S'il est encore un peu tôt pour déterminer l'impact de la réforme sur l'investissement, on s'accorde à dire que la mise en place de l'IFI a déjà permis d'enrayer le flux des expatriations fiscales, qui a diminué de 41 % en 2017. La suppression de l'ISF et son remplacement par l'IFI n'ont pas fait revenir des contribuables ; en revanche, ils ont freiné les départs, qui ont diminué de 41 % entre 2016 et 2017.
J'en viens maintenant aux « effets de bord » de la réforme, qui ont été insuffisamment anticipés par le Gouvernement, en particulier sur le capital-risque et la générosité publique.
S'agissant du capital-risque, la disparition de l'ISF-PME paraît avoir été compensée par des réinvestissements, mais ceux-ci se sont dirigés vers des fonds spécialisés dans le rachat d'entreprises, et non dans l'apport de capitaux nouveaux aux jeunes entreprises.
S'agissant de la générosité publique, la disparition de l'ISF a provoqué une baisse des dons de 134 millions d'euros du fait d'un faible recours à la réduction « IFI-dons », qui n'a été que partiellement compensée par un recours accru à la défiscalisation au titre de l'impôt sur le revenu.
Venons-en maintenant au PFU.
Le Gouvernement a estimé que la mise en place du PFU, en lieu et place de l'imposition au barème des revenus du capital, se traduirait par une perte de recettes fiscales à hauteur de 1,3 milliard d'euros en 2018, puis de 1,9 milliard d'euros en régime de croisière, à compter de 2019.
Ce chiffrage présente toutefois deux limites majeures. D'une part, il a, une fois de plus, été réalisé sans tenir compte des réactions comportementales des ménages et des entreprises. D'autre part, en parallèle de l'instauration du PFU, les prélèvements sociaux sur l'ensemble des revenus du capital sont passés de 15,5 % à 17,2 % dans le cadre de la bascule des cotisations sociales vers la CSG. Cette augmentation devait se traduire, d'après le Gouvernement, par une hausse des recettes fiscales de l'ordre de 2 milliards d'euros. Comme je l'avais déjà indiqué à l'époque, il est curieux et discutable d'évaluer le coût du PFU uniquement sous le prisme de la perte fiscale au titre de l'impôt sur le revenu, sans tenir compte de la hausse simultanée des prélèvements sociaux.
Comment les ménages et les entreprises ont-ils réagi à l'instauration du PFU après 2018 ? De la réponse à cette question dépend le coût de la réforme pour les finances publiques.
L'étude de l'IPP montre que, à l'inverse de la « barémisation » en 2013, la distribution de dividendes a nettement augmenté à partir de 2018. Les dividendes reçus par les ménages sont passés de 28,9 milliards d'euros en 2017 à 37,1 milliards d'euros en 2018. En raison du rebond de la distribution de dividendes, le rendement du PFU a augmenté. Estimé à 2,9 milliards d'euros en 2018, il s'élève finalement à 3,5 milliards d'euros, soit 600 millions d'euros de plus ! L'étude de l'IPP a permis d'isoler l'effet propre du PFU sur la distribution de dividendes, qui dépend également de beaucoup d'autres facteurs.
L'IPP a ainsi réalisé un chiffrage dynamique, c'est-à-dire intégrant les réactions des acteurs. Le PFU, en provoquant un rebond des dividendes, a généré des recettes supplémentaires au titre de l'impôt sur le revenu de l'ordre de 200 millions d'euros, mais aussi au titre des prélèvements sociaux, à hauteur d'environ 300 millions d'euros. Le coût du PFU pour les finances publiques a donc été surestimé de 500 millions d'euros.
Pour ma part, je trouve ces conclusions plutôt encourageantes. Comme la majorité sénatoriale, j'ai voté la mise en place du PFU, qui n'était jamais que le retour à la situation antérieure à 2013.
Je laisse à Vincent Éblé le soin d'évoquer les risques d'optimisation fiscale.