Intervention de Nicole Belloubet

Commission d'enquête Souveraineté numérique — Réunion du 3 septembre 2019 à 9h30
Audition de Mme Nicole Belloubet ministre de la justice

Nicole Belloubet, garde des sceaux :

Pour ce qui concerne la coexistence de sanctions administratives et pénales, nous devons faire preuve d'exemplarité - c'est l'objet de la sanction pénale - et nous devons respecter des règles juridiques, notamment le principe non bis in idem. Le Conseil constitutionnel a rendu des décisions importantes - je pense notamment à sa jurisprudence lors de l'affaire Cahuzac - et admis sous certaines conditions deux types de sanctions pour des faits identiques qui relevaient de deux ordres juridiques différents. Dans le sujet qui nous occupe, tel est le cas et la double sanction pourrait donc jouer.

Quant à la CNIL, j'ai conscience de la modestie de ses effectifs, mais aussi de ses efforts considérables de réorganisation et d'adaptation. Des postes supplémentaires lui ont été octroyés pour faire face à ses nouvelles missions : entre 2010 et 2019, ses membres sont passés de 140 à 208. Son budget est passé de 14 à 18 millions d'euros. Le nombre des agents des structures comparables aux Pays-Bas et en Allemagne est similaire, tandis qu'au Royaume-Uni il atteint presque 700.

Sur la crainte d'une justice prédictive, il faut s'arc-bouter sur l'office même du juge et sur la question de l'individualisation des décisions qui garantit l'indépendance de la justice. Pour autant, il ne faut pas se priver d'éléments d'aide à la décision, tels les barèmes relatifs aux pensions alimentaires, notamment.

Par ailleurs, depuis la loi de 2016 pour une République numérique confortée par la loi de réforme de la justice de mars dernier, nous devons mettre à disposition en open data l'ensemble des décisions de justice, ce qui pourrait conduire des opérateurs privés à construire des banques de données ou des logiciels permettant de déterminer les chambres octroyant les meilleures indemnités. Lors de l'élaboration de cet open data, nous serons très vigilants sur ce point.

Enfin, aucun « partenariat » en tant que tel n'a été établi avec les Gafam, mais nous avons, bien sûr, un patrimoine applicatif qui s'est constitué au fur et à mesure - Microsoft, pour les postes de travail -, avec le souci de la double source et des solutions alternatives libres. Pour des raisons de sécurité, nous hébergeons chez nous nos données, et avec le concours et la vigilance de l'Anssi.

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