En ce sens, accompagner graduellement ces communesvers un régime de droit commun est pertinent, sans pourautant que les aménagements proposés en phasetransitoire comportent d’effets pervers.À ce titre, la solution prévue à l’article 1er, visant àrelever le nombre de conseillers municipaux descommunes nouvelles, n’est toujours pas optimale quelle que soit la version du texte, car elle crée encore une foisdes perdants et des gagnants.
En effet, la solution présente les écueils suivants.
Elle ne résout pas le problème de la chutebrutale des effectifs municipaux, qui est à l’origine decet article. La commune de La Hague ou celle deGouffern en Auge connaîtraient une diminution de50 % de leurs effectifs de conseillers municipaux au moment du deuxième renouvellement.
Elle présente toujours des risques de distorsionsdans la composition des conseils municipaux, dont certains deviendraient surnuméraires. Une commune commeSouleuvre en Bocage, qui compte près de 8 500 habitants, aurait un conseil municipal au moins équivalent àcelui d’une commune de 300 000 habitants.
Enfin, cette solution déconnecte le nombre de conseils municipauxde la population, ce qui peut soulever desinterrogations.
En définitive, l’ensemble de ces solutions ne semblent doncni adaptées ni favorables à toutes les communes nouvellespuisque, pour 50 % d’entre elles au moins, le droit envigueur est plus favorable.
J’en viens à mon second point, qui est celui de la création de la commune-communauté, tout en soulevant un léger paradoxe : on veut reculer l’application du régime de droit commun pour ces « vraies communes » nouvelles et, « en même temps », créer de nouvelles « communes nouvelles », plus intégrées. Le principe du non-rattachement d’une commune nouvelle à une communauté est un dispositif qu’il faudra évaluer.
S’agissant donc de l’article 4, qui exonère une commune nouvelle de l’obligation de rattachement à un EPCI – principe introduit par la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, corrigée par la loi de 2015 –, il soulève toujours les interrogations émises lors de la première lecture. Y a-t-il lieu de créer de manière permanente une nouvelle catégorie juridique dérogatoire ? Faut-il prendre le risque de créer des communes nouvelles défensives ? En d’autres termes, quel doit être le degré d’exceptionnalité dans le temps, mais aussi dans l’espace ?
Tout d’abord, en introduisant une dérogation permanente, cette disposition induit des inégalités entre les communes nouvelles et les autres communes. Les premières sont conduites à entrer progressivement dans le droit commun applicable aux communes. Il y aura aussi des différences entre les communes nouvelles, seules celles constituées à compter du 1er janvier 2019 pouvant bénéficier de l’exonération de rattachement à un EPCI.
Par ailleurs, cette disposition ne correspond que partiellement à la réalité : à ce jour, 96 % des communes nouvelles comportent moins de 10 000 habitants et moins de 3 % sont composées de plus de 10 communes.
Ainsi, avec la conjugaison de la faiblesse du nombre de communes concernées et de la taille démographique restreinte, on peut s’interroger sur l’efficacité de ces espaces pour la mise en œuvre de services aux populations. Pour autant, il convient de ne pas favoriser le gigantisme du palier communal.
Sur un autre plan, les perspectives d’adhésion à un EPCI « XXL » peuvent freiner la création de communes nouvelles, alors même que la fusion pourrait présenter les caractéristiques du stade ultime de l’intégration communale. Mais on ne peut pas non plus écarter l’hypothèse que certaines communes-communautés créées puissent constituer des périmètres défensifs.
Vous l’avez compris, nous ne sommes pas foncièrement opposés à cette proposition. Nous avions proposé que le principe de rattachement comme principe de droit commun soit maintenu et que l’on envisage des dérogations encadrées sur la base de critères à définir, à l’instar de ceux qui ont présidé à l’élaboration des schémas départementaux de coopération intercommunale, les SDCI. La CDCI, en tant que garante des collectivités et des libertés locales, aurait également pu être l’instance d’examen des demandes dérogatoires de non-rattachement.
Toutefois, la réécriture de l’article 4 par l’Assemblée nationale nous semble en définitive présenter un bon compromis en levant l’automaticité du dispositif et en instaurant un double verrou pour le vote du non-rattachement par deux tiers des communes représentant deux tiers de la population, ce qui est une reprise des dispositions déjà en vigueur pour un EPCI souhaitant créer une commune en lieu et place de toutes ses communes membres.
Deuxième paradoxe : dans l’hypothèse d’un rattachement de la commune nouvelle à un EPCI, une procédure spéciale instaurée par l’Assemblée nationale prévoit que les délibérations sont prises à la moitié des voix des conseils municipaux, représentant la moitié de la population de la future commune nouvelle. Cette règle déroge à celle, de droit commun, de la majorité qualifiée et contraint inutilement les communes.
Bien que je ne sois pas un fanatique des rapports, je pense qu’il sera utile de faire une estimation, dans quatre ans, de l’intérêt du dispositif des communes-communautés. Peut-être serons-nous encore là, chère Françoise Gatel, pour prendre connaissance de cette estimation ?
J’espère me tromper, mais il me semble que ce dispositif aurait dû être plus souple et moins contraignant. Néanmoins, et parce que ce texte comporte certaines avancées, nous nous contenterons d’une abstention bienveillante.