Mes chers collègues, nous poursuivons notre réunion avec l'audition de la ministre de la transition écologique et solidaire, Élisabeth Borne, au sujet de l'accident de l'usine Lubrizol de Rouen. Nous vous remercions, madame la ministre, d'avoir accepté cette demande d'audition.
L'incendie qui s'est déclaré le 26 septembre dernier dans l'usine Lubrizol, classée Seveso seuil haut, et l'épais panache de fumée noire qu'il a provoqué ont suscité beaucoup d'inquiétudes et d'interrogations à Rouen, sachant que le site est situé à trois kilomètres à peine du centre-ville, dans une zone assez densément peuplée. Les informations qui ont été diffusées par le Gouvernement et la préfecture dans les jours qui ont suivi ont parfois été confuses pour nos concitoyens.
Le Sénat souhaite donc la création d'une commission d'enquête afin de faire toute la lumière, d'une part, sur les conditions dans lesquelles les services de l'État sont intervenus dans la gestion des conséquences environnementales, sanitaires et économiques de cet accident, et, d'autre part, sur la manière dont ces services contrôlent l'application des règles en vigueur concernant les installations classées et prennent en charge les accidents qui y surviennent. Au-delà, nous souhaitons engager une réflexion sur les règles applicables à ces sites afin d'éviter un nouvel accident et de faire en sorte que les réactions, en cas d'accident, soient plus appropriées.
Ma première question porte sur la gestion globale de cet accident. Estimez-vous réellement que « toutes les mesures de précaution nécessaires ont été prises par le préfet afin de protéger les populations et l'environnement » ? Alors que plusieurs membres des forces de l'ordre ont déploré le manque d'équipements de protection lors de leur intervention, que de nombreux enseignants ont exercé leur droit de retrait, et que des milliers de riverains s'inquiètent des possibles effets sur leur santé, nous sommes en droit de nous interroger.
Nous souhaiterions également vous entendre sur la gestion des conséquences potentielles de cet accident. La préfecture a publié il y a quelques jours la liste des produits stockés sur le site de l'usine Lubrizol. Pour rappel, ce sont plus de 5 000 tonnes de substances chimiques qui ont été détruites dans cet incendie, auxquelles il faut sans doute ajouter les produits chimiques de l'usine voisine, Normandie Logistique, soit potentiellement un total de 10 000 tonnes. La ministre de la santé a indiqué que « personne ne sait ce que donnent ces produits mélangés quand ils brûlent ». Pensez-vous que la publication en fin de semaine dernière de tableaux comportant des milliers de lignes, et de centaines de pages de documents - au demeurant inexploitables - constitue une réponse suffisante ? Un suivi épidémiologique de la population est-il prévu ?
Je souhaiterais également vous interroger sur le cadre applicable en matière d'installations classées. La France compte plus de 1 300 sites Seveso, dont 705 sites Seveso seuil haut. L'accident de Rouen inquiète nos concitoyens quant à la mise en oeuvre effective des mesures préventives. En effet, l'usine de Lubrizol a déjà connu plusieurs incidents par le passé, ce qui suscite des interrogations sur l'efficacité des contrôles réalisés par les services de l'État. Par ailleurs, et c'est extrêmement préoccupant, nous avons lu dans la presse que l'usine de Lubrizol aurait bénéficié de deux arrêtés autorisant l'augmentation du stockage des produits dangereux sur le site, en janvier et en juin 2019, et que ces mesures n'auraient pas fait l'objet d'une évaluation environnementale depuis qu'un décret de 2018 a restreint le champ de cette évaluation. Confirmez-vous cette information ?
Enfin, nous venons d'apprendre que l'usine Normandie Logistique contenait autant de substances chimiques que celle de Lubrizol, et qu'elle aurait dû à ce titre être soumise au régime de l'enregistrement et non au régime de déclaration. Comment est-il possible que les services de l'État n'aient pas veillé à ce que cette usine se soumette à enregistrement ?