Votre présentation reprend les lignes de force sur la souveraineté numérique que nous évoquons depuis le début de nos travaux, et rappelle votre implication dans l'adoption de la loi relative à la protection des données personnelles que vous aviez présentée au Sénat en 2018. Pour votre ministère, la souveraineté numérique appliquée à la coopération judiciaire est d'actualité et dépend non seulement de considérations économiques et technologiques, mais aussi juridiques.
Pour ce qui concerne la mise en place du RGPD, vous nous avez donné des éléments et cité des chiffres, mais je m'interroge sur la coexistence de sanctions administratives sur le fondement du RGPD et de poursuites pénales : quelle sera la politique du parquet pour sanctionner les manquements au RGPD ? Selon vous, quelle politique pénale devrait être adoptée par le Gouvernement ? Considérez-vous que la sanction administrative suffise ? Les amendes sont parfois élevées. Exonèrent-elles de la procédure pénale ? Il est facile de saisir les grands opérateurs qui défient les États ; il est possible de discuter avec des interlocuteurs qui ont des intérêts. Mais des opérateurs plus modestes peuvent échapper à ce type de régulation par la sanction administrative ; ils devraient être confrontés au risque de la sanction pénale si l'on veut qu'existe une dissuasion.
Pour ce qui concerne la CNIL, compte tenu de l'importance de l'enjeu, ses effectifs sont bien inférieurs à ceux des régulateurs des autres États membres de l'Union et elle paraît bien modeste. Il ne résulte pas de nos travaux qu'il faudrait fusionner les régulateurs, leurs compétences diverses - dès lors qu'il y a mutualisation et coordination - paraissant pertinentes. Pour autant, la question de l'insuffisance des moyens de la CNIL est préoccupante.
Le numérique a pour caractéristique d'être éternel, alors que les décisions de justice ont vocation à ne pas l'être. La prescription est un facteur de paix civique mais l'open data ne peut-il pas parfois servir à la contourner ?
Grâce à l'extension de l'intelligence artificielle, l'investissement dans des technologies algorithmiques pourrait aboutir à des méthodes d'aide à la décision, voire de prévisions qui feraient planer le spectre d'une justice prédictive à l'égard de petits délits dont le traitement pourrait être industrialisé. Cette crainte est-elle justifiée ?
Enfin, quel partenariat le ministère de la justice pourrait-il engager ou a-t-il engagé avec les Gafam ? Faut-il une attitude patriotique vis-à-vis des grands acteurs du numérique ou vaut-il mieux associer les grands acteurs à des coopérations ponctuelles ?