Intervention de Nicole Belloubet

Commission d'enquête Souveraineté numérique — Réunion du 3 septembre 2019 à 9h30
Audition de Mme Nicole Belloubet ministre de la justice

Nicole Belloubet, garde des sceaux :

Madame Morin-Desailly, je soutiens les demandes de crédits de la présidente de la CNIL, qui sait aussi la nécessité de réorganiser cette instance en raison de l'évolution de ses missions.

Sur les risques pour la démocratie de la manipulation de l'information, la loi dite fake new permet d'apporter un certain nombre de réponses, ce qui montre une volonté d'agir. J'ai évoqué récemment ce sujet au Conseil de l'Europe et un certain nombre d'États sont intéressés par ce type de législation.

La directive e-commerce a été adoptée à une époque où les acteurs privés comme les Gafam n'existaient pas. Il est donc important de réfléchir à un nouvel encadrement, car les Gafam fournissent plus que de l'hébergement passif. La réouverture de ce dossier serait intéressante - je le dis, bien sûr, sans préempter le cadre de la nécessaire concertation interministérielle.

Quant aux propositions de résolution européenne adoptées par le Parlement, ces textes sont un point d'appui très utile dans nos négociations. Ils renforcent la position du gouvernement français.

Aucune contractualisation entre le ministère de la justice et les Gafam n'a été formalisée ; des partenariats ont été conclus notamment avec Microsoft. Je sais que mes collègues des autres ministères, tout comme moi, sont très mobilisés sur les risques qui pourraient découler d'une telle contractualisation.

Monsieur le président, le rapport Gauvain insiste sur la protection des avis juridiques possédés par certaines entreprises et souhaite que soit mis en place un certain nombre de dispositions. Les intérêts peuvent être antagonistes. Cette protection est favorable aux entreprises quand des autorités étrangères veulent accéder à des données constituant les gènes mêmes de ces entreprises. Mais des impératifs de valeur constitutionnelle existent. Ainsi en matière de détection de la fraude fiscale ou de lutte contre la délinquance financière, si ces données sont trop protégées, les juges français risquent d'être mis en difficulté. Nous devons donc trouver un système équilibré.

Une des réponses aux pouvoirs des autorités américaines serait, selon le rapport Gauvain, que nous nous dotions d'avocats en entreprise, en dégageant un statut particulier. Mais je note que la question fait débat et que les avocats français ne sont pas tous favorables à cette notion, estimant qu'une partie du marché pourrait leur échapper - c'est un fait, il y a des différences d'approche entre le barreau de Paris et les autres. Une des solutions à l'étude serait plutôt de permettre d'instaurer un legal privilege dont les titulaires pourraient être reconnus par les autorités judiciaires américaines, sans octroyer le titre d'avocat. Ils seraient inscrits au tableau B de l'ordre des avocats.

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