Intervention de Albéric de Montgolfier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 9 octobre 2019 à 9h00
Évaluation de la transformation de l'impôt de solidarité sur la fortune isf en impôt sur la fortune immobilière ifi et de la création du prélèvement forfaitaire unique pfu — Communication

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur général :

Ma conclusion diffère évidemment de celle de mon collègue : rétablir un ISF qui n'existe plus que dans trois autres pays serait tout à fait anachronique, d'autant plus que la France cumulerait impôt sur la fortune et taux d'imposition élevé sur les mutations à titre gratuit. Dans les trois pays de l'OCDE où existe encore un ISF, l'impôt sur les successions est soit faible soit inexistant. Dans une économie ouverte, s'isoler serait de la folie. Les départs que causait l'ISF représentaient une perte de recettes fiscales ; à défaut de faire revenir les gens, la disparition de l'ISF a au moins permis d'enrayer les exils.

On peut certes soutenir qu'un tel impôt est avant tout destiné à réduire les inégalités. Mais, en la matière, l'effet de la réforme devra être mesuré après prise en compte de l'effet-retour par la macroéconomie. Et, de ce point de vue, la mise en place de l'IFI pourrait se révéler décevante, au risque de miner l'acceptabilité sociale de cet impôt. Vous vous souvenez que le Président de la République, Emmanuel Macron, avait motivé la création de l'IFI en disant vouloir taxer la rente immobilière et exonérer tout ce qui est productif pour l'économie. Or l'assiette retenue pour l'impôt sur la fortune immobilière apparaît incohérente économiquement, dès lors qu'elle revient à taxer l'immobilier productif, qui contribue à loger des familles, des entreprises, des commerces, et à exonérer, à l'inverse, des actifs qui ne contribuent manifestement pas à la croissance.

À défaut de supprimer totalement l'ISF - le temps politique n'y est pas favorable -, je propose donc de transformer l'IFI en un impôt sur la fortune improductive, dont l'assiette offrirait une vraie cohérence, encourageant les investissements productifs. Concrètement, il s'agirait d'exonérer tout ce qui contribue au financement de l'économie.

Le seuil d'assujettissement serait significativement relevé, afin de tenir compte de l'inflation immobilière. En revanche, on taxerait les liquidités, les biens meubles, les bitcoins, les obligations chinoises, les investissements dans les produits exotiques, etc. Lorsqu'on investit pour loger des personnes ou un commerce, on est taxé ; lorsqu'on investit en bitcoins ou en obligations chinoises, on ne l'est pas. Il faut m'expliquer ! J'aurais donc préféré un impôt dont l'assiette se serait peut-être, certes, réduite d'elle-même, mais qui aurait incité les contribuables à prendre des risques, à ne pas laisser dormir leur argent et à investir dans ce qui contribue à la croissance de la France.

Les enjeux économiques d'une telle réforme sont loin d'être négligeables : les liquidités représentaient par exemple, en 2017, 12 % du patrimoine taxable des redevables de l'ISF déposant une déclaration, soit 75 milliards d'euros susceptibles de « ruisseler » vers l'économie.

En faisant cette proposition, je ne fais que poursuivre, en les prenant au pied de la lettre, les objectifs qui avaient été affichés par le Président de la République lorsqu'il a lancé cette réforme de l'ISF.

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