Un dernier sujet de réflexion vient de la structure même de l'Ondam qui est voté, depuis 2005, en six sous-objectifs : l'Ondam soins de ville, l'Ondam hospitalier, les deux sous-objectifs relatifs au secteur médico-social, le fonds d'intervention régional (FIR) et les autres prises en charge ; leur contenu est présenté dans le document qui vous a été distribué. Ce découpage avait constitué un progrès, en renforçant la portée du vote par le Parlement. Il a aussi le mérite de la clarté puisqu'il correspond à des canaux de financement et à des modes de régulation distincts.
Ce découpage n'est toutefois pas parfait. Les deux secteurs de la ville et de l'hôpital sont ainsi plus poreux qu'on ne le pense parfois : les prestations hospitalières exécutées en ville, qui représentent près de 12 milliards d'euros et connaissent une progression dynamique, s'imputent sur l'objectif soins de ville alors que leur fait générateur est à l'hôpital. Quant aux honoraires conventionnels, ils ont un impact sur le budget des établissements de santé par le biais des consultations externes. Cela invite à penser la régulation de manière plus transversale : notamment, la demande récurrente des fédérations hospitalières d'être associées aux négociations conventionnelles nous paraît devoir être entendue.
La structuration actuelle de l'Ondam entretient les clivages entre les offreurs de soins du système de santé, à rebours des enjeux de parcours de soins et de décloisonnement ; elle reproduit en l'amplifiant son pilotage dual entre le ministère et l'assurance maladie. Comme l'a souligné Jean-Marc Aubert, cette structuration a tendance à figer le regard et les parts de marché. Son récent rapport a préconisé de supprimer les sous-objectifs ou d'en redéfinir le périmètre, pour tenir compte des évolutions proposées pour le financement du système de santé.
Pour autant, le regroupement des deux principaux sous-objectifs (ville et hôpital) paraît prématuré. Il serait intéressant en revanche de croiser les approches pour sortir du seul clivage ville-hôpital et suivre des agrégats de dépenses plus transversaux, par exemple pour des enjeux importants comme la santé mentale ou la perte d'autonomie, ou pour mesurer les effets de reversement de l'hôpital vers la ville du fait du virage ambulatoire.
Pour finir, et en écho à ce besoin de plus grande transversalité, nous nous sommes interrogés sur la transformation de l'Ondam en Ordam, à savoir un objectif régionalisé de dépenses d'assurance maladie. Ce débat revient régulièrement dans l'actualité. Il avait conduit à la création en 2012 du FIR, géré par les agences régionales de santé (ARS), et qui constitue depuis 2014 un sous-objectif de l'Ondam, dont il ne représente que moins de 2 % du total, soit 3,5 milliards d'euros pour 2019.
L'objectif serait double : favoriser une plus grande fluidité entre secteurs et contribuer à résorber les inégalités territoriales. Mais cette évolution se heurterait aussi à des difficultés qui ne sont pas que techniques : notamment, pourrait-on accepter des mécanismes régionaux de régulation de la dépense, par exemple des tarifs différents d'un territoire à l'autre ? L'idée est séduisante mais elle poserait en l'état plus de questions qu'elle n'apporterait de réponses.
Elle ne prendrait sens que dans une refonte de la gouvernance de notre système de santé pour aller vers un pilotage régionalisé. Ce n'est pas à l'ordre du jour et la brèche que nous avions ouverte lors de l'examen de la dernière loi santé, en confiant la présidence du conseil de surveillance des ARS au président de région, s'est vite refermée...
Il n'en demeure pas moins que le principe d'Ordam indicatifs, comme outil de suivi dans le temps et d'aide à la décision pour le rééquilibrage d'inégalités entre territoires, serait un premier pas utile.
Les dotations du FIR pourraient également être relevées pour donner plus de marges de manoeuvre à l'échelon territorial dans la conduite de politiques transversales entre la ville, l'hôpital et le médico-social, avec une gouvernance des ARS refondée dans le sens que nous avions préconisé.
Telles sont nos principales observations et recommandations. En l'absence d'un autre mode de régulation de la dépense de santé, l'Ondam est un outil dont on ne saurait se passer. Mais il faut aujourd'hui remettre les termes de transparence, d'équité et de visibilité au coeur de sa gestion et l'inscrire dans une réflexion stratégique et prospective qui fait défaut alors que l'on touche dans de nombreux domaines aux limites d'un pilotage budgétaire à courte vue de notre système de santé.