Vous m'avez interrogé sur le financement.
En préambule, je dois dire que je suis un peu contrarié par le fait que les corps intermédiaires aient été mis de côté dans le cadre de cette réforme. Les syndicats connaissent le terrain et leurs adhérents, et c'est en eux que les entreprises ont confiance. Lorsqu'un chef d'entreprise souhaite se lancer dans l'exportation, il s'informe auprès d'une autre entreprise. Ce tissu de confiance entre les entreprises et les syndicats doit absolument être exploité.
Notre rôle à tous, au Medef ou à la CPME, est d'occuper le terrain afin d'accroître le nombre d'entreprises exportatrices. Je rappelle que, en 2000, la France comptait 130 000 entreprises exportatrices, contre 125 000 aujourd'hui. Ces entreprises sont au nombre de 420 000 en Allemagne et de 250 000 en Italie. C'est donc qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Un Italien, lorsqu'il ne fabrique pas un produit, a le réflexe d'appeler celui qui le fabrique. Il ne lâche pas le client venu de l'étranger. C'est une culture que nous n'avons pas encore en France.
Dans nos anciennes colonies - pardonnez-moi d'utiliser ce terme, mais il a le mérite d'être compréhensible -, nous étions sûrs d'être sélectionnés dans tous les appels d'offres, mais le jour où le monde s'est ouvert, ces pays ont fait appel à des entreprises du monde entier. Nous avons alors perdu tous nos marchés en Afrique. Il faut en priorité reconquérir ces marchés, où se trouvent les matières premières. Il ne faut pas seulement exploiter ces matières premières, il faut aussi donner du travail aux populations sur place et donner une plus-value à leur travail, si nous ne voulons pas demain être envahis.
J'en viens au financement. Nous ne pouvons pas nous plaindre, car nous avons en France des dispositifs extraordinaires. Le problème est qu'ils ne sont pas connus et pas utilisés par les primo-exportateurs - je parle ici des entreprises comptant jusqu'à cinquante salariés. Il faut expliquer à ces entreprises qu'elles peuvent exporter sans trop toucher à leur trésorerie, en bénéficiant d'une assurance prospection par exemple, et les accompagner. Le fait est qu'on a beau fournir des explications aux chefs d'entreprise lors de réunions, ils oublient tout sitôt qu'ils ont quitté la réunion ! De même, on s'est aperçu que de nombreuses PME-PMI qui font l'effort d'aller à l'international n'exploitent pas à leur retour tous les contacts qu'ils ont établis sur place. Nous les obligeons donc à nous tenir au courant, et c'est nous qui relançons les contacts étrangers pour leur compte.
Au Japon, les entreprises qui ne souhaitent pas exporter confient leurs produits à de grandes entreprises, appelées des shôshas, lesquelles s'occupent ensuite de les commercialiser à l'échelon international. C'est une piste de développement pour nous. Le portage par de grands groupes est quelque chose de formidable, mais encore faut-il qu'il soit mis en place. Or c'est un échec total, car ce n'est pas dans la mentalité des grands groupes aujourd'hui, qui n'ont pas les cadres nécessaires. Il leur faudrait des tuteurs, mais nous n'en avons pas. Il faut envisager cette piste pour le futur, sinon nous n'arriverons jamais à atteindre le nombre de 200 000 entreprises exportatrices.
Alors, oui, nous disposons de suffisamment de financements, mais il faut materner les entreprises et les prendre en charge de leur départ à leur retour, afin qu'elles n'aient à s'occuper de rien d'autre que de vendre leurs produits et d'honorer les rendez-vous qui leur ont été pris. Voilà quel est notre travail en tant que syndicat.
Le renfort des conseillers territoriaux de BPI France et de Business France est extraordinaire. On connaît tous la situation des chambres de commerce et d'industrie (CCI) aujourd'hui. Les restrictions budgétaires signifient plus de voyages à l'étranger. Dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, nous nous partageons les tâches : la région a délégué aux CCI la promotion à l'international et nous occupons du travail sur le terrain, c'est-à-dire de la formation, des journées pays, etc. C'est une répartition logique, qui pourrait être dupliquée dans d'autres régions.
Votre deuxième question portait sur l'envie. Ce qui donne envie aux entreprises d'exporter, c'est l'exemple d'autres entreprises. La première exportation se fait la plupart du temps dans les pays du Maghreb, dont le potentiel n'est pas négligeable et où l'on parle le français. Nous sommes ainsi l'un des plus gros exportateurs vers l'Algérie. Même si c'est difficile, on peut y emmener des primo-exportateurs, avant, petit à petit, de leur faire connaître l'Afrique. Il faut toutefois les former. Si on ne les materne pas, il y a automatiquement d'importants déchets. Sur 28 000 primo-exportateurs rentrants, on compte 26 000 sortants ! Ce n'est pas normal.
Les primo-exportateurs n'ont pas intérêt à aller se battre immédiatement contre l'Allemagne ou le Japon, ou encore les États-Unis, qui sont des pays très réglementés et difficiles d'accès. En 1974, nous avions emmené des entreprises au Liban. Nous avons fait la même chose au Vietnam. L'accord avec les patronats locaux est très important et nous fait gagner un temps fou. J'ajoute que, en règle générale, ils ont la déontologie de nous présenter des gens à qui on peut serrer la main sans avoir à compter ses doigts ensuite !
Vous m'avez ensuite interrogé sur le volontariat international en entreprise (VIE). Ce dispositif pourrait être amélioré, mais il n'en est pas moins formidable pour les jeunes. L'Europe a mis en place le programme Erasmus+, qui s'adresse aussi à de futurs chefs d'entreprise. Pouvoir travailler dans une entreprise étrangère est une ouverture dont les gens de mon époque n'ont pas bénéficié. Il faut en profiter au maximum.