Intervention de Sophie Primas

Réunion du 1er octobre 2019 à 14h30
Régression de la place de l'agriculture française sur les marchés internationaux — Conclusion du débat

Photo de Sophie PrimasSophie Primas :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la passion qui a animé l’ensemble des discours entendus cet après-midi constitue la preuve de l’importance du débat que nous venons d’avoir.

Les tendances de fond qui bouleversent notre agriculture justifiaient un rapport tirant la sonnette d’alarme. Permettez-moi de remercier l’ensemble du groupe d’études Agriculture et alimentation du Sénat et son président, Laurent Duplomb, pour avoir relevé ce défi.

Ce cri d’alarme a bien été entendu dans campagnes : pas un déplacement, pas un échange avec les agriculteurs sur le terrain sans que ce rapport soit mentionné. Il traduit, en réalité, une inquiétude profonde du monde agricole.

Edgard Pisani – permettez-moi de regarder dans le rétroviseur, monsieur le ministre ! –, qui fut ministre de l’agriculture sous Charles de Gaulle, aurait-il pu imaginer que la France ne serait plus le premier exportateur agricole européen ?

Christian Bonnet, sous Valéry Giscard d’Estaing, Michel Rocard, pendant les septennats de François Mitterrand, auraient-ils pu seulement croire que la France connaîtrait un déficit commercial agricole avec ses voisins européens ?

Quand Jacques Chirac nous invitait à manger des pommes, la France n’importait pas, comme c’est le cas aujourd’hui, la moitié de ses fruits et légumes !

Cette dégradation rapide de nos positions agricoles sur les marchés mondiaux est aujourd’hui une réalité. C’est un drame pour nos agriculteurs bien sûr, qui – il faut le rappeler – tirent 25 % de leur revenu des exportations françaises. C’est d’ailleurs, peut-être, l’un des malentendus de la loi Égalim : résoudre le problème du revenu de l’agriculteur en ciblant uniquement les ventes opérées par la grande distribution, c’est un peu court, comme aurait dit Cyrano ! Notre agriculture a besoin d’excellence et de compétitivité pour exporter.

Plus largement, cette dégradation est surtout dommageable pour la France et in fine contradictoire avec les demandes sociétales. Comment peut-on assurer la sécurité sanitaire de nos concitoyens alors même que nous importons des produits dont – je le confirme – nous ne pouvons contrôler avec certitude la conformité non pas aux normes de qualité mais à nos normes de production ? Comment peut-on s’engager résolument en faveur d’une politique environnementale ambitieuse et se satisfaire de l’explosion du transport par cargo de denrées traitées parfois avec des molécules non autorisées en France ?

À l’heure de conclure ce débat, je me félicite que nous partagions tous, quelles que soient nos étiquettes politiques, ces inquiétudes. Monsieur le ministre, vous êtes conscient de la situation et je vous remercie de vous être plié à cet exercice en répondant à nos questions si diverses. Toutefois, il faut que paroles et actes convergent. Malgré la sympathie que vous inspirez, je voudrais rappeler quelques éléments.

Avec la signature à marche forcée, certes commencée sous d’autres mandats, des accords de libre-échange dans lesquels l’agriculture française est à chaque fois la variable d’ajustement de l’Union européenne, vous allez accroître la part des importations dans la consommation des Français. Le CETA pose problème, non pas en raison de la qualité des produits que nous allons importer, mais parce qu’il engendre une concurrence des modèles de production et une incohérence entre ce que nous demandons à nos agriculteurs et ce que nous acceptons des agriculteurs canadiens.

Mais ce n’est pas tout ! Avec ce qui s’apparente à une nouvelle renationalisation de la PAC, vous allez également accentuer les concurrences déloyales au sein même de l’Union européenne. Avec la réduction du budget de la PAC à un niveau historiquement bas, vous semblez considérer que l’indépendance alimentaire de la France n’est pas suffisamment stratégique, alors même que les autres grands États ont augmenté leur budget agricole ces dernières années.

Monsieur le ministre, nous ne pouvons plus affaiblir ni le revenu des agriculteurs ni leur capacité d’investissement. Il est urgent de réagir en favorisant les exportations – c’est une voie –, et donc en érigeant la compétitivité de notre agriculture au rang de priorité nationale. Nous sommes un grand pays agricole et le moment que nous vivons est stratégique, mes chers collègues.

L’agriculture est à la convergence des grands défis auxquels nous devons collectivement faire face. Elle est la plus performante du monde en termes de qualité sanitaire et nutritionnelle, et d’innovation. Elle peut répondre aux enjeux de transition énergétique, à ceux d’une économie toujours plus circulaire et durable. Dans tous ces domaines, nous pouvons avoir une agriculture exportatrice de nos produits et de nos savoir-faire.

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