Intervention de Yves Lyon-Caen

Mission commune d'information sur le sauvetage en mer — Réunion du 17 septembre 2019 à 14h35
Audition de M. Yves Lyon-caen président de la fédération des industries nautiques

Yves Lyon-Caen, président de la Fédération des industries nautiques :

Des liens avec la SNSM, nous en avons bien entendu. L'industrie nautique a été fondatrice de la Confédération du nautisme et de la plaisance, et l'un des vice-présidents de la SNSM siège au sein de notre conseil. Les échanges sont donc réguliers.

Je me souviens d'un épisode qui m'a laissé un peu de regret. En 2016, sous l'égide de l'État, la Confédération a négocié avec la SNSM un protocole qui associait tous les acteurs du nautisme et de la plaisance pour promouvoir auprès des pratiquants les activités de la SNSM et la générosité collective. Or, la veille de la signature, M. Xavier de La Gorce nous a prévenus qu'il ne signerait pas. Je n'ai pas compris pourquoi : peut-être pourrez-vous le lui demander. Ce protocole ne répondait pas à tous les problèmes, mais il s'agissait d'un acte politique assez fort réunissant toutes les familles du nautisme.

En ce qui concerne les interventions de la SNSM, nous ne recevons aucune information. C'est l'une des difficultés qui se posent pour parvenir à un diagnostic commun : nous n'avons pas connaissance de l'accidentologie. La SNSM ne publie pas d'informations suivies sur son site ; elle ne communique que des données agrégées difficiles à interpréter, sans distinguer le secours aux personnes de l'assistance aux biens, ni les interventions destinées aux plaisanciers de celles destinées aux pratiquants des loisirs nautiques. Moyennant quoi, le débat n'est pas objectivé comme il conviendrait.

Depuis un an, avec l'aide du ministère des sports et des affaires maritimes, nous contribuons à la création d'une base de données, le SNOSON, destinée à établir l'accidentologie liée aux loisirs nautiques, mais sans articulation avec les informations de gestion de la SNSM.

En France, 11 millions de personnes pratiquent les loisirs nautiques - par exemple, le paddle, le kitesurf ou le kayak de mer. L'accidentologie dans la bande des 300 mètres, qui est importante, concerne essentiellement ces pratiques. Mais les informations publiées par la SNSM ne permettent pas de distinguer les interventions à distance et celles réalisées dans une zone limitrophe. Pourtant, quand on s'interroge sur la contribution que les 600 000 plaisanciers pourraient apporter au financement de la SNSM, il importe de connaître leur poids relatif dans l'accidentologie.

J'ajoute que, sur 600 000 à 650 000 propriétaires d'un bateau, 90 % possèdent un bateau de moins de sept mètres. Le discours qui fait de la plaisance un loisir de riches est donc profondément ignorant. C'est un loisir partagé par des personnes de toutes origines - en province, on le sait. Les yachts qui mouillent dans les eaux de la Méditerranée ne représentent pas la plaisance telle que vous la connaissez. Seulement 70 000 plaisanciers, soumis au DAFN, possèdent un bateau de plus de sept mètres ou dont la puissance est supérieure à vingt-deux chevaux.

S'agissant de l'éventualité de créer une taxe ou de développer l'assurance, il est intéressant de distinguer les quatre missions opérationnelles de la SNSM.

La première est celle des nageurs sauveteurs, qui interviennent en bord de plage. Elle mobilise pratiquement 4 000 bénévoles, et les collectivités territoriales y contribuent souvent lourdement.

La deuxième mission est plus difficile à cerner, car la SNSM ne la distingue pas des autres : il s'agit de l'assistance aux biens - le sauvetage d'un bateau en péril, par opposition au sauvetage d'une personne ou d'un groupe de personnes en danger. C'est, à mon sens, la mission qui mobilise la plus grande partie des moyens en mer de la SNSM. Cette mission d'assistance devrait être supportée par les plaisanciers qui mettent en danger leur bien. Or les tarifs de la SNSM sont souvent très faibles et le recouvrement de son dû par la SNSM, aléatoire. Il importe pourtant, pour responsabiliser les plaisanciers, qu'ils supportent le coût de telles interventions.

Faut-il faire payer les plaisanciers ou faut-il instaurer une obligation d'assurance ? Je suis d'avis d'inciter les plaisanciers à souscrire une assurance assistance et à pénaliser ceux qui ne sont pas couverts en cas d'intervention, à l'image de ce qui se fait en montagne. C'est une forme de responsabilisation naturelle.

Vient ensuite la mission d'assistance aux personnes, c'est-à-dire le sauvetage de vies en danger. Il s'agit d'une mission de service public qui relève de la solidarité nationale.

La quatrième mission de la SNSM ressortit aux services de proximité. Elle n'est pas financée à proprement parler. Il s'agit notamment du transport sanitaire des îliens. C'est un vrai sujet. Les bénévoles de la SNSM rechignent à remplir de la paperasse et à renvoyer les feuilles de remboursement à la caisse primaire d'assurance maladie... La question de la dispersion de cendres en mer n'est pas négligeable non plus en termes de recettes.

Il serait intéressant de savoir comment sont financées ces missions, indépendamment des dépenses d'investissement de la SNSM. Cela revient à s'interroger sur sa structure de financement, laquelle repose sur des subventions annuelles, sur des aides des collectivités et sur la générosité publique. Or, pour l'ancien fonctionnaire de Bercy que je suis, des dépenses d'investissement sont financées à travers autorisations d'engagement et crédits de paiement. Il s'agit en effet de gérer un programme de modernisation. Mener une telle réflexion permettrait également de suivre les marchés de fourniture de bateaux que j'ai évoqués.

Je suis favorable à la collecte de dons. Je pense que l'on peut faire beaucoup mieux qu'aujourd'hui. Toutefois, un certain nombre de bénévoles sont réticents à participer à toutes sortes de manifestations. Les ports sont pourtant prêts à accompagner, à aider et à soutenir ce genre d'opérations. C'est aux équipes dirigeantes de faire passer le message, comme je l'ai fait à la Croix-Rouge française, pour passer outre ce frein culturel : il ne s'agit pas de pratiquer la mendicité, mais d'assurer une partie du financement des missions de la SNSM.

Revenir sur le protocole envisagé me semble également une bonne démarche. Il est nécessaire d'allouer aux différentes missions de la SNSM les recettes correspondant à un réel équilibre d'exploitation et de revoir la structuration financière.

Comme vous l'aurez compris, je ne montre que peu d'enthousiasme à l'idée d'instaurer une nouvelle taxe sur les plaisanciers, laquelle serait non seulement injuste, car payée par les seuls 12 % de plaisanciers s'acquittant du DAFN, mais aussi susceptible de provoquer une fuite de la générosité. Je suis convaincu que l'impôt tue le don.

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