La loi Veil a eu le mérite de fixer une règle du jeu claire : l'État compense les exonérations de charges sociales. Depuis lors, ces exonérations ont beaucoup augmenté...
La Cour considère qu'on ne peut pas accepter un système dans lequel les déficits se logent ici ou là, au gré des circonstances. Il n'est pas indifférent de commenter des comptes sociaux présentant un déficit de 5,5 milliards d'euros ; on voit bien le message qui est envoyé aux acteurs du système.
De même, il est nécessaire que les niveaux de déficit des différentes branches aient du sens. C'est pourquoi nous avons critiqué ces dernières années la tendance gouvernementale à réaffecter les ressources d'une branche à une autre en fonction des circonstances.
Si l'instabilité des règles est critiquable, il est vrai aussi que, au cours des cinq dernières années, l'État a surcompensé le coût des exonérations de charges, pour près de 4 milliards d'euros.
Pour ce qui est du déficit de cette année, la Cour des comptes a été beaucoup plus sensible, comme c'est son rôle, à l'observation d'une accélération régulière et sensible de l'évolution des dépenses sociales - sur une masse de 500 milliards d'euros, 1 % de progression représente déjà 5 milliards d'euros... C'est cette accélération qui explique, davantage que la non-compensation, le creusement du déficit en 2019.
Dans la trajectoire présentée à l'appui du projet de loi de financement de la sécurité sociale, la Cades poursuit le remboursement de la dette sociale jusqu'à l'échéance de 2024 avec les ressources qui lui sont affectées, soit chaque année 16 milliards d'euros de CRDS et de CSG et 2 milliards d'euros prélevés sur le fonds de réserve des retraites. Mais la dette flottante à l'Acoss continue de s'accroître au rythme des déficits annuels, pour atteindre, dans la trajectoire du Gouvernement, 46 milliards d'euros en 2022.
Comme l'a expliqué le Premier président, la réouverture de la Cades ne serait pas une solution envisageable. Après 2024, les 18 milliards d'euros de prélèvements disponibles pourraient être conservés dans les comptes sociaux pour apurer peu à peu la dette flottante - à ceci près que les 16 milliards d'euros de prélèvements sociaux ont déjà fait l'objet, sinon d'une pré-affectation, en tout cas de beaucoup de convoitises... Il est vrai que, compte tenu de l'ampleur des besoins mis en évidence par la commission Libault, un basculement aussi rapide que possible d'une partie de ces prélèvements vers l'amélioration de la situation du secteur médico-social est en débat. La Cour des comptes constate que, compte tenu de la dégradation de la trajectoire financière de la sécurité sociale, ces ressources ne seront pas disponibles en 2024.
À propos des transports de patient, nous soulignons l'ampleur des dépenses et, parfois, leur insuffisante justification médicale. Nous dépensons 5 milliards d'euros dans le secteur sanitaire, soit quatre fois plus que l'Allemagne, mais seulement 1 milliard d'euros dans le secteur médico-social - un chiffre que nous avons eu du mal à reconstituer. Ces dépenses pèsent lourdement sur les budgets des établissements médico-sociaux, sans que les besoins les plus élémentaires soient satisfaits, notamment en matière de transport de personnes handicapées. Peut-être y a-t-il un peu trop de dépenses insuffisamment justifiées médicalement du côté sanitaire et pas assez de moyens pour le secteur médico-social.
Madame Deroche, les déficits hospitaliers restent en effet un point de fuite, même s'ils se réduisent - de 1 milliard d'euros, ils ont baissé à 650 millions d'euros en 2018. La moindre progression de l'Ondam hospitalier s'explique par la progression nettement moindre de l'activité hospitalière depuis deux ans. Nous aurons probablement à affiner nos diagnostics sur ce point, les réponses reçues de la direction générale de l'offre de soins (DGOS) n'étant pas très convaincantes. Ce ralentissement résulte de données démographiques, comme le moindre recours à l'hospitalisation des personnes de plus de 80 ans et la réduction de la natalité, ainsi que d'autres facteurs que nous examinerons plus à fond. En tout cas, le rythme de 2,1 % pour la progression de l'Ondam hospitalier ne traduit pas un durcissement, mais un moindre dynamisme de l'activité sous-jacente.
