L'Ondam est d'abord, en effet, un levier de régulation : l'un des principaux enjeux vient d'ailleurs aujourd'hui du mode même de régulation de la dépense de santé sur lequel repose l'Ondam. Le respect de l'Ondam voté, s'il faut bien sûr s'en réjouir, s'appuie sur une asymétrie des mécanismes de régulation qui fragilise, peu à peu, l'adhésion des acteurs.
La régulation infra-annuelle, c'est-à-dire les mesures permettant de « tenir » l'objectif en cours d'exécution, s'appliquent d'abord aux enveloppes fermées à destination des établissements de santé, à travers les coefficients prudentiels ou les mises en réserve de crédits.
Les gels sur l'Ondam hospitalier ont représenté en moyenne 400 millions d'euros par an en début d'exercice sur la période 2010-2018, et, en cumulé sur la période, ce sont plus de deux milliards de crédits votés qui ont été in fine annulés pour garantir le respect de l'Ondam total.
Ce mécanisme est efficace pour tenir l'Ondam, mais il se révèle perdant-perdant pour l'hôpital : même quand des arbitrages plus favorables pour reverser des crédits mis en réserve aux établissements hospitaliers sont pris, comme ce fut le cas sur les exercices 2017 et 2018, ils n'interviennent que tardivement (en février ou mars de l'année suivante), ce qui prive les établissements de la visibilité nécessaire pour piloter leur activité ou leurs choix d'investissements.
De surcroît, et s'il faut là aussi leur reconnaître le mérite de l'efficacité, les leviers de régulation de l'Ondam sont de manière prépondérante des actions sur les prix.
Pour les établissements de santé, cela se décide lors de la « campagne tarifaire » qui conduit à la publication, généralement en mars, de l'arrêté ministériel fixant les tarifs pour l'année en cours au vu des prévisions d'activité. En 2019 et pour la première fois depuis 10 ans, les tarifs hospitaliers marquent une progression à la hausse, certes modeste de 0,2 %, qui met fin à une spirale à la baisse. Il faut y reconnaître un signal positif, dans un contexte de ralentissement de l'activité hospitalière.
Le poste des médicaments a aussi fortement contribué à la modération de l'Ondam, avec deux leviers directs d'action dans ce secteur que sont les conventions de fixation des prix et les clauses de sauvegarde qui se déclenchent en cas de dépassement d'un certain chiffre d'affaires des entreprises pharmaceutiques. Les dépenses de médicaments relevant de l'enveloppe soins de ville ont évolué entre 2010 et 2017 de 1,6 % quand les dépenses totales de ce sous-objectif augmentaient de 16,6 %, et les honoraires de paramédicaux de 40 %.
Les autres secteurs des soins de ville ne sont pas exempts de régulation. Mais contrairement à l'hôpital, les conventions tarifaires ne sont pas utilisées en cours d'année pour ajuster les tarifs aux volumes d'activité. Les accords de modération dans le secteur de la biologie médicale, qui font l'objet d'une renégociation délicate, sont jusqu'alors la seule exception.
Les solutions ne sont pas simples, mais un constat se détache : celui d'inscrire l'Ondam dans une trajectoire réellement pluriannuelle et une réflexion prospective sur la dépense de santé. En théorie, la pluriannualité existe déjà : tel est notamment l'objet des lois de programmation des finances publiques. Connaître le taux d'évolution à trois ou quatre ans de l'Ondam est un progrès, mais cet exercice de projection reste très formel et trop peu documenté.
Les fédérations hospitalières appellent de leurs voeux une plus grande visibilité dans la tarification, sur une base au moins triennale : cette préconisation, reprise par la task force sur le financement du système de santé pilotée par Jean-Marc Aubert, nous semble être une évolution indispensable, a fortiori avec la réforme du financement de l'hôpital que va engager le PLFSS pour 2020.
Les modes de régulation fondés sur la modération des volumes par la qualité et la pertinence, plutôt que ceux résultant de la logique du rabot, nécessitent également de s'inscrire dans la durée. Le secteur de la radiologie a ouvert la voie en ce sens. Nous pourrions également, dans ce cadre pluriannuel, envisager des formes de lissage dans le temps de la dépense, pour absorber les chocs éventuels sur une année, par exemple dans le secteur du médicament en cas d'arrivée sur le marché d'innovations thérapeutiques.
Un autre sujet qui s'accommode mal de l'annualité de l'Ondam est celui des investissements hospitaliers, qui marquent un net recul depuis 2009. Nous réitérons la préconisation portée par le rapport de la Mecss sur la tarification à l'activité (T2A) dès 2012 de mieux prendre en compte le cycle de vie des investissements hospitaliers, en déconnectant ces dépenses des tarifs.
De manière générale, il manque une vision stratégique et prospective pour objectiver les besoins de santé et identifier les grandes tendances à moyen terme, liées aux effets du vieillissement, à l'arrivée d'innovations, et mettre en regard les financements mobilisables. La régulation à courte vue via l'Ondam nous éloigne de cette réflexion collective aujourd'hui indispensable.