Je suis heureux et honoré de soumettre aujourd'hui ma candidature à votre vote. Je vais vous faire part de ma vision à l'heure où le Président de la République a proposé mon nom pour assumer la responsabilité de la nouvelle SNCF qui se mettra en place à partir de 2020.
Le sujet des mobilités et, en particulier, celui du transport ferroviaire représentent pour chaque élu une question politique centrale et sensible. J'en suis conscient en tant que citoyen et que chef d'entreprise. Je sais l'attachement et les attentes que vous avez vis-à-vis de la SNCF. Vous êtes attentifs au service rendu. C'est pourquoi je mettrai toute mon énergie au service de la qualité et de l'efficacité.
Né en 1957 à Talence, en Gironde, je suis entré à la SNCF en 1981. J'ai fait tous les métiers du transport : aiguilleur, conducteur de train, régulateur et bien d'autres. Je suis passé par toutes les étapes du management opérationnel. J'ai lancé trois TGV : le TGV Nord en 1993, Thalys en 1996 et le TGV Méditerranée en 2001. J'ai été DRH adjoint pendant la grande négociation des 35 heures. Au comité exécutif de la SNCF, j'ai créé la division SNCF Proximités, branche des trains de la vie quotidienne. Enfin, je suis depuis sept ans président du directoire du groupe Keolis, spécialiste du transport urbain. J'ai passé un tiers de ma carrière à l'extérieur de l'EPIC, dont cinq ans à l'étranger. J'ai le service public, la mobilité et les territoires chevillés au corps.
Je souhaite mettre en perspective la mission du futur président de la SNCF au regard des décisions politiques qui ont été prises, ou vont l'être, et des urgences à prendre en compte. La détermination politique qui a présidé à la réforme actuelle marque le premier jour d'une entreprise consciente de la transformation à opérer et des engagements à tenir. L'État et le Parlement ont pris acte de la nécessité de moderniser le système ferroviaire français. Le Parlement a fait sa part, dès 2014, en créant SNCF Réseau, et en 2018 encore, à travers le nouveau pacte ferroviaire. La reprise de dette qui vous sera proposée dans le projet de loi de finances pour 2020 sera la prochaine étape importante matérialisant cet engagement des pouvoirs publics.
L'État et le Parlement ont voulu une SNCF unifiée, car l'efficacité de notre système ferroviaire est liée à la synergie entre le gestionnaire d'infrastructure et le principal opérateur. Cela portera sur des choix techniques majeurs, comme le système d'exploitation et d'espacement des trains, la planification et l'exécution des travaux, ou encore l'information en temps réel des voyageurs. Je me porterai garant de cette unité, mais je serai aussi le garant du strict respect des règles françaises et européennes en matière d'égalité entre opérateurs pour l'accès au réseau et aux infrastructures essentielles.
À nous, dirigeants de l'entreprise, de faire notre part du travail avec lucidité, pragmatisme et ambition. Ouverture à la concurrence, changement de statut juridique, reprise de la dette, évolution du statut social du personnel, toutes ces mesures ne sont pas de simples évolutions technocratiques ; elles marqueront à jamais l'histoire du transport ferroviaire et de la SNCF. Le Président de la République a fixé une ambition : la SNCF doit devenir le champion mondial des mobilités du XXIe siècle. Nous devons conduire cette transformation sans oublier notre responsabilité, être dignes de la confiance des élus et de la société, et répondre à cet enjeu politique et économique.
Nous avançons avec lucidité et pragmatisme. Par le passé, déjà, la SNCF a accompagné les grandes transformations de la société, l'urbanisation et la métropolisation de nos territoires. Les transports de la vie quotidienne ont été ma priorité, aussi bien à la SNCF que chez Keolis. Quand on parle de la SNCF, on pense souvent au voyage en train en France. En réalité, la SNCF est un groupe mondial, un fleuron qu'on exporte dans 120 pays. Un tiers de son chiffre d'affaires est réalisé à l'international. Je renforcerai cette ambition. Le transport ferroviaire représente environ 50 % du chiffre d'affaires ; le reste se partage entre les transports urbains - Keolis est le premier exploitant mondial de métros -, le transport routier de marchandises - Geodis est le quatrième logisticien européen -, mais aussi le numérique, puisque oui.sncf est le premier site d'e-commerce en France.