Le domaine des transports est probablement l'un des plus difficiles à réguler, notamment parce que le taux de socialisation de ces dépenses est très élevé - 93 %, contre 78 % en moyenne. C'est pourquoi nous suggérons qu'un forfait spécifique pour le secteur des transports sanitaires pourrait être justifié, même si ce n'est pas une mesure simple.
En la matière, nous avons été frappés par les écarts de coût très importants entre les différents départements : les transports sanitaires représentent 78 euros par habitant dans les Bouches-du-Rhône, mais seulement une vingtaine d'euros dans certains départements. Contrairement à ce que nous attendions, les départements où la dépense par habitant est la plus forte ne sont pas nécessairement les plus isolés et ruraux.
J'attire votre attention aussi sur l'invraisemblable complexité de la réglementation : 140 hypothèses doivent être balayées pour déterminer si l'assuré social doit ou non bénéficier d'une exonération de ticket modérateur...
Nous proposons de renforcer la médicalisation de ces transports, de veiller à ce que la prise en charge soit le plus souvent justifiée médicalement et de renforcer la régulation à l'égard de l'ensemble des transports concernés, y compris les taxis, dont la « part de marché » a très fortement augmenté. Si des initiatives très récentes marquent une première inflexion, il faut aller plus loin.
S'agissant du congé de longue maladie fractionné dont a parlé Mme Deroche, nous ne l'aurions pas spontanément proposé, puisqu'il s'agit d'une dépense supplémentaire, mais il s'inscrit parfaitement dans la logique de notre rapport : en matière d'indemnités journalières pour congés de longue durée, nous suggérons plus d'accompagnement, plus de souplesse et un maintien des liens avec l'emploi, chaque fois que c'est possible.
À la souplesse que nous souhaitons pour les congés de longue durée répond la fermeté que nous préconisons pour les congés courts, qui désorganisent assez gravement entreprises et administrations, avec l'idée d'un jour de carence d'ordre public.
Madame Doineau, nous n'avons pas spécifiquement approfondi l'examen des 350 millions d'euros d'irrégularités de déclaration, mais nous pensons qu'il s'agit, pour l'essentiel, d'erreurs. Les systèmes d'allégements ont été très fortement modifiés à plusieurs reprises, ce qui est source d'erreurs. On peut imaginer qu'il y en aura moins si le système se stabilise, compte tenu du basculement du CICE vers les allégements de charges. Il importe néanmoins que l'Acoss maintienne la pression sur les contrôles d'assiette, qui permettent de s'assurer de la fiabilité des déclarations.
S'agissant de l'évaluation des allègements de charges, un constat au moins se dégage clairement : l'effet sur l'emploi est maximal au voisinage du Smic, voire un peu au-delà, jusqu'à 1,5 Smic, et moindre dans les tranches hautes de revenus.
S'agissant des retraites, monsieur Savary, nous avons effectivement été frappés par la proportion de départs anticipés - un sur deux, contre un sur trois voilà cinq ans. C'est le résultat des sept dispositifs étudiés dans notre rapport, dont le dispositif des carrières longues et celui des catégories actives dans la fonction publique. Compte tenu des souplesses accordées au fil du temps, l'âge moyen de départ en retraite dans notre pays s'accroît très lentement : on a pris à peine une année en dix ans. Cela étant, la proportion de un sur deux a vocation à baisser dans les années à venir, à condition que le dispositif des carrières longues reste stable dans ses paramètres.
À la demande de l'Assemblée nationale, nous avons travaillé sur les régimes spéciaux de retraite. Notre constat d'ensemble est que les situations de départ en retraite dans notre pays sont très hétérogènes, ce qui est un élément de complexité quand on amorce une réforme visant une égalité, une équité et une simplicité plus grandes.