Intervention de Pierre Médevielle

Réunion du 24 septembre 2019 à 15h00
Lutte contre le gaspillage et économie circulaire — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Pierre MédeviellePierre Médevielle :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans le cadre de sa mission de veille sur les surtranspositions – désormais inscrite dans notre règlement –, la commission des affaires européennes a formulé plusieurs observations sur les dispositions du projet de loi qui transposent les directives adoptées au mois de mai 2018 dans le cadre du paquet Économie circulaire, complété, au mois de juin dernier, par la directive concernant certains produits en plastique.

Ce paquet fixe des objectifs chiffrés de recyclage a minima, aux horizons 2025 et 2030. Il s’agit d’objectifs globaux, déclinés par matières – avec un accent particulier sur le plastique – et par secteurs. Il précise et renforce le cadre européen, notamment en matière de collecte séparée des déchets municipaux et des biodéchets, ou encore de responsabilité élargie des producteurs. Fondées sur le principe du pollueur-payeur, trois nouvelles filières de traitement devront en outre être mises en place.

Certaines prescriptions européennes sont impératives, comme l’interdiction de mise sur le marché de produits à base de plastique oxodégradable ou la mise en place de systèmes de reprise, de collecte et de valorisation des emballages et déchets d’emballage en vue de leur réemploi. Le projet de loi les reprend strictement. La commission des affaires européennes a toutefois constaté que ce texte anticipe la date d’application d’une obligation en matière de traitement des emballages de la restauration rapide.

Le texte prévoit en outre des mesures d’application pour la mise en œuvre d’obligations européennes, notamment en matière de suivi et de contrôle des filières REP, d’atteinte des objectifs européens ou d’éco-contribution. En revanche, il va au-delà des obligations européennes dans plusieurs domaines, en particulier en matière de garanties financières requises pour l’agrément des éco-organismes, de prise en compte des coûts de nettoyage et de certains coûts de prévention des déchets dans le calcul de l’éco-contribution ou encore en ce qui concerne le champ de l’obligation de reprise des produits usagés.

Les directives renvoient en outre aux États membres le soin de prendre des « mesures appropriées », qu’elles encadrent, pour atteindre les objectifs qu’elles fixent. Elles formulent des préconisations ou des suggestions pour faciliter l’atteinte de ces objectifs. Ces mesures ne sont pas imposées par le droit européen, mais s’inscrivent dans la logique d’atteinte des objectifs européens de réduction de la production de déchets et de lutte contre le gaspillage.

Le projet de loi en reprend plusieurs : l’information du consommateur sur les qualités environnementales des produits, leur réparabilité et la disponibilité des pièces détachées, l’interdiction de la destruction de certains invendus non alimentaires ou encore le renforcement des conditions d’établissement du diagnostic sur le caractère réutilisable des produits et déchets dans le secteur du BTP.

Pour favoriser le recyclage, ce texte introduit en outre un taux minimum d’incorporation de matières recyclées dans certains produits. Il prévoit la création de cinq nouvelles filières de traitement purement nationales et introduit la faculté de mettre en place des systèmes de consigne pour les bouteilles en plastique contenant des boissons.

La commission des affaires européennes rappelle que ces surtranspositions doivent être justifiées et examinées, tout comme doivent l’être leurs conséquences sur la compétitivité des opérateurs économiques – producteurs et distributeurs – établis en France, les collectivités territoriales et les consommateurs. Elles génèrent en effet un accroissement des coûts de production et de distribution des produits ainsi que des coûts de collecte des ordures ménagères. Elles imposent de modifier certaines filières de production et risquent dès lors de conduire à une augmentation du prix des produits et de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.

Madame la secrétaire d’État, lors de votre audition, je vous ai rappelé qu’il était impératif que toutes ces conséquences soient évaluées au regard des objectifs européens et nationaux fixés et que ces mesures n’introduisent pas de distorsions de compétitivité de nature à pénaliser les opérateurs français par rapport à leurs concurrents européens. À cet égard, je crains qu’il ne suffise pas de considérer, comme vous me l’avez indiqué, que « les filières REP visent tous les producteurs, qu’ils soient établis en France ou à l’étranger ». Encore faut-il procéder à une analyse détaillée et mesurer l’impact des mesures hors filières, en particulier les coûts non supportés par les producteurs ou distributeurs étrangers pour les produits qu’ils ne proposent pas sur le marché français.

Par ailleurs, je ne pense pas non plus que le renvoi à des ordonnances, dont le contenu n’est pas précisément documenté en l’état, soit une réponse au risque de surtransposition.

En conclusion, le bien-fondé des objectifs n’est pas contestable ; tout est dans la mise en œuvre. C’est bien sous cet angle que la commission des affaires européennes a souhaité attirer l’attention sur les surtranspositions qu’elle a identifiées dans ses observations.

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