Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi déposée par ma collègue Françoise Gatel est un pur produit de la réflexion sénatoriale. En effet, elle vise, comme il est écrit dans l’exposé des motifs, « à faciliter l’adaptation des communes nouvelles aux diverses réalités des territoires ».
Je suis sénateur de l’Orne, un département précurseur en matière de communes nouvelles, puisque, depuis 2014, un tiers des communes du département, soit 152, ont fait le choix de se regrouper au sein de 30 communes nouvelles.
Nous, élus, et en particulier parlementaires, sommes devenus des spécialistes, ou tout du moins des témoins des projets de communes nouvelles. J’ai moi-même eu la possibilité de participer à la création d’une commune nouvelle lorsque j’étais maire. À l’époque, nous avions travaillé sur les avantages et les inconvénients. Alors que nous avions à supporter une baisse de la DGF, nous pouvions créer cette entité pour éviter la baisse et bénéficier de 5 % de DGF supplémentaires pendant trois ans.
En contrepartie, en 2020, nous savions que le nombre de conseillers diminuerait, que les maires délégués cesseraient d’exister, et que nous formerions une seule commune, avec la perte des communes historiques, de l’implication bénévole des conseillers municipaux et de la proximité.
Vous l’avez compris, ce qui me gêne dans cette proposition de loi, c’est que l’exercice de simplification du droit est de nouveau oublié.
Plutôt que d’intégrer une clause de séparation dans les communes nouvelles et de faire confiance aux maires et aux territoires, nous préférons instaurer des règles spécifiques pour les communes nouvelles et rendre les textes applicables à la commune encore plus complexes et incompréhensibles.
Nous créons un nouveau statut, de nouveaux droits, qui nous mettront dans l’embarras lorsqu’il faudra expliquer les règles. J’entends cependant l’argument qui consiste à dire que cette clause de séparation est dangereuse, les communes nouvelles étant trop jeunes. Il aurait pourtant suffi d’intégrer une condition financière, comme le remboursement de la bonification de la DGF, pour que l’impact financier soit pris en compte avant la décision de séparation.
Avec le recul, plusieurs types de communes nouvelles ont vu le jour. Celles qui se sont regroupées à moins de cinq autour d’un projet commun, et celles qui se sont regroupées à l’échelle des anciennes communautés de communes.
Autant je suis favorable au premier modèle, autant je reste interrogatif sur le second et inquiet de constater la démotivation des maires des plus petites communes. Ce constat aurait été ennuyeux, mais sans réelle conséquence, si le Gouvernement avait souhaité continuer sa stratégie de suppression des communes et des maires.
Mais voilà, depuis décembre 2018, le Gouvernement a fait machine arrière et c’est tant mieux. La commune, avec son maire, est redevenue un maillon indispensable à la démocratie, en participant au maintien du lien social et à la proximité. Je cite M. le Premier ministre : « Il faut stopper la machine à broyer la proximité. »
Aujourd’hui, il faut donc remotiver les maires et les conseillers municipaux de ces grosses communes nouvelles pour conserver l’identité des communes historiques et le lien avec les habitants.
C’est l’objet de cette proposition de loi : augmenter le nombre de conseillers municipaux dans les communes nouvelles ; conserver le statut de maire délégué ; conserver les mairies et infrastructures historiques et créer des communes-communautés.
On renonce donc à faire une commune à l’échelle des anciennes communes et on prolonge la période transitoire, qui devait se terminer en 2020, pendant deux mandats.
Cette proposition n’est pas parfaite et créera de nouveaux problèmes, par exemple le nombre différent de conseillers municipaux entre une commune et une commune nouvelle.
Nous avons simulé le cas d’une commune dans l’Orne, celle de Tourouvre-au-Perche, issue de la fusion de 10 communes, avec 110 conseillers municipaux et 3 200 habitants. Après l’adoption du texte, le nombre de conseillers sera égal au tiers des 110, soit 37 au lieu de 27, pour une commune équivalente.
L’argument consistant à dire que cela permet d’éviter une chute trop brutale du nombre de conseillers municipaux est incompréhensible, la diminution étant déjà effective depuis la transformation des communes concernées. Je crois qu’il aurait fallu laisser le choix aux conseils municipaux actuels de décider de cette prorogation.
De la même manière, à quoi bon continuer avec le maire délégué ? Cela brouille les pistes.
Autre exemple pris dans l’Orne, qui est, je vous l’ai dit, un centre expérimental du sujet. Voilà quelques semaines, une élection partielle a eu lieu dans une commune dénommée Belforêt-en-Perche. Certains maires délégués faisant partie de la liste de la commune nouvelle ont été minoritaires dans leur commune historique. Ils ont pourtant été réélus maires délégués ! Bilan : les habitants ne comprennent pas pourquoi, bien que minoritaires, ils sont élus maires délégués.
C’est la raison pour laquelle j’avais, sur ce point, déposé un amendement, mais je suis conscient qu’il arrive tard et que nous aurons à traiter de nouveaux problèmes à l’avenir.
Comme tout le Sénat, j’ai toujours été très attaché à la commune et aux maires.
Je suis intimement convaincu que le choix de supprimer cette strate serait une erreur et que la baisse de motivation des maires est une catastrophe pour notre démocratie. Je reste persuadé que les communes nouvelles créées à l’échelle des anciennes communautés de communes ont contribué à la démotivation des maires des petites communes. C’est pourquoi, même si cette proposition de loi n’est pas complètement satisfaisante, je pense qu’elle donnera confiance aux maires dans la nouvelle orientation prise par le Gouvernement, et soutenue par le Sénat, en faveur du maintien des communes.
Je voterai donc en faveur de ce texte.