Intervention de Hervé Maurey

Réunion du 2 octobre 2019 à 15h00
Sécurité des ponts : éviter un drame — Conclusion du débat

Photo de Hervé MaureyHervé Maurey :

Je me réjouis de ce débat et je remercie les rapporteurs de leur travail. Je salue également l’ensemble des groupes politiques qui ont participé aux travaux de la mission. Je remercie M. le secrétaire d’État. Même s’il a déjà participé à une séance de questions au Gouvernement dans cet hémicycle, c’est un peu aujourd’hui son baptême du feu. Nous avons bien travaillé ensemble sur la loi pour un nouveau pacte ferroviaire. C’est donc un plaisir de le retrouver aujourd’hui.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez annoncé que, à l’avenir, les travaux sur les ponts pourraient être imputés dans les dépenses d’investissement, ce qui permettra notamment aux collectivités locales de récupérer la TVA. Si c’était confirmé, ce serait une bonne nouvelle. Mais force est de constater qu’il ne s’agit que d’une des dix propositions que nous avons formulées. Nous sommes donc loin du plan Marshall que nous avions appelé de nos vœux !

En France, 25 000 ponts sont jugés à risques. Même si la situation est plus satisfaisante en ce qui concerne les ponts d’État, 7 % d’entre eux ne sont pas dans un état satisfaisant.

J’ai noté avec plaisir que la trajectoire budgétaire en matière d’entretien des ponts était positive. On y consacrait en moyenne environ 40 millions d’euros. On y consacrera 79 millions en 2020 et 120 millions en 2022 : c’est effectivement la somme nécessaire, d’après l’État lui-même, pour entretenir son réseau. Nous devrons parvenir rapidement à de tels financements, car plus on tarde à entretenir les ponts, plus les moyens nécessaires à leur réparation seront importants. Si nous ne faisons rien aujourd’hui, nous serons confrontés dans dix ans à deux fois plus de ponts en mauvais état !

Si l’on compare nos ratios en termes d’entretien des ponts par rapport aux autres pays, la France est très loin de l’Allemagne, par exemple, ou d’autres pays de l’OCDE.

En ce qui concerne les collectivités locales, nous l’avons bien mesuré, la situation est beaucoup plus préoccupante. Cela ne vaut pas tant pour les départements qui, grosso modo, arrivent à faire face, car ils disposent de services compétents, que pour les communes et les communautés de communes.

Comme Didier Mandelli, je ne peux que regretter que le dispositif que nous avons voté dans le projet de loi d’orientation des mobilités pour obliger l’État à aider les collectivités locales à entretenir les ponts n’ait pas prospéré à l’Assemblée nationale. Il faut d’abord aider les communes et les communautés de communes à recenser leurs ponts, puis les aider à les réparer.

J’ai souvent cité l’exemple d’un pont de mon département où l’on a découvert un beau matin qu’il manquait un pilier ! Fort heureusement, il relevait de la compétence de la communauté de communes, qui dispose d’un peu plus de moyens que la commune. Mais dans le département de l’Eure, où il n’y a pas de DETR sur les ponts, il en a coûté 300 000 euros à la communauté de communes. Un deuxième pont était dans le même état que le premier, la communauté de communes a donc dû débourser près de 1 million d’euros pour ces deux ponts.

Dans d’autres départements, comme l’Essonne ou la Seine-et-Marne où nous sommes allés dans le cadre de notre mission, la compétence « ponts » est restée aux communes. En conséquence, à 50 kilomètres de Paris, des communes ont dû purement et simplement fermer leurs ponts à la circulation, ce qui pose des problèmes sur lesquels je n’ai pas besoin de m’étendre.

Je regrette, comme M. Corbisez, que l’on n’ait pas décidé d’utiliser le fonds créé pour faire face à l’entretien des tunnels à la suite de la catastrophe du Mont-Blanc pour réaliser les travaux nécessaires sur les ponts. Une fois de plus, je déplore que, dans notre pays, il faille attendre une catastrophe pour parvenir enfin à dégager les moyens nécessaires !

Au-delà du financement, le besoin d’ingénierie n’est pas satisfait aujourd’hui avec la suppression de l’assistance technique de l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire, l’Atesat, en 2014. Quant à savoir ce que pourra vraiment faire l’Agence nationale de la cohésion des territoires, l’ANCT, en matière d’ingénierie, nous sommes quand même collectivement dans le flou.

Par ailleurs, en ce qui concerne le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, le Cérema, on peut s’inquiéter de constater chaque année dans les budgets successifs que ses moyens humains sont en régression. Aujourd’hui, le Cérema intervient déjà beaucoup plus pour l’État que pour les communes, alors qu’il a été initialement constitué pour aider les communes.

Pour conclure, monsieur le secrétaire d’État, on a eu Gênes, on a eu Taïwan, on a failli avoir Gennevilliers. J’aimerais que la série s’arrête là et que l’État, dont je connais les contraintes budgétaires, soit en mesure de faire le nécessaire pour éviter un drame dans notre pays. Il s’agit certes de sommes importantes, mais elles sont néanmoins bien minimes au regard de l’enjeu que représente la sécurité de nos concitoyens.

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