Intervention de Marta de Cidrac

Réunion du 26 septembre 2019 à 15h00
Lutte contre le gaspillage et économie circulaire — Article 8 bis nouveau priorité

Photo de Marta de CidracMarta de Cidrac :

La commission, évidemment, a souhaité recentrer le dispositif de consigne sur le réemploi et la réutilisation sans le supprimer intégralement, partageant pleinement les inquiétudes exprimées par notre collègue à travers son amendement sur la consigne pour recyclage.

L’objectif est de laisser la possibilité d’y avoir recours pour des modes de prévention ou de traitement des déchets qui sont bien plus vertueux pour l’environnement, qui correspondent à la conception qu’ont les Français de la consigne et qui n’ont pas d’effets déstabilisateurs sur le système actuel de collecte et de tri des déchets.

Je demande à mon collègue de bien vouloir retirer son amendement ; à défaut, l’avis sera évidemment défavorable.

Monsieur le président, je veux profiter de mon intervention pour indiquer l’état d’esprit de la commission et de l’ensemble des commissaires sur ce sujet-là, ce qui me paraît important.

Je rappelle d’abord que la commission a souhaité s’attaquer à la lutte contre l’ensemble des déchets plastiques en prenant des mesures contre le suremballage, la production excessive de plastique et la pollution de l’eau et des milieux aquatiques par les déchets.

Ensuite, elle a souhaité faire du réemploi et de la réparation une priorité, en créant notamment un fonds d’aide à la réparation.

Nos débats en séance ont permis, sur l’initiative de nombreux collègues, d’aller plus loin, en inscrivant des objectifs chiffrés de réduction de mise sur le marché d’emballages et nous inscrirons dans la loi, je l’espère, d’ici à la fin de nos débats, le fonds de réemploi solidaire, grâce à une initiative transpartisane.

Voilà selon nous le chemin qu’il faut emprunter pour aller vers cette économie circulaire que nous appelons tous de nos vœux.

S’agissant du sujet qui nous occupe cet après-midi, je souhaite rappeler pourquoi la commission a, sur l’initiative des sénateurs du groupe socialiste, du groupe centriste, du groupe communiste et de mon groupe, recentré le dispositif de consigne prévu par le projet de loi initial sur le réemploi et la réutilisation.

Comme l’ont fait publiquement l’Association des maires de France, les associations de protection de l’environnement et les associations de consommateurs, la commission s’oppose à la mise en œuvre généralisée d’une consigne pour recyclage sur les bouteilles en plastique.

Sur le fond, nous sommes en effet convaincus que la généralisation par les pouvoirs publics d’une telle consigne est un non-sens environnemental, social et économique.

Sur le plan environnemental, ce projet reste centré sur le recyclage du plastique et ne contribuera pas significativement à en réduire la production. Nous pensons qu’il risque même au contraire d’entretenir la consommation des bouteilles à usage unique, en verdissant l’image de ce produit.

Alors que les bouteilles en PET représentent moins de 1 % des déchets ménagers et qu’elles sont extrêmement bien collectées aujourd’hui, c’est à la collecte de l’ensemble des emballages plastiques qu’il faut s’attaquer très rapidement, et la commission a d’ailleurs adopté des mesures en ce sens.

Sur le plan social ensuite, une consigne pour recyclage représentera une perte de pouvoir d’achat de 200 à 400 millions d’euros supplémentaires par an pour les ménages. J’ajoute qu’aujourd’hui le tri est effectué par le citoyen de façon désintéressée et sur la base de convictions environnementales fortes. Rétablir une pénalité financière sur ce geste, c’est en réalité infantiliser le citoyen.

Enfin, on a demandé aux collectivités de simplifier les consignes de tri. Où est la simplification quand il faudra désormais retirer de la poubelle jaune une catégorie particulière de produits en plastique ?

Un non-sens économique, enfin, car, comme l’ont rappelé mes collègues, c’est à l’ensemble du service public de gestion des déchets qu’une telle mesure s’attaque : créer une consigne revient à doublonner le service public de collecte et de tri des déchets ménagers par une infrastructure coûteuse, lourde à mettre en place et ultraspécialisée.

Pour atteindre l’objectif de mieux collecter l’ensemble des déchets plastiques, la commission propose de mobiliser un panel d’instruments, telles l’extension des consignes de tri, l’amélioration de la collecte hors foyer, ou encore la tarification incitative, ce qui permettra d’atteindre les objectifs européens sans bouleverser notre modèle de gestion des déchets.

Enfin, en vue de laisser la porte ouverte à des innovations, nous avons maintenu la possibilité d’une consigne pour réemploi, plus vertueuse sur le plan environnemental et qui correspond à la conception de la consigne voulue par les Français.

En commission, cette position a fait l’objet d’un large accord transpartisan. Nous souhaitons poursuivre dans cette voie en retenant un certain nombre d’amendements proposés par plusieurs groupes en vue d’ajuster le dispositif.

Au final, la consigne pour recyclage voulue par le Gouvernement est donc profondément incompatible avec les principes mêmes du développement durable et contraire à l’intérêt général.

Pour conclure, je vous rappelle, madame la secrétaire d’État, que, ces derniers jours, vous avez laissé entendre à certains d’entre nous que vous étiez d’accord pour que les dispositions du Gouvernement relatives à l’article 8 bis rétablissant la consigne pour recyclage soient supprimées. Mais, à ce stade, aucune rectification de votre amendement n’a été faite. Nous vous posons donc directement la question : le Gouvernement renonce-t-il à l’inscription dans le présent projet de loi d’une consigne pour recyclage ? Nous voulons une réponse claire, au nom du Gouvernement, qui se traduise le cas échéant par une rectification de votre amendement et par un engagement formel à vous opposer dans la suite du débat parlementaire au rétablissement de toute disposition portant directement ou indirectement sur une consigne pour recyclage.

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