Parmi les grandes réussites de la SNCF, soulignons le succès du TER, remarquable exercice de décentralisation, celui du Transilien, malgré la complexité de son exploitation, et les investissements massifs réalisés ces dernières années pour remettre en état notre réseau ferré national. Je tiens à associer à ces réussites les présidents précédents, M. Louis Gallois, Mme Anne-Marie Idrac et, naturellement, M. Guillaume Pépy, que je salue pour avoir remis le client au coeur de notre action.
Nous sommes dans un contexte d'urgence. La naissance de la nouvelle SNCF intervient à un moment très spécifique. L'urgence est d'abord environnementale ; elle nous dépasse et nous oblige envers la planète. La nouvelle SNCF doit participer à cette prise de conscience, en déclinant pour elle-même les objectifs de développement durable que la France s'est fixés. Déjà, SNCF Réseau est la seule compagnie ferroviaire au monde à avoir levé plus de 5 milliards d'euros d'obligations vertes.
La deuxième urgence est territoriale. Il faut sortir de l'opposition classique entre grandes lignes et petites lignes. La seule différence entre ces lignes doit être leur méthode d'exploitation, et non leur priorisation. Le droit des territoires à la différence ne doit conduire à l'exclusion d'aucun d'entre eux du service ferroviaire ou d'une mobilité efficace.
La troisième urgence est économique et sociale. L'ouverture à la concurrence et la reprise de notre dette par l'État nous imposent un effort important et rapide d'efficacité, pour retrouver la compétitivité et équilibrer le système ferroviaire français. Cette exigence comporte nécessairement un volet social. Il faut marcher sur les deux jambes de l'efficacité économique et du nouveau pacte social entre la SNCF et ses salariés.
Le temps de la transformation est venu. Je souhaite accompagner la SNCF dans la construction d'un regard neuf et sans tabou sur elle-même. Les sept ans que je viens de passer chez Keolis me permettent de porter un regard lucide et bienveillant sur ce qu'il convient de faire évoluer. Nous devons ouvrir collectivement une ère nouvelle. La SNCF doit rendre aux Français ce que chacun d'eux lui a donné. Voilà l'entreprise que je souhaite, au service des Français et des territoires. Je veux une SNCF utile, car l'utilité a toujours été notre vertu cardinale : utilité sociale et environnementale, en concourant aux engagements de la France en matière de neutralité carbone ; utilité servicielle, en proposant aux Français un haut niveau de qualité pour le service ferroviaire. La nouvelle SNCF doit également être plus connectée, plus proche et plus efficiente. Elle doit satisfaire le client, quel qu'il soit - voyageur, chargeur, collectivité territoriale -, et garder le sens du service public. L'intérêt général doit servir l'intérêt économique et vice-versa.
Le premier de mes engagements pour la nouvelle SNCF est de répondre aux fondamentaux qui constituent nos racines : la sécurité des circulations et du personnel, la performance du réseau, la ponctualité, ainsi que la qualité et la précision de l'information donnée aux voyageurs.
Je m'engage ensuite, devant les clients, à un service personnalisé et à une attention portée à tous. Les voyageurs attendent de la SNCF une expérience de service plus adaptée à chacun d'entre eux. Ils veulent une SNCF plus accessible, notamment en matière de prix. Chez Keolis, nous avons proposé plusieurs innovations qui simplifient la vie des clients. Notre mission est désormais de créer une continuité de mobilité, en utilisant toutes les solutions disponibles. La question est de savoir, non pas ce que la SNCF a pu proposer, mais quelle offre la nouvelle SNCF saura construire.
