Alors que l'on pouvait s'attendre à ce que le durcissement de la fiscalité entraîne une baisse de l'investissement, l'étude de l'IPP montre que tel n'est pas le cas. Elle conforte ainsi l'idée qu'il n'existe pas de lien direct entre la fiscalité au niveau de l'épargnant-actionnaire et les décisions d'investissement des entreprises. En revanche, on observe une augmentation significative des fonds propres des entreprises concernées par la réforme, ce qui est positif.
Si la réforme n'a pas eu les effets escomptés du point de vue des finances publiques, force est de reconnaître que son impact économique est plutôt favorable pour les entreprises.
J'en viens maintenant au premier bilan que l'on peut tirer de la mise en place de l'IFI.
Pour les finances publiques, le coût budgétaire de la réforme est assez proche de celui escompté initialement. Si l'on raisonne par différence par rapport à 2017, il s'élève à 2,9 milliards d'euros, et non à 3,2 milliards d'euros comme attendu. En tenant compte de la dynamique de l'ISF qui aurait été observée en 2018 si cet impôt avait été maintenu, le coût s'élèverait alors, d'après l'Insee, jusqu'à 3,45 milliards d'euros. Il est donc inexact de dire que la réforme a moins coûté que prévu. Notons au passage que les mesures de nos collègues députés sur les yachts et autres biens de consommation de luxe ont rapporté à peine 14 millions d'euros. Ce n'est pas à la hauteur des enjeux.
En termes d'équité, taxer uniquement la richesse immobilière conduit à exonérer totalement de très hauts patrimoines financiers : 18 % des plus hauts redevables de l'ancien ISF ne payent pas l'IFI. En parallèle, de nombreux redevables de l'ISF restent assujettis à l'IFI sans pour autant disposer de revenus très élevés. Ainsi, 20 % des redevables de l'IFI ont un revenu fiscal de référence inférieur à 62 000 euros. En dépit de son coût, la réforme n'a donc pas permis de remédier à l'un des principaux défauts de l'ISF.
Au total, le gain fiscal moyen s'élève à 8 338 euros par foyer, mais il atteint 1,2 million d'euros pour les 100 premiers contribuables à l'ISF. C'est un véritable jackpot !
Sans surprise, les premiers indices suggèrent que ce gain fiscal n'a été que très partiellement réinvesti dans les entreprises françaises. On peine à voir le « ruissellement ». D'une part, les sondages réalisés auprès de redevables indiquent qu'ils ont avant tout choisi d'utiliser leur gain fiscal pour consommer davantage. D'autre part, pour la fraction du gain fiscal réinvestie, l'internationalisation des portefeuilles des ménages est telle qu'une grande partie a bénéficié au reste du monde, et non aux entreprises françaises.
Les effets de fuite paraissent donc importants, d'autant plus que l'assiette économique de ce nouvel impôt n'est pas cohérente avec l'objectif de soutien à l'investissement productif : on taxe l'investissement immobilier, mais pas l'argent qui dort sur les comptes courants ou les biens de luxe !