Je reprendrai d'ailleurs à mon compte la distinction que vous avez formulée pour conclure, qui me paraît importante pour les sociétés européennes : la différence entre l'appris et l'évident, cette différence ne nous interdisant aucunement de mettre en garde les générations pour lesquelles le numérique est un univers évident, dont elles ne prennent peut-être pas toute la mesure.
Pourquoi les plateformes Percev@l - pour signaler une fraude à la carte bancaire à la police nationale ou à la gendarmerie et THESEE - pour porter plainte pour tout fait d'escroquerie en ligne -se sont-elles développées séparément ? Considère-t-on que la carte de crédit est d'usage universel quand les escroqueries sont par nature plus locales - elles peuvent passer par la carte de crédit, mais pas nécessairement ?
S'agissant de l'identification des personnes, l'identification officielle était historiquement un privilège de l'État ; ce privilège est aujourd'hui de plus en plus contesté par les géants du numérique, qui font valoir leur intérêt, en termes de fidélisation et de captation d'une clientèle, à organiser eux-mêmes l'identification. Quelle place l'État veut-il jouer en matière d'identification à l'intérieur de ce monde numérique - je ne parle pas du monde physique, celui des frontières matérielles ? Existe-t-il une convergence entre l'identification dans l'espace numérique et l'identification dans l'espace matériel ? En particulier, quelle peut être la place de la reconnaissance faciale ? Votre administration, qui a longtemps été la mienne en tant que membre du corps préfectoral, a lancé le projet Alicem - authentification en ligne certifiée sur mobile. Où en sommes-nous ? Comment réagissez-vous aux interrogations exprimées par le monde associatif ou la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés) sur le recours obligatoire à la reconnaissance faciale ?
Ma deuxième question a trait à l'intégrité des processus électoraux. En la matière, avez-vous des pistes concrètes ? Vous avez évoqué le vote électronique, qui reste aujourd'hui marginal en France. Dans certaines organisations administratives ou associatives ou à l'occasion d'un éventuel recours accru au référendum, on peut imaginer que le vote électronique pourrait se développer. Le ministère doit-il prendre, à cet égard, des initiatives ?
Troisième question - nous la poserons également à votre collègue Mme la Garde des sceaux : quid de l'utilisation des algorithmes dans vos champs de compétence ? Certains services, en particulier dans la gendarmerie, réfléchissent à développer des logiciels d'anticipation et d'analyse décisionnelle -pourquoi pas en matière de circulation automobile par exemple. Que pouvez-vous nous dire des projets en cours ?
Dernier sujet sur lequel je souhaite vous interroger : vous avez dit quelque chose de vrai, mais qui mérite, me semble-t-il, un approfondissement. Les Gafam, avez-vous dit, ont l'immense mérite d'avoir une taille critique leur permettant de mettre en place des structures et de travailler avec vous. Quel type de coopération pouvez-vous justement imaginer afin de promouvoir, de leur part, une attitude plus conforme à nos intérêts nationaux ? Vous semblez penser que les Gafam sont plus enclins à adopter des comportements responsables que des acteurs dont l'objectif est simplement d'obtenir un profit immédiat sans endosser les responsabilités inhérentes à l'action d'une grande structure justifiant par-là d'adopter à l'égard de ces géants numériques une attitude ouverte...