L'instauration du PFU a soulevé la question de l'arbitrage entre la rémunération par le versement de salaires ou de dividendes, en particulier pour les actionnaires-dirigeants qui peuvent piloter leur rémunération. Ce point avait été souligné par l'économiste Gabriel Zucman dans une tribune du journal Le Monde à l'automne 2017. Il estimait que les possibilités d'optimisation fiscale offerte par le PFU risquaient de coûter une dizaine de milliards d'euros par an aux finances publiques. Nous l'avons d'ailleurs auditionné.
L'étude de l'IPP n'a pas permis d'observer un tel phénomène de déplacement des salaires vers les dividendes, faute de données disponibles à ce jour, mais les exemples étrangers montrent que les pays qui ont taxé très différemment les salaires et les dividendes ont tous connu des phénomènes d'optimisation très importants. Or le différentiel de taxation entre les dividendes et les salaires s'accroît fortement en France, du fait de la mise en place du PFU et de la baisse progressive de l'impôt sur les sociétés. Il serait donc quelque peu naïf de penser que la France serait le seul pays à pouvoir échapper à ce risque.
Par ailleurs, je rappelle que l'instauration du PFU profite surtout aux plus hauts revenus. Si nous n'avons pas obtenu les données d'exécution pour 2018 de la part de l'administration fiscale, ce que je regrette, celle-ci nous a fourni une évaluation du gain fiscal par décile de revenu en 2017. On peut y voir que les trois quarts du gain fiscal bénéficient aux 10 % les plus riches !
J'en viens pour terminer à l'efficacité économique de la réforme. Sans surprise, l'étude commandée par le Sénat met déjà en évidence une baisse des fonds propres des entreprises affectées par l'instauration du PFU, soit l'effet inverse de la réforme de 2013. Cette baisse s'explique par le rebond de la distribution de dividendes. Si l'effet sur l'investissement n'a pas encore pu être mesuré, l'évaluation de la réforme de 2013 suggère qu'il pourrait être nul. Toutefois, la Banque de France estime que les ménages devraient réallouer une partie de leur épargne vers les produits de fonds propres. En outre, il est certain que la « flat tax » française permet de s'aligner sur les standards européens en matière de fiscalité des revenus du capital.
J'en viens à nos conclusions et à nos préconisations.
Le rapporteur général et moi-même partageons un vif regret : l'absence de préparation de cette réforme par le Gouvernement. Aucun bilan de la réforme de 2013 n'avait été mené, alors qu'il aurait été riche d'enseignements pour anticiper le coût du PFU. Aucune étude sur les données microéconomiques françaises n'a jamais été réalisée en France pour appréhender les effets économiques de l'ISF.
Ce manque de culture de l'évaluation reporte sur nous, parlementaires, la responsabilité d'exercer avec rigueur et détermination nos pouvoirs de contrôle de l'action du Gouvernement. Or, comme je l'ai déjà relevé, l'administrative fiscale a fait preuve d'un manque de coopération pour nous transmettre les données nécessaires.
Le rapporteur général va maintenant vous présenter les mesures paramétriques que nous proposons d'un commun accord.