Intervention de Jérôme Bignon

Réunion du 24 septembre 2019 à 15h00
Lutte contre le gaspillage et économie circulaire — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jérôme BignonJérôme Bignon :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants se réjouit que le Sénat soit la première chambre à examiner ce projet de loi contre le gaspillage. Le gaspillage et les déchets qui en sont issus sont en effet une source majeure de pollution, notamment pour nos territoires. Oui, ce sont bien nos territoires qui sont en première ligne dans la gestion des déchets, y compris dans la lutte contre les dépôts sauvages.

Comme beaucoup d’entre vous, j’ai une pensée pour Jean-Mathieu Michel, qui y a laissé sa vie. Saluons sa mémoire. Ce drame doit nous alerter et nous faire prendre conscience que la situation est en train de dégénérer doucement. Il nous faut donc agir rapidement.

Tous les élus – pratiquement tous – sont mobilisés pour la préservation de notre environnement, l’environnement de nos concitoyens. Des progrès considérables ont été accomplis ces dernières années. Les élus font beaucoup, mais ils ne peuvent pas tout faire.

Nous estimons qu’il n’est pas du tout juste que les collectivités aient à gérer et à supporter le coût des déchets que certains abandonnent sans aucun respect. Nous apprécions ainsi que la gestion des dépôts sauvages échoie désormais aux entreprises soumises à la REP, à la responsabilité élargie du producteur.

Plus globalement, il est juste que tous les acteurs concernés soient impliqués et contribuent à l’effort : État, industriels, consommateurs…

Ainsi, nous nous félicitons que de nouvelles filières soient soumises à ce régime, particulièrement celles des produits du tabac, au regard du nombre invraisemblable de mégots qui polluent nos terres notamment par les nombreuses substances qu’ils contiennent. Nous croyons beaucoup au principe du pollueur-payeur : les producteurs sont ceux qui doivent gérer les déchets issus de leurs produits.

Vous l’aurez compris, le groupe Les Indépendants tient à souligner son intérêt pour le régime de la REP. J’ai d’ailleurs déposé un amendement visant à soumettre l’ensemble des producteurs à ce régime, quelle que soit leur filière. Il me semble plus juste que, le plus vite possible, tous y soient soumis. Il me semble également que l’efficacité de ce dispositif s’en trouverait renforcée.

Si ce régime nous semble avantageux, il n’est pas parfait pour autant. La gouvernance des éco-organismes n’est pas optimale. Dans le passé, des aventures malheureuses se sont produites. De trop nombreux témoignages font encore état de pratiques discriminatoires. Il faut s’assurer que l’éco-organisme ne puisse pas être le moyen pour certains industriels de contourner la nécessaire libre concurrence.

Certes, les dispositions du projet de loi sur ce sujet vont dans le bon sens, mais nous pensons qu’elles ne vont pas assez loin. Nous tenterons d’enrichir au mieux le texte sur ce point.

Une régulation des éco-organismes serait nécessaire. La création d’une autorité administrative indépendante ou d’un organisme adéquat chargé de veiller au respect des obligations de chacun pourrait être une solution adaptée. L’article 40 de la Constitution rend impossible la proposition d’une mesure de ce type, mais il serait utile que le Gouvernement y réfléchisse et propose des solutions. Nous serons très intéressés de vous entendre sur ce sujet, madame la secrétaire d’État.

Les industriels ne sont pas les seuls acteurs de la lutte contre le gaspillage. Les consommateurs ont un grand rôle à jouer. Nous savons à quel point les Français ont à cœur – et de plus en plus, ce dont nous nous réjouissons – la protection de l’environnement. Ils veulent pouvoir agir en faveur de l’écologie par leur consommation. Nous pensons qu’ils doivent être mieux informés pour faire leurs choix en connaissance de cause.

Ainsi, nous saluons les dispositions du texte portant sur l’information du consommateur. Elles vont vers plus de transparence et plus de responsabilité de chacun. Plus encore, nous sommes convaincus que l’information est toujours bénéfique. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement visant à faire apparaître, pour tous les produits concernés, la part du prix de vente consacrée à l’éco-participation. Nous devons faire confiance aux citoyens, à leur jugement et à leur sagesse et, ainsi, leur permettre de mieux apprécier la part du prix de vente dont ils s’acquittent qui représente leur effort de participation au bon état écologique du pays.

J’en viens à mon tour aux dispositions emblématiques de ce projet de loi, les dispositions sur la consigne, lesquelles ont nourri des inquiétudes, compréhensibles et parfaitement légitimes selon notre groupe. Ce sujet est délicat : si ces dispositions étaient adoptées, elles auraient pour effet d’amoindrir sensiblement les ressources des collectivités. Il est donc en l’état impossible d’emporter l’adhésion de la chambre des territoires sur ce texte, compte tenu des difficultés de gestion qu’il poserait aux collectivités et à leurs groupements.

La commission a fait le choix de limiter une éventuelle consigne au réemploi et de ne pas permettre la mise en place d’une consigne pour le recyclage – je salue à cet égard l’important travail accompli par Mme de Cidrac et par Mme Loisier et leur contribution intellectuelle intéressante à ce débat passionnant. Pour autant, le groupe Les Indépendants ne se réjouit pas nécessairement de cette limite.

Nous avons dû travailler dans des délais trop courts, à la sortie de l’été. Fallait-il fermer la porte au recyclage ? Pour le savoir, et pour réfléchir aux meilleurs moyens de lutter contre la pollution, nous aurions eu besoin de plus de temps.

Je rappelle que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a examiné le présent texte six heures d’affilée, alors que la moitié des membres de la commission n’avaient pas pu se rendre disponibles et que la seconde session extraordinaire n’avait pas encore commencé. Bref, nous avons travaillé dans des conditions qui ne nous ont pas permis de porter facilement une appréciation sur des sujets extrêmement difficiles, sur lesquels nous sommes pris entre le marteau et l’enclume. Je tiens d’ailleurs à saluer le travail admirable des rapporteures et de ceux qui les ont aidés au sein des services du Sénat.

Nous considérons que ce sont les dispositions les plus efficaces en matière de protection de l’environnement qui doivent être mises en œuvre.

Si notre groupe, je le répète, soutient les objectifs du texte, il est en désaccord en l’état s’agissant des moyens de les atteindre. Nous espérons, compte tenu des enjeux, que notre débat nous mènera sur le bon chemin.

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