Dès lors, les élus doivent pouvoir inventer des perspectives d’avenir pour leur territoire.
La commune nouvelle issue de la proposition de loi Pélissard-Pires Beaune est un pari audacieux des décentralisateurs et augure d’une réforme en profondeur, silencieuse mais librement voulue, choisie et portée par les seuls acteurs locaux.
Nous avons eu l’occasion de vous le dire, monsieur le ministre, dans un océan de contraintes qui ont corseté durement et parfois inefficacement les collectivités, elle est une pépite de liberté et une initiative législative exemplaire, au sens où elle a été conçue par et pour le terrain. La commune nouvelle offre ainsi aux territoires qui le souhaitent, aux élus qui s’engagent sur un projet de long terme, une réponse librement déterminée. Aujourd’hui, 2 508 communes représentant 2, 4 millions d’habitants ont fait ce choix, créant 774 communes nouvelles.
Mais précisément parce qu’elle est faite par des hommes et des femmes, pour des territoires d’avenir, elle ne doit ni brusquer, ni forcer, ni contraindre, mais convaincre.
Et pour convaincre, il convient parfois d’adapter et d’assouplir. C’est le sens de cette proposition de loi.
Deux dispositions essentielles figurent dans ce texte, et je me réjouis qu’elles aient été adoptées, sans être dénaturées, par l’Assemblée nationale.
Tout d’abord, à la veille des élections municipales, il était urgent de pouvoir définir l’effectif du nouveau conseil municipal. L’article 1er prévoit qu’il ne pourra être inférieur au tiers de son effectif initial. Ce régime transitoire permettra de garantir une meilleure représentation des communes historiques, sujet particulièrement sensible dans les premières années de la commune nouvelle.
L’Assemblée nationale a utilement parachevé le dispositif du Sénat, en établissant un plafond à 69 élus afin d’éviter des conseils trop pléthoriques.
L’article 4, porteur d’une innovation territoriale, la commune-communauté, est le cœur du texte. Il permet à une intercommunalité existante de devenir, par la volonté des communes qui la composent, une commune nouvelle, sans obligation d’adhérer à une autre intercommunalité.
Proposition disruptive aux yeux de ceux qui adorent les modèles uniformisants et quelque peu mathématiques, c’est une proposition pragmatique et de bon sens pour ceux qui privilégient l’agilité comme clef de l’efficience territoriale.
En effet, certains projets de communes nouvelles n’aboutissent pas en raison de l’obligation d’adhésion à un nouvel EPCI. Quel est le sens d’imposer aux élus une telle course sans fin, à rejoindre toujours plus grand, toujours plus loin ?
Mon cher collègue bienveillant Éric Kerrouche, cette disposition n’est en rien un rejet de l’intercommunalité, mais au contraire l’aboutissement d’une coopération positive et réussie. Elle répond aussi au découragement de nombreux élus municipaux désemparés par un transfert trop important de compétences à une intercommunalité dans laquelle ils ne siègent pas.
L’Assemblée nationale a souhaité, à raison, encadrer ce dispositif en instaurant une décision à la majorité des deux tiers des conseillers municipaux pour choisir de rejoindre un autre EPCI ou non.
Cependant, je regrette la suppression par l’Assemblée nationale de l’article 12 visant à rattacher la commune de Saint-Palais-du-Né, en Charente, au département de la Charente-Maritime.
Sollicité comme le prévoit la loi, le département de la Charente-Maritime a formulé un avis positif ; celui de la Charente un avis négatif « de principe ». Dans l’hypothèse d’un désaccord des départements, le texte prévoit que les limites territoriales soient fixées par la loi. En rejetant cet article, le législateur s’est départi du rôle qui lui incombe, c’est dommage.
Dès lors que la commune nouvelle correspond à un bassin de vie quotidien, qui s’affranchit souvent des frontières administratives, la question ne peut être éludée. Mais j’ai pris note avec intérêt, monsieur le ministre, de votre volonté, annoncée à l’Assemblée nationale, d’avancer sur ce sujet en parfaite concertation avec les collectivités concernées.
Par ailleurs, le principe du lissage des seuils a été, quant à lui, maintenu, mais restreint. Permettez-moi de regretter que le report temporaire et limité de certaines obligations qui tombent sur les communes brutalement du jour au lendemain n’ait pas été repris par l’Assemblée nationale.
Mes chers collègues, la commune nouvelle est avant tout une aventure humaine et territoriale. Elle s’apparente à la situation d’une famille recomposée, où l’humain prime parfois sur les facteurs opérationnels. Prévoir une transition en douceur, graduelle, sans brusquer, permet le plus souvent d’arriver sereinement à bon port.
Cette proposition de loi n’a pour vocation que de simplifier, assouplir et favoriser pour assurer la réussite d’une entreprise tentée courageusement par les élus locaux.
Je souhaite rappeler que cette proposition de loi est une coproduction très positive au service de nos territoires. Je salue chaleureusement les nombreux contributeurs, le président du groupe Union Centriste, Hervé Marseille, pour son soutien sans faille, mon collègue socialiste Christian Manable, avec lequel j’ai rédigé le rapport d’information de 2016 sur les communes nouvelles, l’AMF pour sa contribution très positive, le président Philippe Bas et notre collègue Mathieu Darnaud, rapporteur de la mission de contrôle et de suivi des lois de réforme territoriale, qui a intégré ce texte dans les 33 propositions en faveur de la revitalisation de l’échelon communal.
Je salue l’excellent travail effectué par le rapporteur Agnès Canayer, qui a su enrichir le texte de façon pertinente sans en dénaturer l’esprit.
Je salue avec beaucoup d’amitié les rapporteurs et chefs de file du texte à l’Assemblée nationale, Mmes Nicole Dubré-Chirat, Catherine Kamowski et M. Rémy Rebeyrotte, qui nous honorent de leur présence dans les tribunes, pour nos échanges très constructifs et positifs.
Enfin, j’espère qu’il me reste un peu de temps pour vous remercier vraiment très sincèrement, monsieur le ministre. Vous avez fait montre d’une grande écoute dans nos échanges toujours constructifs et permis au texte de prospérer.
Le Sénat, à la fin de cette année législative, avec cette proposition de loi et bien d’autres qui l’ont précédée, ouvre la voie à la liberté d’initiative des élus locaux que vous souhaitez voir confirmer avec le texte Engagement et proximité dont nous aurons à discuter à la rentrée.