Penser aux clients, c'est penser à tous les clients. Pour les chargeurs du fret, l'enjeu n'est pas seulement commercial ; c'est aussi contribuer à une économie décarbonée. Voilà le deuxième engagement que je prends, en réponse au défi climatique et pour plus de proximité avec les territoires. Donner l'envie de train, c'est choisir la façon la plus directe de lutter pour le climat. La SNCF est intrinsèquement une partie de la réponse à la crise climatique, et nous devons faire toujours mieux, agir de façon plus écologique et plus locale, viser enfin la neutralité carbone. Cela se traduira par la construction de programmes innovants pour entretenir les voies sans abîmer les sols : le glyphosate ne sera plus employé avant la fin de 2021.
Pour toujours plus de proximité, m'inscrivant dans la direction tracée par le Premier ministre, je m'engage à dialoguer avec tous les territoires.
Mon engagement suivant s'adresse aux salariés. Il s'agit de construire un nouveau pacte social avec eux et pour eux. J'ai négocié en 2016 des points importants de la convention collective nationale du secteur ferroviaire. La branche doit à présent finaliser les chapitres « classification » et « rémunération ». Comme tout groupe industriel, nous sommes confrontés à des évolutions majeures des métiers. Un métier sur deux sera un nouveau métier. Le nouveau pacte social doit garantir une place et des perspectives à chacun sur le long terme ; il doit aussi donner envie de rejoindre la SNCF.
Enfin, je veux prendre, vis-à-vis des contribuables, un engagement d'efficacité économique et financière. J'ai fait progresser le chiffre d'affaires de Keolis de 70 % en sept ans ; la marge a doublé et la dette est maintenant totalement maîtrisée. La nouvelle SNCF devra tenir ses engagements et respecter la trajectoire de retour à l'équilibre financier du système ferroviaire prévu pour 2022. Cet engagement est la contrepartie du désendettement massif décidé par l'État ; c'est aussi la condition nécessaire à la compétitivité de l'entreprise. Il faudra développer les recettes, réduire les coûts d'exploitation et optimiser l'investissement. Une culture de la performance individuelle et collective rendra cette transformation possible, de même que l'efficacité industrielle et l'innovation numérique mise au service de tous. À nous de maîtriser cette révolution pour dépasser la fracture numérique, qui est souvent aussi une fracture territoriale. Au coeur de cette transformation, il faudra placer la mobilité durable.
Je voudrais pour terminer partager avec vous mes convictions pour cette nouvelle SNCF. Pour atteindre l'excellence que je vise, il n'y a pas de temps à perdre : les cycles économiques n'ont jamais été aussi courts et la concurrence est agressive. Nous ferons de l'adaptation de notre service aux changements des modes de vie une obsession permanente. Voyons clair et soyons lucides. Si les voyageurs, demain, sont satisfaits, ils choisiront la SNCF. Si celle-ci est capable de porter les enjeux climatiques, les chargeurs la choisiront. Si elle n'oppose pas grandes et petites lignes, mais offre une réponse globale aux besoins de mobilité à un prix raisonnable, les collectivités territoriales choisiront elles aussi la SNCF. Enfin, si elle est reconnue pour sa haute capacité d'innovation, partenaires industriels, start-ups et PME la choisiront.
J'ai pleine conscience de la responsabilité qui m'incombe pour mener cette transformation. Le courage politique du Parlement nous engage. Pour mener cette transformation, je ne serai pas seul dans l'exercice de ma présidence. J'aurai avec moi les cheminots, l'ensemble des salariés, leurs représentants syndicaux, les clients et leurs associations, tous les élus, les territoires dans leur diversité, nos partenaires et nos fournisseurs.
Je souhaiterais, si vous vouliez bien m'inviter, rendre compte chaque année devant vous de l'avancement de ma mission. Mener ces transformations, nous le pouvons et nous le devons à chaque Français.