Mes chers collègues, je vous remercie de votre présence.
Créée à l'initiative du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, notre mission d'information a entamé ses travaux le 7 mai dernier. Après avoir entendu 56 personnes et mené 47 heures d'auditions, d'une part, recueilli les avis ou contributions de plus de 10 000 internautes et des collectivités qui ont bien voulu répondre au questionnaire que nous leur avions adressé, d'autre part, nous nous sommes réunis, le 18 juillet dernier, pour examiner le rapport de la mission.
Le projet de rapport établi par notre rapporteur Guillaume Gontard n'avait alors été ni adopté ni rejeté, et nous avions décidé de poursuivre notre réflexion, une décision empreinte de la sagesse qui caractérise le Sénat. Il aurait été en effet dommage de ne pas publier les éléments que nous avions pu rassembler au cours de nos auditions ; c'eût été une déception pour tous. Si nous l'adoptons aujourd'hui, notre rapport constituera l'analyse la plus exhaustive des expérimentations portant sur la gratuité totale ou partielle, en France comme à l'étranger. Le rapport s'attache également à élargir la réflexion aux enjeux globaux de la mobilité : incidence en termes d'étalement urbain, Mobility as a Service (MaaS), véhicules autonomes, entre autres, des points évoqués lors de l'examen de la loi d'orientation des mobilités (LOM).
Nous examinons aujourd'hui une version sensiblement modifiée du rapport, qui retrace fidèlement, me semble-t-il, l'ensemble de nos auditions et ne ferme aucune option entre absence de mesure spécifique de gratuité, mise en place d'une tarification solidaire, gratuité pour certains usagers ou - plus rarement, il faut le dire - gratuité totale. Je remercie le rapporteur avec qui j'ai travaillé en bonne collaboration.
Je reste, pour ma part, persuadée que la gratuité totale est possible lorsque la demande est inférieure à l'offre de transports - c'est la caractéristique commune à toutes les villes ou agglomérations qui l'ont mise en oeuvre en France. En revanche, dans la situation inverse, c'est-à-dire dans la très grande majorité des cas, la demande est supérieure à l'offre et la priorité est évidemment d'augmenter l'offre. Pour m'occuper de la question des transports depuis pratiquement vingt-cinq ans, je puis vous dire que l'on me demande toujours davantage d'offre de transport, du maillage territorial, des véhicules doubles, le wifi dans le bus, des services supplémentaires, mais jamais la gratuité ! Dans l'agglomération lyonnaise, Annie Guillemot pourra le confirmer, personne ne la revendique.
Pour mettre en oeuvre la gratuité intégrale, il faudrait résoudre une équation financière très difficile : faire face à une perte de recettes et une hausse des dépenses, sans paupériser les autorités organisatrices de la mobilité (AOM).
Le projet de rapport a le mérite de laisser la porte ouverte, sans négliger aucune piste, et ce sans tabou. Il faut le dire, la gratuité est une forme d'iniquité pour les territoires ruraux. Notre collègue Olivier Jacquin l'avait souligné, certains territoires sont totalement dépourvus de transports, alors même que les habitants en veulent ! Ils se sentiront les plus pauvres d'entre les pauvres s'ils apprennent que ceux qui profitent d'une multitude de transports bénéficient aussi de la gratuité. Il faut bien appréhender les différences qui existent dans les territoires.
Mercredi dernier, nous avons tenu une réunion de travail. Nos échanges me laissent à penser que nous pourrions nous rejoindre sur ce nouveau projet de rapport.