Intervention de Rémy Pointereau

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 9 octobre 2019 à 9h00
Communication de m. bernard delcros mme frédérique espagnac et m. rémy pointereau sur les zones de revitalisation rurale

Photo de Rémy PointereauRémy Pointereau, rapporteur :

Je remercie mes collègues rapporteurs pour le travail conduit ensemble. Ce fut un grand plaisir et un honneur de travailler avec deux membres éminents de la commission des finances !

Oui, les ZRR sont à la croisée des chemins. En complément de la prorogation des ZRR, nous devons aussi traiter le problème à la racine. J'évoquerai donc les critères de classement des EPCI en ZRR et nos propositions de refonte. Sur ce sujet comme sur d'autres, nous devons encore nous adapter à des changements issus de la loi NOTRe, comme nous l'avons vu hier dans l'hémicycle. Je suis convaincu que nous pouvons trouver un équilibre et rénover les ZRR pour soutenir le développement local.

Avant la réforme de 2015, le classement des communes en ZRR se faisait sur la base de trois critères, appréciés soit à échelle de l'EPCI, soit du canton, soit de l'arrondissement : en premier lieu, un critère de faible densité, selon des seuils fixés par décret ; en second lieu, un critère sociodémographique, apprécié par rapport au déclin de la population, au déclin de la population active ou de la forte proportion d'emplois agricoles ; enfin, un critère institutionnel, imposant à la commune souhaitant être classée d'être membre d'un EPCI à fiscalité propre.

Dans ce cadre, en 2014, environ 15 000 communes étaient concernées, dont 55 % étaient des communes de moins de 250 habitants.

En 2014, nos collègues députés MM. Alain Calmette et Jean-Pierre Vigier avaient publié un rapport d'information pour lancer une réforme des critères de classement. Ce rapport proposait de ne retenir que deux critères : un critère démographique et un critère de revenu des habitants, dans le cadre d'une unique référence aux EPCI à fiscalité propre.

Sur la base de ce rapport, la loi de finances rectificative (LFR) pour 2015 a mis en place une réforme visant à maintenir un nombre stable de communes bénéficiant du classement, tout en améliorant la lisibilité des critères applicables. Au 1er juillet 2017, 13 890 communes, dont 3 679 nouvelles, étaient classées tandis que 4 074 perdaient le bénéfice du classement, car elles ne répondaient pas aux nouveaux critères. Depuis cette réforme, c'est tout ou rien : soit toutes les communes d'un EPCI sont classées en ZRR, soit aucune d'entre elles ne l'est.

Si l'ambition simplificatrice de la réforme était louable, je déplore le manque d'anticipation du Gouvernement par rapport aux variations intervenues au sein des périmètres intercommunaux, qui ont profondément redessiné la carte du zonage ZRR, et un manque d'attention aux dynamiques locales propres à certains espaces.

En Lozère, département peuplé par moins de 80 000 habitants, la sortie du zonage des communautés de communes Coeur de Lozère et Gévaudan est un non-sens, alors qu'elles concentrent un tiers des créations d'entreprises. Il en est de même dans les communes de La Chabane dans l'Allier, Banca et Aincille dans les Pyrénées Atlantiques ou Mandailles-Saint-Julien dans le Cantal.

Par ailleurs, l'article 33 de la loi NOTRe, en portant le seuil de constitution des EPCI à fiscalité propre de 5 000 à 15 000 habitants, a conduit, au 1er janvier 2017, à une diminution d'environ 40 % du nombre d'intercommunalités, passé de 2 062 à 1 266, alors que le nombre moyen de communes par EPCI augmentait de 17 à 28, sans compter les 143 EPCI qui rassemblent plus de 50 communes en 2019, alors qu'ils n'étaient que 53 en 2016.

Par conséquent, des communes antérieurement classées en ZRR ont perdu le bénéfice du classement, car l'EPCI auquel elles appartiennent ne répond pas aux critères de la réforme de 2015, alors même que la situation de ces communes ne s'est pas ou peu améliorée. Au sein de la communauté urbaine du Grand Reims, 39 communes sur les 143 membres de l'EPCI ont perdu leur classement en ZRR en raison de la fusion d'EPCI ; 72 % des communes de la communauté d'agglomération du Pays basque sortent du classement, soit 114 communes sur 158 ; dans le Cher, 106 communes sur 236, représentant 58 000 habitants, sont sorties du classement. La fusion entre la communauté de communes des Terres d'Yèvre avec la communauté de communes des Vals-de Cher et d'Arnon au sein de la communauté de communes Coeur-de-Berry a entraîné une perte de classement pour l'ensemble des communes du nouvel EPCI. Parfois, des cantons en grande difficulté sont exclus en raison de la place de la ville-centre, c'est le cas avec la communauté de communes Pays Fort-Sancerrois, qui comprend la ville de Sancerre.

