Le développement du numérique voit s'affronter des États et des espaces continentaux sur le terrain de l'économie mais aussi du droit, utilisé comme un moyen de conquête et de protection. La confrontation des cultures et des systèmes juridiques dans le champ du numérique ainsi que le rapport de force qui en résulte affectent la souveraineté de notre État.
Notre droit national et continental place la loi au centre ; le droit anglo-saxon de common law procède d'une autre logique, sans cesse plus forte, jusqu'à donner l'impression que notre loi, sur notre propre sol, s'efface de fait.
Dans ce contexte, madame la Garde des sceaux, votre ministère doit répondre aux défis que représente la révolution numérique pour notre souveraineté, pour l'intégrité de notre ordre juridique et l'autorité de nos magistrats et de nos lois.
Les modèles économiques des grands acteurs du numérique - gratuité d'accès, collecte massive, utilisation et valorisation des données personnelles, vente de publicités ciblées - passent par des stratégies d'évitement permettant d'échapper aux contraintes de notre ordre juridique. Obtenir la coopération de grandes plateformes situées à l'étranger n'est pas toujours aisé. Quelles difficultés nos magistrats et vos services rencontrent-ils, et quelles solutions nous sont offertes ?
Pire, certains de ces acteurs sont susceptibles d'être en France les vecteurs, consentants ou non, d'ordres juridiques étrangers : les géants américains sont soumis à des régimes de sanctions extraterritoriales ou à des règles d'accès aux preuves électroniques, comme le Cloud Act. Comment s'explique ce contournement des traités d'assistance judiciaire mutuelle et comment l'éviter ? Faut-il renforcer la loi de blocage pour interdire, par exemple, la transmission d'informations stratégiques hors de ce cadre protecteur ?