Intervention de Laurence Harribey

Commission des affaires européennes — Réunion du 26 septembre 2019 à 9h50
Politique étrangère et de défense — Accord-cadre institutionnel entre l'union européenne et la confédération suisse - communication de mme laurence harribey et m. cyril pellevat

Photo de Laurence HarribeyLaurence Harribey :

La relation entre l'Union européenne et la Suisse est marquée par une coopération construite sur la perspective d'une adhésion, perspective aujourd'hui abandonnée.

En mai 1992, la Confédération dépose sa demande d'adhésion à l'Union européenne. Cette demande devient cependant caduque dès le mois de novembre de la même année, quand les citoyens suisses rejettent l'adhésion à l'Espace économique européen. Dès lors, la Suisse et l'Union européenne s'engagent sur une « voie bilatérale », en signant au cours des années 1990 et 2000 une série d'accords. Aujourd'hui, l'Union et la Suisse sont liées par 120 accords bilatéraux, ce qui est considérable.

Il en résulte que la Suisse est fortement intégrée à l'Union européenne. Elle est notamment membre de l'espace Schengen, participe au projet Galileo et aux programmes de recherche, à l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) et à certaines missions de la PESC. De même, elle contribue, ou devrait contribuer, à la politique de cohésion, directement auprès des États membres concernés. Du point de vue des échanges commerciaux, l'intégration est forte : la Suisse est le troisième client de l'Union et son quatrième fournisseur, tandis que l'Union représente 52 % des exportations et plus de 71 % des importations de la Suisse. L'Europe réalise un excédent commercial de 19 milliards d'euros par an ; s'agissant de la France, nos échanges sont déficitaires à hauteur de 1,35 milliard d'euros. Enfin, 1,4 million d'Européens vivent en Suisse, 450 000 Suisses vivent dans l'Union européenne et 320 000 Européens, dont nombre de Français, sont travailleurs transfrontaliers en Suisse.

Le rapprochement entre l'Union européenne et la Suisse s'est fait avec la perspective, progressivement abandonnée, d'une adhésion. Il en découle que les accords se sont fondés sur l'acquis communautaire au moment de leur conclusion, sans prévoir d'adaptation aux évolutions du droit de l'Union ; de plus, ces accords ne prévoient pas de mécanismes de règlement des différends. Nous nous retrouvons donc, sur certains sujets, dans une situation de blocage où nous constatons des divergences sans pouvoir les résoudre. Il s'agit par exemple des « mesures d'accompagnement » suisses, qui entravent la libre circulation des travailleurs.

Prenant acte du fait que la Suisse n'adhérerait pas à l'Union, cette dernière a commencé à évoquer à la fin des années 2000 la conclusion d'un accord-cadre, déterminant de façon transversale les modalités de coopération et prévoyant notamment un mécanisme de règlement des différends. En 2012, le président Barroso déclarait aux autorités suisses que « la voie bilatérale était terminée » ou, plus exactement, que la poursuite de la relation bilatérale était conditionnée à l'adoption de l'accord-cadre.

Début 2014, les autorités suisses et européennes adoptaient leur mandat de négociation respectif, mais les discussions étaient immédiatement interrompues, à la suite de l'adoption de l'initiative populaire suisse « Contre l'immigration de masse », contraire à la libre circulation des personnes. Les négociations sur l'accord-cadre et sur d'autres dossiers bilatéraux se sont alors trouvées gelées ; elles n'ont repris qu'en 2017, après une mise en oeuvre de l'initiative populaire compatible avec la libre circulation des personnes. Enfin, le projet d'accord fut finalisé en novembre 2018.

L'accord-cadre met en place un tribunal arbitral, qui se prononcera sur les désaccords entre les deux parties. Siègeraient en son sein des arbitres nommés par la Suisse et par l'Union, de manière paritaire. La Cour de justice de l'Union conserverait cependant le monopole de l'interprétation du droit communautaire et pourrait être saisie par le tribunal arbitral. Le non-respect d'une décision de ce dernier pourra donner lieu à des mesures compensatoires, dont le tribunal sera compétent pour apprécier la proportionnalité.

L'accord pose également le principe de la reprise dynamique de l'acquis : l'Union donne accès partiellement à la Suisse à son marché intérieur, mais, en contrepartie, celle-ci doit s'adapter à la législation européenne pour conserver un équilibre. La Suisse bénéficiera cependant de délais de reprise de la législation communautaire suffisamment longs pour lui permettre d'appliquer sa procédure législative ordinaire, laquelle inclut la possibilité du référendum.

L'accord-cadre s'appliquera aux futurs accords et à cinq accords existants, correspondant aux plus importants, exception faite de la libre circulation des marchandises. Il est également prévu que soient reprises les règles relatives aux aides d'État et sur les travailleurs détachés. En revanche, il ne tranche ni sur les dispositions relatives au regroupement familial et à l'accès aux prestations de l'aide sociale ni sur le versement des prestations chômage aux travailleurs transfrontaliers, qui représente un véritable problème pour la France. Ces points pourraient être tranchés par le tribunal arbitral.

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