Il y a eu trop de gagnants et de perdants : les mouvements d'entrée et de sortie du classement ont concerné près de 30 % des communes classées, ce qui constitue un facteur de déstabilisation et d'incompréhension. La part de la population sortant du classement ZRR atteint ainsi 83 % pour le Loir-et-Cher !

Enfin, l'attachement des élus locaux à ce « label ZRR » a été sous-estimé. C'est la raison pour laquelle le législateur a prorogé à deux reprises le bénéfice du classement ZRR pour les communes sortantes, à la suite d'amendements parlementaires lors de l'examen de la loi « Montagne 2 » en 2016 puis lors de l'examen du PLF pour 2018.

Je rappelle qu'à l'origine aucun dispositif transitoire n'avait été prévu pour les communes sortantes par le Gouvernement, alors même que le rapport Calmette-Vigier l'avait proposé en 2014. En 2013, dans une situation similaire, il avait été décidé de continuer à faire bénéficier du classement en ZRR les 2 039 communes ne satisfaisant plus aux nouveaux seuils.

Depuis le 23 février 2018, 17 976 communes sont concernées par les ZRR, soit environ 50 % des communes françaises, dont 4 074 communes qui ne sont plus classées mais qui bénéficient des effets du classement jusqu'au 30 juin 2020, avec 1 011 communes de montagne et 3 063 communes prises en compte par la loi de finances pour 2018.

Cette situation illustre les limites d'une réforme dont le principal et critiquable objectif était de faire baisser ou de maintenir un nombre stable de communes en ZRR, au détriment d'une priorité accordée à leur situation réelle.

Aussi, nous proposons de préparer une réforme des ZRR d'ici au 31 décembre 2021. Des simulations vont être réalisées par une étude qui sera lancée rapidement, pour chiffrer précisément les effets positifs attendus de nos propositions et définir les seuils les plus adaptés aux besoins des territoires ruraux. En modifiant juste une décimale, les effets sont parfois importants.

D'abord, nous souhaitons mieux prendre en compte les fragilités et la diversité des territoires dans les grands ensembles intercommunaux, en affinant les critères de classement par secteurs géographiques au sein des EPCI. Les EPCI « XXL » sont des espaces politiques importants, mais ils sont parfois en décalage avec la logique des projets des communes et ne permettent pas toujours une approche fine des enjeux territoriaux. Sans revenir à l'échelle du canton ou de l'arrondissement, il est nécessaire de porter une attention plus approfondie aux dynamiques locales.

Ensuite, nous souhaitons que soient revus et affinés les critères de classement en ZRR pour définir trois niveaux de zonage ZRR 1 / 2 / 3, sur le modèle par exemple des groupes iso-ressources (GIR).

Je m'interroge sur le maintien de cette précision. Il compare les ZRR au GIR qui est un indice de calcul de la perte d'autonomie pour les personnes âgées.. bof non ?

Ces ZRR1, ZRR2 et ZRR3 permettront une différenciation devant correspondre à la diversité des situations des territoires ruraux : la fragilité d'un territoire sera mesurée par rapport au nombre de critères optionnels remplis parmi les six critères identifiés. Les simulations permettront d'affiner ce système.

Les critères que nous retenons à ce stade sont la densité démographique, constante du dispositif ZRR depuis l'origine, auquel s'ajouteraient le déclin démographique observé sur plusieurs années, le revenu par habitant, un critère de dévitalisation mesuré par l'évolution du nombre d'artisans, d'agriculteurs et de commerçants, l'âge moyen de la population, et le nombre de logements et de bâtiments d'exploitation vacants ou abandonnés. En fonction du nombre de critères remplis, un indice de fragilité permettra de classer le territoire concerné en ZRR 1, 2 ou 3 et il bénéficiera des mesures associées à chaque niveau de zonage. En complément, il sera essentiel de renforcer le pilotage et la gouvernance de ce dispositif, notamment en clarifiant le rôle de la future Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT).

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