Intervention de Cédric O

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 24 juillet 2019 à 9h30
Audition de m. cédric o secrétaire d'état au numérique

Cédric O, secrétaire d'État :

Si le Gouvernement affirme que le pacte de Marrakech est faux, certains croiront qu'il est vrai car ils pensent les médias « vendus » au Gouvernement.... Le seul remède, c'est de contribuer au développement de l'esprit critique, tant les enfants que les professeurs, pour que cela soit systémique.

Dans le cadre du Pacte productif pour le plein-emploi en 2025, un groupe de travail associe collectivités, représentants des entreprises et des salariés. Comment mettre en face une offre de formation pour recruter les 200 000 personnes nécessaires d'ici 2022 ? Les structures existent, mais c'est une question de gouvernance territoriale. Dans chaque bassin d'emploi doivent se réunir syndicats, entreprises, organismes de formation, collectivités... L'État, depuis Paris, ne peut pas régler des problèmes à Béziers.

Les règles concurrentielles actuelles ne sont pas à la hauteur et ne suffisent pas. Il faut aller au-delà pour la portabilité des données et les données d'intérêt général.

Une réflexion est en cours pour mettre à jour nos règles de concurrence, à la fois au niveau européen sous l'égide de Margrethe Verstager, et au sein de l'OCDE. Je suis totalement d'accord avec vous : nous devons remettre de la concurrence.

Il y a des alternatives comme Qwant, qui ne sera jamais un compétiteur direct de Google mais qui pourrait prendre 10 % du marché des moteurs de recherche. L'État le soutient comme il le peut ; il l'a fait installer comme moteur de recherche par défaut sur l'ensemble des postes des fonctionnaires.

Le changement par rapport à l'offre de grands acteurs ne viendra que de l'émergence d'entrepreneurs privés. C'est un changement de toute notre politique économique.

Le temps des Airbus est dépassé. Nous allons créer un environnement macroéconomique dans lequel les entrepreneurs réussiront. Cela concernera la fiscalité, la normalisation, les relations avec l'administration, les talents. Il faut créer des entreprises qui grossissent.

Monsieur Assouline, Facebook a des règles de régulation qui lui sont propres, car il relève du domaine privé. Nous voulons le mettre sous la coupe du régulateur.

Madame Darcos, le manque de femmes dans le secteur du numérique est un problème d'égalité. Il y a 15 % de femmes dans ce secteur. Si nous montions à 50 % de femmes, nous réglerions une partie du problème de main d'oeuvre. Ce problème doit se traiter très tôt. Lorsque j'étais à VivaTech, il y a quelques mois, l'association Start-up for Kids, qui apprend le code aux enfants de 6 à 8 ans, m'alertait sur le fait que les enfants étaient déjà genrés, et qu'elle recevait beaucoup plus de garçons. C'est un problème d'éducation et de role model. Lors de ma sortie d'école de commerce en 2006, tous les étudiants voulaient être embauchés dans une grande entreprise de conseil. Désormais, ils veulent créer leur entreprise comme Mark Zuckerberg... On connaît Xavier Niel ou Marc Simoncini, mais il faut davantage mettre en avant les femmes entrepreneures qui ont réussi, comme Roxanne Varza, Céline Lazorthes ou Tatiana Jama. Elles doivent aussi se faire violence en recrutant des femmes, alors que la tendance est à la baisse...

Actuellement, il n'y a pas d'anonymat sur Internet mais un pseudonymat. Si la justice veut sanctionner un abus, elle peut trouver l'auteur. Malgré un accord d'entraide entre les justices française et américaine, Facebook refusait de donner les adresses IP de ses clients, sauf en cas de terrorisme ou de pédopornographie. Désormais, l'entreprise collabore, y compris pour des cas de haine en ligne. Le Gouvernement estime que nous devons être capables de trouver le coupable si besoin. Mais il n'est pas mauvais qu'un jeune puisse jouer en ligne aux jeux vidéo sous un pseudonyme et non sous son vrai nom.

Monsieur Piednoir et monsieur Lafon, l'intelligence artificielle a besoin de nombreuses données, gratuites. Ce n'est pas le modèle européen. Nous avons des entreprises meilleures que de nombreux concurrents chinois ou américains dans les secteurs de la santé, de l'énergie, de la mobilité, de la cybersécurité, des systèmes critiques - ce n'est pas la même chose de faire un algorithme de recommandation de votre prochain achat et de faire un avion autonome...

