Le protocole conclu entre l’Église et le parquet que vous mentionnez intervient à juste titre pour faciliter le signalement dans ce cas de figure.
Je rappellerai en préambule l’état du droit, si vous le permettez, car des dispositions existent et, comme souvent, ce sont nos pratiques qui font défaut, en particulier l’absence de coordination et de partage d’information.
Le rapport souligne que bien peu de signalements - 4 % à 10 % - proviennent du secteur médical, qui est pourtant dans une position privilégiée pour repérer les maltraitances. Ce phénomène m’a également alerté. Cependant, l’article 226-14 du code pénal prévoit une levée du secret professionnel médical en cas de suspicion permettant de présumer des violences physiques, psychiques ou sexuelles. Les dispositions existantes sont cohérentes avec le caractère subsidiaire de l’intervention judiciaire par rapport à la protection de l’enfance, tant en termes de repérage que d’intervention.
Dans ce cadre, introduire une obligation de signalement au sens judiciaire du terme serait contre-productif, et ce pour trois raisons. Premièrement, cela risquerait de mettre en péril la centralisation des informations à la CRIP, et donc sa capacité à évaluer correctement les situations. Deuxièmement, l’autorité judiciaire serait engorgée par des signalements, qui, par la suite, ne seraient pas évalués correctement ni croisés avec d’autres informations, mais simplement classés. Troisièmement, une telle obligation pourrait donner lieu à des placements judiciaires intempestifs, alors qu’une évaluation par la CRIP ou une intervention au niveau administratif aurait pu suffire.
En revanche, nous souhaitons faire en sorte que l’obligation de transmettre des informations préoccupantes soit pleinement respectée par les professionnels. C’est le sens sous-jacent de votre question. Un travail prenant en compte deux difficultés que nous avons pu repérer est engagé : les professionnels ne sont pas suffisamment sensibilisés et informés, et les institutions ne font pas remonter les signalements en interne. Ainsi, un guide relatif à la prise en charge des mineurs victimes à destination des professionnels est en cours d’actualisation et devrait être prochainement diffusé à l’ensemble d’entre eux.
Le problème ne vient pas tant, nous semble-t-il, d’un défaut d’obligation que d’un manque d’information et de coordination. Les textes sont explicites ; il s’agit de mieux les faire connaître et respecter.