Intervention de Élisabeth Lamure

Réunion du 24 septembre 2019 à 15h00
Lutte contre le gaspillage et économie circulaire — Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Élisabeth LamureÉlisabeth Lamure :

L’un des ateliers montre, pour différents produits, le nombre incroyable de fournisseurs venant du monde entier pour des produits aussi simples, par exemple, qu’un pot de yaourt produit en France, dont la colle servant à sceller le couvercle en plastique peut provenir d’Asie. Pensez-vous que les producteurs français, notamment les plus modestes, vont être en mesure, d’ici à un an, d’obliger tous leurs fournisseurs à leur transmettre des informations aussi exhaustives, techniques et complexes à déterminer que celles requises par l’article 1er ? Fort heureusement, le texte adopté en commission prévoit un délai supplémentaire d’un an pour l’entrée en vigueur de cette mesure, comme pour celles des articles 2 à 4.

Un autre facteur de découragement de nos entreprises vient de notre tendance à surtransposer les directives européennes. Comme l’a rappelé notre collègue Pierre Médevielle au nom de la commission des affaires européennes, les mesures de transposition partielle du projet de loi sont complétées par des obligations purement nationales, c’est-à-dire des obligations que le droit européen n’impose pas.

C’est très bien d’être ambitieux en matière de protection de l’environnement, mais cela ne doit pas empêcher de prendre en compte les conséquences économiques de la surtransposition en matière de normes applicables aux entreprises françaises. C’est d’ailleurs ce que nous disons très souvent aussi pour l’agriculture.

Avec la délégation aux entreprises, nous rencontrons en permanence des dirigeants qui nous expliquent que leurs concurrents européens, auxquels des normes moins contraignantes s’appliquent, ne cessent de gagner des parts de marché en France. La faiblesse française vient de ce que nous n’évaluons jamais précisément les conséquences de telles surtranspositions, y compris s’agissant des distorsions de compétitivité. Et les grands perdants sont essentiellement nos PME !

S’il y a un message que je souhaiterais faire passer – nous ne cessons de le rappeler avec mes collègues de la délégation aux entreprises –, c’est de légiférer en prenant en compte l’impact pour les entreprises, en particulier pour les TPE et les PME. Trop souvent, les projets de loi prévoient des mesures dont les modalités et les délais de mise en œuvre sont totalement déconnectés de la réalité des processus de production. Pourtant, je voudrais rappeler que beaucoup de nos entreprises sont vertueuses. C’est le cas notamment du secteur du BTP, qui devrait atteindre l’objectif de 70 % du taux de valorisation de ses déchets. Nos artisans s’organisent déjà et les PME se mobilisent, mais tous nos chefs d’entreprise sont en permanence déstabilisés par des contraintes irréalistes qu’on leur impose de façon rigide.

Enfin, certains d’entre vous ont pu voir les reportages du journaliste Hugo Clément qui montrent des déchets plastiques de produits français ayant suivi le cheminement du recyclage dans des décharges sauvages en Malaisie : quel scandale, alors que nos entreprises ont déjà réalisé des efforts considérables pour mieux produire, alors que les citoyens ont adopté des comportements plus responsables et que les collectivités territoriales se sont mobilisées en faveur du tri sélectif ! Ces images montrent bien que l’on ne peut appréhender la question de l’économie circulaire sans prendre en compte et contrôler le devenir des déchets jusqu’au bout de la chaîne.

C’est la raison pour laquelle je me réjouis de l’adoption en commission de l’amendement d’Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, qui a pour objet de préciser que l’obligation de taux minimal d’incorporation de matière recyclée doit être évaluée au regard du bilan environnemental global. C’est bien la logique que nous devons avoir toujours en tête : une mesure qui paraît vertueuse a priori peut en réalité entraîner des conséquences néfastes, indépendantes de notre volonté nationale de bien faire.

Mes chers collègues, gardons à l’esprit cette approche, et nous rendrons un grand service non seulement à nos entreprises, mais également à l’intérêt général.

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