Deux des cinq plus grandes bases de données au monde dans le secteur de la santé sont françaises : celle de l'Assurance maladie et celle de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Si nous ne développons pas des entreprises dans ces secteurs, nos compétiteurs, actuellement avec des systèmes plus fragmentés, réussiront à avoir des champions. Les utilisateurs feront rapidement leur choix. Comment faire pour connecter les données ? Orange, Thalès, Atos, Cap Gémini travaillent ensemble sur la cybersécurité. Nous avons des données mondiales, une école d'intelligence artificielle très importante en France. Nous pouvons faire émerger des acteurs s'il y a un environnement réglementaire favorable et un public. Nous devons trouver la ligne de crête entre l'innovation et la protection. La France a mis un poids exagéré, ces dernières années, dans le principe de précaution, ce qui a tué l'innovation. Comme les usages gagnent, nous devons alors utiliser les moyens d'autres pays. Sans Linky, il n'y a pas de transition environnementale, car pour adapter la production à la consommation, il faut connaître la somme des consommations individuelles.

Sur l'inclusion numérique, nous avions des guichets permettant de gérer les exceptions. 20 % des personnes se retrouvent dans ce cas. Avec Internet, l'exception peut devenir un enfer, comme d'avoir un nom de famille à une lettre : 30 % des formulaires sont conçus pour des noms d'au moins deux lettres. Lorsque je voyage, je suis souvent Cédric « OO ». C'est sympathique, mais il ne faut pas qu'il y ait d'interconnexion de données. Et si j'étais une personne âgée au fin fond de la Lozère, ce serait un enfer... C'est la même chose pour une personne en situation de handicap. Avec la dématérialisation, il n'y a plus de numéro de téléphone, plus de contact. Cela découle d'une approche insuffisamment tournée vers l'utilisateur. Les entreprises dématérialisent leurs processus plutôt que de penser à l'utilisateur. Il est nécessaire de remettre des personnes et des numéros de téléphones. Mais je ne peux pas, madame Lepage, me prononcer sur le cas d'espèce des consulats. Lorsque nous avons dématérialisé les services en préfecture, ce fut une catastrophe. Nous avons dû multiplier par trois les centres d'appel et remettre des centres d'accueil. Nous devons réorganiser différemment.

Monsieur Kern, madame Lepage et monsieur Leleux, pour l'inclusion numérique, il faut des tuyaux financiers, des formations et une organisation. Cela suppose que dans un endroit donné, vous puissiez avoir accès à quelqu'un qui fait les démarches pour vous : dans une mairie, une bibliothèque numérique, un centre d'action sociale, demain dans une maison France services... Encore faut-il un maillage cohérent et visible. Nous avons créé le label Comptoir numérique ; il en faudrait entre 1 500 et 2 500 sur tout le territoire, avec une qualité de service minimale. C'est une question de maillage, par bassin territorial, et nous y travaillons avec le Conseil national des tiers-lieux et les Maisons France Services.

Nous avons commencé à financer des Pass numériques dans 48 territoires. Ils sont souvent cofinancés par les collectivités territoriales, mais nous pourrions aussi demander au secteur privé ; cela nécessiterait quelques dizaines ou centaines de millions d'euros dans les prochaines années.

Madame Billon, nous avons très souvent essayé la solution du crédit d'impôt pour les TPE et les PME, mais nous n'arrivons pas à accélérer la numérisation des TPE et des PME. Nous avons mis en place un emprunt spécifique, mais le taux de recours est extrêmement faible. Nous échangeons avec les chambres de commerce et d'industrie (CCI) et les organisations professionnelles - Medef, CPME... - qui trouveront la solution. Comment un patron de TPE ou de PME peut-il prendre conscience de l'impératif vital de digitaliser ? L'État ne sait pas aller dans une granularité très fine, jusqu'au patron de TPE. Le crédit d'impôt suramortissement dans l'industrie est un sujet pour le directeur financier et non pour le directeur industriel. Le sous-traitant ignore ce dispositif....Il est important que ce soit le voisin ou le concurrent qui lui dise que s'il n'investit pas, il est mort.

Sur Huawei, je m'en tiendrai à une certaine économie de termes... Le Sénat et l'Assemblée nationale ont trouvé un accord sur la proposition de loi visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l'exploitation des réseaux radioélectriques mobiles (5G). Les investissements chinois sont bienvenus en France, mais dans certains secteurs, ils peuvent toucher à la sûreté nationale. Un téléphone Huawei ne pose pas de problème, par contre, les stations de base 5G touchent à la sécurité nationale. Nous observons la situation extrêmement attentivement.

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