Intervention de Gisèle Jourda

Commission des affaires européennes — Réunion du 3 octobre 2019 à 8h30
Agriculture et pêche — Proposition de résolution européenne tendant à garantir au sein de la politique agricole commune le système d'autorisation préalable de plantation viticole jusqu'en 2050 - examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Gisèle JourdaGisèle Jourda, rapporteur :

J'ai pris l'initiative de déposer une proposition de résolution européenne sur les droits de plantation de la vigne et je vous suis reconnaissante de m'avoir confié le soin d'en être la rapporteure. Il s'agit de demander la prolongation, de 2030 à 2050, de l'actuel dispositif des droits de plantation qui limite à 1 % par an, au maximum, la croissance des autorisations des plantations viticoles.

Certains de nos collègues s'en souviennent, il s'en est fallu de peu que les droits de plantation ne soient supprimés à l'initiative de la Commission européenne. Envisagé dès 1999 et finalisé en 2008, le projet de réforme, s'il avait abouti, aurait conduit à la libéralisation des activités vitivinicoles, au risque d'entraîner, comme souvent par le passé, une crise de surproduction.

Notre commission des affaires européennes s'y était opposée avec force et fermeté, initiant deux résolutions européennes adoptées par le Sénat respectivement le 1er avril 2011 et le 20 février 2013, grâce à Simon Sutour et à Gérard César. Nos efforts avaient efficacement relayé ceux des professionnels et du Parlement européen, puisque le projet de réforme à l'étude avait finalement été entièrement revu. In fine, l'actuel système de régulation a été prolongé jusqu'en 2030, à la faveur de la dernière réforme de la PAC. Toutefois, pour un secteur comme celui de la vigne nécessitant des investissements à très long terme, 2030 c'est pour ainsi dire déjà demain.

Les droits de plantation constituent un mécanisme indispensable pour adapter l'offre à la demande de vin car la viticulture européenne a connu de nombreux épisodes de surproduction au 20e siècle. En France, tout particulièrement, ces crises régulières ont revêtu un caractère structurel à partir de 1907 et jusqu'aux années 1960 et 1970. C'est à l'aune de ce passé récent, qui a laissé de graves traces dans un département comme celui de l'Aude, qu'il convient d'apprécier l'intérêt de garantir un développement maîtrisé de la production. Grâce à la réglementation actuelle, nos viticulteurs se trouvent protégés contre plusieurs risques : surproduction entraînant une baisse des prix, diminution du nombre des exploitations familiales et déprise des zones viticoles les moins productives. Enfin, les droits de plantation contribuent à limiter la tendance à l'industrialisation excessive de la viticulture, comme en Chine ou pour certaines productions du Nouveau Monde.

C'est en me fondant sur ce résultat, acquis de haute lutte, que j'ai pris l'initiative de déposer la présente proposition de résolution de résolution européenne. Elle s'inscrit dans le cadre de la prochaine réforme de la PAC pour la période 2021-2027, en cours de discussion, qui comporte un volet consacré à la viticulture.

Au Parlement européen, Éric Andrieu, en sa qualité de rapporteur d'une partie de la réforme, a saisi cette opportunité pour tenter de prolonger l'horizon du dispositif des droits de plantation de vingt années supplémentaires, en le portant de 2030 à 2050. Son rapport et ses amendements ont été adoptés, le 1er avril 2019, par la commission AGRI, juste avant le renouvellement du Parlement européen intervenu en mai 2019. Mais l'examen en séance plénière n'a pas encore eu lieu. Rien n'est donc acquis, d'autant que le comité européen des entreprises du vin s'est prononcé contre cette initiative.

Notre démarche s'inscrit dans la continuité de celle de notre collègue Éric Andrieu au Parlement européen. À cet effet, la proposition de résolution comporte trois considérants et deux demandes précises. Le premier considérant fait valoir « qu'il n'apparaît aujourd'hui nullement garanti que l'outil de régulation du potentiel de production viticole soit maintenu au-delà de l'horizon 2030 ». Le deuxième souligne l'importance, pour notre pays, de trouver des alliés parmi les autres États membres sur cette question sensible. Le dernier considérant met en avant le caractère indispensable du système des droits de plantation pour l'avenir de la filière vitivinicole et de nos vignerons. En conséquence, la proposition de résolution européenne exprime son soutien à la pérennisation du régime d'autorisation de plantations viticoles jusqu'en 2050 et invite le Gouvernement à faire valoir cette position dans les négociations au Conseil.

Les vins français et européens bénéficient, dans le monde entier, d'une réputation séculaire d'excellence, ô combien méritée. Cet atout ne saurait toutefois être préservé sans le maintien durable d'un cadre de régulation efficace. Éviter que le dispositif des droits de plantation ne prenne fin en 2030 en prolongeant dès à présent son horizon jusqu'en 2050 apparaît indispensable, car la vigne nécessite des investissements à long terme.

L'expérience des crises de surproduction intervenues à la suite de la suppression des quotas laitiers, le 1er avril 2015, et des quotas sucriers, le 1er octobre 2017, renforce la nécessité d'agir préventivement en matière de réglementation. Les enseignements de ces deux crises méritent d'être tirés : nous ne devons à aucun prix prendre le risque de fragiliser, dans quelques années à peine, la filière vitivinicole française et européenne !

D'après les éléments que j'ai recueillis, il semble que l'idée de prolonger jusqu'en 2050 le système actuel rencontre un écho très positif en France, aussi bien parmi les professionnels que chez les décideurs publics. La présente proposition de résolution européenne serait de nature à consacrer formellement cette large adhésion nationale. Le Gouvernement pourrait, en outre, utilement se prévaloir d'une position forte des parlementaires français sur le sujet lors des négociations à venir au Conseil. Je propose donc à notre commission de conclure à l'adoption de cette proposition de résolution.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion