Intervention de Roch-Olivier Maistre

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 25 septembre 2019 à 9h35
Rapport d'activité 2018 du conseil supérieur de l'audiovisuel csa — Audition de M. Roch-Olivier Maistre président du csa

Roch-Olivier Maistre, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) :

En juillet dernier, votre commission avait pris une très heureuse et stimulante initiative en organisant l'audition conjointe du CSA et de l'Office of communication (OFCOM), dirigé par mon homologue britannique, Mme Sharon White.

Le rapport annuel 2018 que je vous présente aujourd'hui a été adopté par le collège du CSA le 22 mai dernier. Conformément aux dispositions de la loi du 20 janvier 2017, ce document s'est considérablement enrichi. Il rend compte de l'exercice par le CSA de ses différentes missions de régulation ainsi que de l'utilisation de ses moyens. Cette publication présente également de nombreux éléments d'information concernant la situation du secteur et de ses acteurs, en complément des études économiques, bilans et avis que le CSA porte chaque année à la connaissance du public.

En 2018, de nombreux chantiers ont pu être menés à bien : la poursuite du déploiement de la radio numérique terrestre - le taux de couverture de la population de 20 % ayant été atteint, tous les appareils de réception vendus en France devront désormais être compatibles - ; le transfert de la bande des 700 MHz au secteur des télécoms, qui s'est achevé fin juin dernier sans rupture pour les usagers ; le lancement des processus de renouvellement des autorisations des chaînes ; au titre de nos missions à caractère sociétal, la signature d'une Charte d'engagements volontaires pour la lutte contre les stéréotypes sexuels, sexistes et sexués dans la publicité ainsi que le lancement d'une nouvelle campagne de sensibilisation à la protection du jeune public intitulée « Ce qu'ils regardent, ça nous regarde tous » ; au titre de nos missions relatives à la garantie du pluralisme, le suivi de la consultation référendaire en Nouvelle-Calédonie ainsi que le bilan des derniers scrutins présidentiel et législatif ; enfin, l'adoption d'une nouvelle charte de déontologie applicable aux membres du collège et aux services du CSA, conformément à la loi du 20 janvier 2017.

Le CSA est aujourd'hui perçu par le grand public comme le gendarme des médias, le gardien de la déontologie du contenu des programmes audiovisuels. La dimension punitive de nos missions est pourtant très limitée : en 2018, le CSA a prononcé 56 mises en demeure et seulement deux sanctions, sous le contrôle vigilant du juge administratif. Les acteurs connaissent les règles du jeu, ils ont le sens des responsabilités et les dérapages sont heureusement limités. Et je tiens à rappeler que la loi de 1986 est avant tout une loi de liberté. Au pays de Voltaire, l'objectif du législateur de 1986 n'était pas d'ériger un censeur de l'ordre moral mais d'instituer un régulateur chargé de garantir un juste équilibre entre liberté d'expression et objectifs d'intérêt général. Le CSA est un régulateur sectoriel, doté d'une large palette d'outils qui ne sont pas, loin s'en faut, uniquement coercitifs. Nous travaillons avec les acteurs du secteur de manière très collaborative et participative. Il ne s'agit pas de co-régulation mais nous avons un rôle de facilitateur.

Depuis quelques mois, le CSA est entré dans une phase de transformation intense.

Dans ce contexte de mutation, le CSA a de nombreux atouts : il est fort de 30 années d'expérience qui lui ont permis de bâtir un savoir-faire solide et reconnu par les acteurs et il a fait la preuve de ses capacités de transformation en intégrant dans son champ de régulation de nouveaux services et en développant une vision européenne, au travers du Groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels (European Regulators Group for Audiovisual Media Services - ERGA).

Le CSA doit aujourd'hui faire face à l'émergence de nouveaux acteurs internationaux - plateformes de contenus et réseaux sociaux - d'une extraordinaire puissance financière et technologique, mais encore peu rompus à la régulation. Pour assurer cette régulation numérique, il va devoir acquérir de nouvelles compétences, ce qui requerra des moyens humains et matériels supplémentaires.

Les objectifs de la loi de 1986 restent pertinents, que ce soit dans son ambition politique - veiller au pluralisme de l'expression des courants de pensée et d'opinion -, son ambition culturelle - assurer le financement d'une création riche et diversifiée - ou son ambition sociétale - garantir le respect de la dignité de la personne, l'accessibilité aux personnes en situation de handicap, l'égalité hommes-femmes, la protection de la jeunesse, etc. Aux États-Unis, en Nouvelle-Zélande, en Australie, mais aussi en Afrique, la question de la régulation des plateformes et des réseaux sociaux commence à être soulevée et les acteurs sont obligés de se mettre en mouvement.

En France, le champ de notre régulation doit évoluer pour être équitable entre les médias classiques, qui sont régulés, et les plateformes, qui aujourd'hui échappent à la régulation.

Les modalités de notre régulation doivent également évoluer : par exemple, le régulateur supervisera désormais les mécanismes mis en place par les acteurs eux-mêmes, à l'image de ce qui se pratique aujourd'hui dans la sphère bancaire, comme le suggère le récent rapport de la professeure Marie-Anne Frison-Roche consacré à l'apport du droit de la compliance à la gouvernance d'internet.

Après la loi de décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l'information et la proposition de loi actuellement débattue au Parlement et visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, le futur projet de loi relatif à l'audiovisuel va constituer une étape structurante pour le CSA. Pour la première fois depuis 1986, nous allons revisiter l'ensemble de notre régulation. Devraient notamment y figurer : la transposition de la directive sur les services de médias audiovisuels (SMA) qui fait entrer les plateformes de partage vidéo dans le champ de la régulation ; de nouvelles modalités de nomination des dirigeants des entreprises de l'audiovisuel public ; le rapprochement du CSA et de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) ; le renforcement de notre collaboration avec l'Autorité de régulation des communications et des postes (Arcep) ainsi qu'avec la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

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