On voit bien le lien affectif que nous sommes nombreux à entretenir avec l'Allemagne. Pour ma part, de l'âge de onze à vingt ans, j'ai passé tous mes mois de juillet près de Stuttgart, à me confronter au dialecte souabe et à l'accent particulier de cette région. J'en garde des souvenirs merveilleux et une fascination pour l'Allemagne. Chaque fois que nous avons exercé des responsabilités ensuite, nous avons tous projeté notre attachement à l'Allemagne. Ainsi, lorsque je suis devenu maire, j'ai immédiatement instauré un jumelage entre ma commune et une ville bavaroise. Le lien entre les opinions publiques des deux pays me paraît important. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous déplorons qu'elles n'aient pas été associées à ce traité.
Toutes les générations de l'après-guerre ayant assisté à la réconciliation éprouvent cet attachement. Les images, les gestes forts perdurent dans les esprits : De Gaulle et Adenauer, Mitterrand et Kohl.
Aujourd'hui, nous sommes déçus et inquiets, compte tenu des difficultés qui s'amoncellent, notamment dans le cadre de notre relation industrielle.
Monsieur Bockel, il y a une différence très importante entre nos deux pays. Quand l'Assemblée nationale et le Sénat français s'expriment d'une seule voix, les parlementaires allemands parlent chacun au nom de leur länder.
Je rencontre prochainement Wolfgang Hellmich, je lui dirai clairement les choses. Il ne peut pas y avoir constamment un décalage entre les déclarations du Président de la République et de la Chancelière et celles des députés. Ces derniers ont un pouvoir très important. Une haute personnalité allemande m'a ainsi raconté que des décisions d'acquisition de matériel sont prises par le Parlement allemand sans l'avis du chef d'État-Major des armées ! Imaginez ce qui se passerait si nous décidions d'acheter tel modèle de char ou d'hélicoptère sans prévenir le général Lecointre et le général Lavigne...
Madame Goy-Chavent, l'article 6 du traité prévoit un renforcement de la coopération bilatérale en matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. C'est une pétition de principe, elle est importante, mais il va falloir que le Parlement veille à ce que les gouvernements successifs mettent en oeuvre des mesures dans ce domaine.
Monsieur Boutant, je n'ai peut-être pas été assez précis sur l'enseignement de l'allemand. Il y a eu un léger mieux cette année, mais nous sommes loin des 18,5 % d'élèves apprenant l'allemand dans le second degré qu'on a connu en 2000.
En tant que maires, nous avons souvent eu à nous battre contre les autorités académiques pour conserver des professeurs d'allemand. La conséquence des diminutions de postes, c'est que, désormais, lors des échanges, les jeunes français et allemands parlent anglais entre eux ! C'est terrible...
Je suis tout à fait d'accord concernant l'application de l'article 28. Un suivi pas à pas est nécessaire. À cet égard, je proposerai d'intensifier nos relations avec nos amis allemands. On ne les voit pas assez, alors que nous rencontrons fréquemment nos amis britanniques, ce qui a beaucoup aidé à la compréhension de la problématique du Brexit.
M. Allizard votera ce traité par raison, comme M. Guerriau. C'est vrai qu'on aimerait y mettre un peu plus de coeur et d'espérance.
Je m'arrêterai un instant sur ce qu'a dit Ladislas Poniatowski sur les exportations d'armes. Je n'accepte pas les leçons de conduite de nos amis allemands alors que, par ailleurs, on le sait de façon précise, Rheinmetall exporte des containers entiers d'armes, qui partent soit de l'aéroport de Cagliari en Sardaigne, soit d'Afrique du Sud. Il faut donc créer un rapport de forces et faire preuve de transparence. Nous ne sommes pas idiots, nous savons ce qu'il se passe.
Ladislas Poniatowski a évoqué le risque de dégradation de la compétence technologique. Pour ma part, je suis sorti rassuré du salon du Bourget sur la compétence des industries françaises, mais, et il faut avoir le courage de le dire, ce sont nos exportations qui nous permettent de maintenir ce niveau, et non les commandes de nos armées. De même, la commission a été impressionnée par sa visite à Cherbourg du chantier de construction de sous-marins nucléaires d'attaque. Nous allons exporter notre savoir-faire dans ce domaine en Australie, ce pays n'ayant pas les compétences pour faire ce que nous savons faire excellemment.
Monsieur Cadic, parmi les quinze projets prioritaires, il y a la création d'une plateforme numérique franco-allemande, de quatre instituts culturels franco-allemands à Rio, Palerme, Erbil et Bichkek. La liste des projets figurera dans le rapport écrit. Nous suivrons la mise en oeuvre de ces projets.
Vous avez évoqué le Rafale. C'est vrai que c'est compliqué de travailler ensemble, surtout lorsque les règles ne sont pas posées dès le départ. Un équilibre est nécessaire. La ministre des armées Mme Florence Parly est favorable à cet équilibre, tout comme son homologue Mme Ursula von der Leyen, mais les industriels parlent un autre langage.
Robert del Picchia a manifesté son attachement à l'Allemagne. Nous partageons évidemment ses convictions.
Je suis de l'avis du président Patriat, il faut faire preuve de volontarisme et de bonne humeur si l'on veut que ce traité porte ses fruits. Il faut que la coopération franco-allemande retrouve sa force et son intensité au moment du Brexit.
Je partage le point de vue de Mme Garriaud-Maylam sur ce qu'il se passe à l'assemblée parlementaire de l'OTAN. Nous sommes sidérés par le fait que les États-Unis dominent le jeu : le lien qui existait précédemment entre la France et l'Allemagne semble en effet avoir disparu.
Je retiens le rôle que pourraient jouer les fondations. Nous y gagnerions en effet à les rencontrer, car elles font un travail extraordinaire.
Enfin, sachant que le SCAF portera l'arme nucléaire française, il est évidemment hors de question que les Allemands nous empêchent de le fabriquer pour ce motif...
On connaît bien les réserves de Christine Prunaud. J'ai trouvé son propos tout à fait positif et constructif.
Vous avez les uns et les autres bien résumé le sentiment qui est le nôtre. Nous éprouvons une certaine nostalgie de la belle entente franco-allemande que nous avons connue et qui a sauvé les générations d'après-guerre et nous sommes déçus par le peu d'attrait que suscite cette coopération aujourd'hui. Enfin, nous avons des craintes s'agissant des milieux industriels allemands, qui pèsent de tout leur poids pour s'attirer la meilleure part de la coopération alors qu'une relation équilibrée est nécessaire.
Cela étant, je vous propose d'adopter ce traité et ainsi de dire aux Allemands : on y croit encore !
Le projet de loi est adopté sans modification.
J'observe que ce texte est adopté à une très large majorité, seuls M. Laurent, Mme Prunaud et M. Ravier votant contre.