Intervention de Pascale Gruny

Commission des affaires sociales — Réunion du 2 octobre 2019 à 10h20
Santé au travail — Examen du rapport d'information

Photo de Pascale GrunyPascale Gruny, rapporteur :

S'agissant du financement des services de santé au travail, nous sommes défavorables à la proposition de fusion de la cotisation AT-MP et de la cotisation au service de santé au travail interentreprises (SSTI) : la première est une cotisation de sécurité sociale, la seconde correspond à la prise en charge par l'employeur de son obligation de prévention. Toutefois, afin d'avoir une idée plus précise des flux financiers en jeu, nous souhaitons que les SSTI informent les Direccte des sommes qu'ils collectent, et que des statistiques consolidées soient établies au niveau national.

Pour dynamiser les ressources des services de santé au travail, nous proposons de donner à ceux-ci une plus grande liberté pour fixer leurs cotisations, en leur permettant de retenir un critère de masse salariale ; certains le font déjà, dans l'illégalité. Cette mesure, proposée par notre collègue Michel Amiel, a été adoptée par le Sénat en 2016. En outre, il nous semblerait souhaitable que, dans la limite des ressources publiques, les SST puissent bénéficier de financements de l'État ou du Fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles pour mener à bien des projets précis.

Enfin, les aides financières simplifiées versées par les Carsat demeurent difficilement accessibles pour certaines très petites entreprises du fait de la condition de cofinancement. Nous proposons de permettre, dans un cadre déterminé par la convention d'objectifs et de gestion, la prise en charge à 100 % d'investissements en faveur de la prévention.

Un certain nombre de travailleurs ne bénéficient pas aujourd'hui du système de santé au travail.

Il s'agit d'abord des travailleurs non salariés, catégorie qui regroupe aussi bien les artisans et les commerçants que les chefs d'entreprise. Aux difficultés propres à la nature même de leur activité s'ajoutent bien souvent des risques psychosociaux importants, liés à la responsabilité personnelle. En outre, on observe bien souvent chez les travailleurs indépendants un certain déni de leurs problèmes de santé, conduisant à l'aggravation de ceux-ci.

Il est donc souhaitable que ces publics bénéficient plus facilement d'un suivi de leur état de santé. S'agissant des chefs d'entreprise, nous proposons qu'ils puissent être suivis, à leur demande et selon des modalités qu'ils choisiraient, par le service de santé au travail de leur entreprise. Il s'agit en fait d'étendre ce qui est déjà possible dans le secteur agricole. Compte tenu du faible coût marginal de cette mesure, il nous semble qu'aucune cotisation supplémentaire n'est à prévoir.

S'agissant des autres travailleurs non salariés, il nous semble nécessaire d'aller vers une obligation de rattachement à un service de santé au travail. Il ne saurait toutefois être question d'imposer aux indépendants une cotisation supplémentaire sans qu'ils y consentent. La mise en place d'une telle obligation doit résulter de la concertation avec les représentants des travailleurs non salariés.

Outre les indépendants, il existe des catégories de travailleurs dont le suivi, bien que prévu par le code du travail, s'avère difficile. Celui des intérimaires, par exemple, est partagé entre le service de santé au travail de l'entreprise de travail temporaire et celui de chacune des entreprises utilisatrices dans lesquelles ils interviennent ; il ne peut donc être que fragmenté et lacunaire. Nous proposons que, à l'échelle du département ou du bassin d'emploi, chaque branche identifie un SST compétent pour le suivi des intérimaires employés par les entreprises de son domaine, service qui se verrait reverser les cotisations correspondantes.

Le développement de la sous-traitance conduit, notamment dans les grandes entreprises, à l'externalisation d'un certain nombre de tâches, comme le nettoyage et la maintenance. Les conditions de travail des travailleurs extérieurs relevant davantage de l'entreprise donneuse d'ordres que de leur propre employeur, il nous paraît souhaitable que, lorsqu'une telle situation perdure, les salariés de l'entreprise sous-traitante soient suivis par le service de santé au travail du donneur d'ordres.

Enfin, s'agissant de la fonction publique, nous estimons que l'existence d'un système distinct de celui du secteur privé demeure pertinente. Néanmoins, nous recommandons la mise en place de partenariats entre les services de médecine préventive des employeurs publics et les agences de l'Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP) pour le suivi de l'état de santé des agents intervenant sur des chantiers.

Le renforcement des moyens des SST suppose également de répondre au défi de la démographie médicale. Au-delà des mesures tendant à renforcer l'attractivité de la médecine du travail, qui mettront du temps à produire leurs effets, il nous semble nécessaire d'expérimenter des dispositifs susceptibles de répondre en urgence à la pénurie de médecins du travail que connaissent certains SST.

Nous proposons ainsi d'autoriser, dans des zones sous-dotées en médecins du travail, la signature de protocoles de collaboration entre le SST et des médecins non spécialisés en médecine du travail : s'inspirant de ceux qui sont prévus pour le suivi médical des salariés du particulier employeur, ces protocoles prévoiraient des garanties en termes de formation des médecins non spécialistes.

Nous recommandons également un élargissement du champ de l'exercice infirmier en pratique avancée au diagnostic de certains risques professionnels, afin de renforcer la pluridisciplinarité des équipes de santé au travail et de libérer du temps médical disponible.

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