chercher à s’y opposer compte tenu des insuffisances constatées du précédent modèle, le Sénat a souhaité apporter les garanties qu’il estimait nécessaires.
Pour ceux d’entre nous qui ne suivraient pas au jour le jour les questions relatives à la politique du sport, permettez-moi de remettre très brièvement en perspective les enjeux de cette évolution.
Premièrement, la création d’une agence nationale du sport chargée de la haute performance et du sport pour toutes et tous intervient concomitamment avec l’intégration des services départementaux du ministère des sports au sein de ceux du ministère de l’éducation nationale. D’ailleurs, madame la ministre, vous n’avez pas caché que la pérennité du ministère des sports n’était pas garantie après 2024.
Deuxièmement, parallèlement à la création de l’Agence, l’État souhaitait engager le transfert des conseillers techniques sportifs, les CTS, aux fédérations sportives, sans pour autant garantir une compensation des coûts salariaux dans la durée. Ce sont donc les forces vives de notre modèle sportif qui sont menacées.
Troisièmement, enfin, la création de l’Agence nationale du sport constitue un enjeu important pour les collectivités territoriales. Faute pour celles-ci d’avoir réussi à se coordonner entre elles et avec le mouvement sportif, la réussite de cette gouvernance collégiale constitue sans doute la dernière tentative pour préserver dans un cadre rénové la compétence partagée.
Les apports du Sénat à l’article 3 ont été nombreux. Je citerai en particulier l’encadrement du rôle du préfet comme délégué territorial de l’Agence. Si le représentant de l’État est légitime pour engager les crédits publics de l’Agence et développer le sport pour tous, il ne lui revient pas de coordonner les échanges entre les partenaires.
Par ailleurs, la gouvernance territoriale a été précisée au travers de la création des conférences régionales et des conférences des financeurs. La conférence régionale doit établir un projet sportif territorial décliné sous la forme de contrats pluriannuels d’orientation et de financement. C’est l’échelon de la stratégie et des engagements. La conférence des financeurs représente, quant à elle, l’échelon opérationnel du montage et du financement des projets.
Enfin, dernière préoccupation majeure, nous avons souhaité associer le Parlement à la gouvernance de l’Agence, en prévoyant la présence de parlementaires au conseil d’administration et une association des commissions de la culture à la convention d’objectifs conclue entre l’État et l’Agence.
Je ne reviendrai pas plus longuement sur le sort des conseillers techniques sportifs. L’article 28 de la loi de transformation de la fonction publique, dans sa rédaction sénatoriale adoptée sur l’initiative de Michel Savin, exclut la possibilité d’un transfert obligatoire, ce qui permettra à la concertation de se dérouler. Nous aurons l’occasion, à l’automne, d’examiner les résultats de celle-ci.
Les travaux de la commission mixte paritaire ont également permis de rapprocher les points de vue sur plusieurs aspects essentiels, qui concernent, à l’article 3, la rédaction de l’article L. 112-14 du code du sport introduit par le Sénat et relatif aux conférences régionales du sport.
L’Assemblée nationale avait prévu tout d’abord que ces conférences régionales comprendraient des parlementaires. Cette présence de droit ne nous semblait pas opportune, puisque les participants à une telle conférence doivent programmer des investissements en engageant leurs collectivités. Nous avons trouvé un compromis en permettant que des personnalités qualifiées participent aux travaux des conférences, en fonction des besoins.
Deuxième avancée, le projet sportif territorial sera établi « en cohérence avec les orientations nationales en matière de politique sportive définies dans le cadre de la convention d’objectifs conclue entre l’État et l’Agence ». Cette rédaction signifie deux choses : les conférences régionales du sport doivent s’inscrire dans la cohérence des actions de l’Agence à l’échelon national et, par ailleurs, ces actions doivent elles-mêmes être en harmonie avec la politique publique du sport soutenue par le ministère des sports.
Enfin, troisième modification importante, la commission mixte paritaire est revenue à la rédaction du Sénat prévoyant le caractère obligatoire des contrats pluriannuels d’orientation et de financement. Toutefois, afin de préserver une certaine souplesse, le caractère programmatique de ceux-ci a été réaffirmé, étant précisé que les engagements n’auraient pas de valeur pluriannuelle automatique. Pour que les conférences régionales du sport fonctionnent, il était nécessaire de concilier deux principes : leurs membres doivent prendre des engagements dans la durée, mais ceux-ci sont soumis à la vie démocratique et aux principes budgétaires. Il s’agit d’abord d’affirmer une ambition pour répondre à des besoins.
J’évoquerai enfin la convention d’objectifs prévue à l’article L. 112-16 du code du sport. Si l’Assemblée nationale a allégé le processus d’élaboration de la convention en maintenant une association du Parlement dans sa mise en œuvre, on ne peut que se féliciter que le principe d’une mention des moyens dans un cadre pluriannuel ait été maintenu.
Le texte tel que nous l’examinons aujourd’hui est donc assez différent de celui qui a été déposé au Sénat par le Gouvernement voilà quelques semaines. Les principes essentiels de la gouvernance territoriale de l’Agence ont été confortés dans la loi. Nous pouvons adopter ce texte en considérant qu’il présente les garanties nécessaires. Il ne faut toutefois pas oublier que de nombreux aspects resteront encore à clarifier dans les décrets d’application.
Comment seront établis, par exemple, les périmètres des conférences des financeurs ? Comment seront impliquées les collectivités qui rechignent à financer un équipement dont profitent leurs administrés ? Derrière ces questions apparemment techniques, c’est le succès de cette gouvernance collégiale qui se jouera. Madame la ministre, nous devrons y être attentifs.