Chacun doit rester dans son rôle : nous n'avons pas d'appréciation à porter sur des projets d'actualité défendus par le Gouvernement, ni à nous substituer au pouvoir politique sur un certain nombre de décisions à prendre.
Il peut être justifié de prendre en considération la pénibilité du travail au nom de l'équité, mais tout cela doit être objectivé par rapport à l'espérance de vie. De même, les prestations doivent être toujours médicalement justifiées.
Notre modèle est-il à bout de souffle, monsieur le président ? Nous ne le pensons pas et nous nous efforçons d'identifier les moyens de le préserver.
Le déficit des comptes sociaux est une anomalie, dans la mesure où les dépenses courantes n'ont pas à être financées par l'emprunt. C'est pourquoi nous insistons chaque année sur l'importance de réduire, voire d'annuler, la dette sociale.
La prévision de hausse de la masse salariale à 3 % contenue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 suppose que la prime exceptionnelle exonérée ne se substitue à aucun élément de rémunération déjà prévu. Le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale du mois dernier se fonde sur la même hypothèse. Or les sommes versées au titre de ce dispositif - 2,2 milliards d'euros jusqu'à la fin du premier trimestre 2019 - suggèrent un possible effet de substitution, que nous n'avons pas encore été en mesure de chiffrer. En 2020, les employeurs disposeront d'un délai plus important pour anticiper la mesure, ce qui augmente la probabilité d'une substitution.
En ce qui concerne les niches sociales, nous avons constaté que l'annexe V du projet de loi de financement de la sécurité sociale n'était pas complète. L'exécutif fait état de 66,5 milliards d'euros pour 2020 ; pour notre part, nous identifions près de 90 milliards d'euros de niches sociales, voire 100 milliards d'euros si l'on prend en compte les régimes complémentaires. Il est de la plus haute importance d'évaluer les effets de ces mesures d'exonération et d'exemption.
Pour ce qui est de l'allégement général dégressif jusqu'à 1,6 Smic, plusieurs évaluations économétriques ont mis en évidence un effet positif sur l'emploi. En revanche, l'allégement proportionnel de 1,8 % de cotisations famille instauré en 2015-2016 jusqu'à 3,5 Smic et l'allégement proportionnel de 6 % de cotisations maladie instauré cette année jusqu'à 2,5 Smic en remplacement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) n'ont fait l'objet que de travaux partiels. Il est très important que des évaluations complémentaires soient menées, pour que vous, parlementaires, puissiez apprécier la pertinence de ces dispositifs ; c'est le rôle de France Stratégie, par exemple, davantage que de la Cour des comptes. Il nous paraît qu'il y a des marges possibles de recettes supplémentaires par la remise en cause de quelques-unes de ces exonérations et exemptions.
La Cades remplit son rôle en remboursant progressivement la dette sociale. Mais si l'on reconstitue cette dette au niveau de l'Acoss, on risque de ne jamais en finir... Nous n'avons pas pris position de manière aussi catégorique, mais je dirais qu'il faut permettre à la Cades d'aller jusqu'au bout sans qu'il soit utile de la prolonger une nouvelle fois ; ensuite, ses recettes pourront servir à rembourser la dette reconstituée au niveau de l'Acoss. Il est sûr que cela conduit à reporter les propositions du rapport Libault... D'où l'intérêt d'équilibrer le plus rapidement possible la sécurité sociale. Or, pour l'instant, 46 milliards d'euros de dette sont prévus pour la fin de 2022 - le niveau constaté pouvant être supérieur.
La compensation par l'État est une question politique, qui doit recevoir une réponse politique. Du point de vue de l'ensemble des comptes publics, elle est sans conséquence... La loi Veil est une loi ordinaire : ce qu'elle énonce peut être modifié par une loi postérieure - c'est d'ailleurs ce que font les lois de financement de la sécurité sociale. Toutes les dérogations à cette loi ont été votées par le Parlement.
L'État compense, mais, en effet, pas à la hauteur de toutes les pertes de recettes. Il faut toutefois rappeler que, à d'autres périodes, l'État a surcompensé - de l'ordre de 3 à 4 milliards d'euros.
Au reste, le déficit de 2019 ne s'explique pas seulement par la non-compensation d'un certain nombre de décisions. Il résulte aussi de la surestimation de la masse salariale et d'une évolution des dépenses supérieure aux anticipations.
En tout cas, il est souhaitable que les critères implicites proposés au Parlement en matière de compensation et de non-compensation soient plus stables à moyen terme.