Intervention de Bruno Retailleau

Réunion du 9 octobre 2019 à 15h00
Politique migratoire de la france et de l'europe — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau :

Une bonne politique ne peut pas non plus se contenter de répondre seulement à la question, sur laquelle j’espère que nous serons tous d’accord : allons-nous laisser se noyer ces pauvres gens, femmes, enfants, vieillards au milieu de la Méditerranée ? Non, la politique ne consiste pas à se contenter de réparer les effets ; il s’agit de traiter directement les causes, le plus possible en amont.

Je vous accorde un satisfecit, monsieur le Premier ministre : vous avez indiqué que vous étiez prêt à corréler une politique humanitaire de développement de l’Afrique avec un effort, par ces pays sources, de maîtrise de leur propre immigration. Il faut bien sûr mettre en œuvre un plan massif de développement de l’Afrique, associant les collectivités, car le regard de territoire à territoire me semble être le plus efficace, mais il faut aussi que nous exigions une conditionnalité, par exemple en matière de laissez-passer consulaires. Les choses doivent être claires : pas de laissez-passer consulaires, pas d’aide au développement !

Une politique migratoire est faite de trois composantes, mes chers collègues : des frontières maîtrisées, des lois appliquées – quand moins de 10 % des déboutés du droit d’asile sont expulsés, peut-on dire que la loi est appliquée ? Non ! – et des valeurs républicaines.

S’agissant, d’abord, des frontières, il me semble que nous avons besoin d’un triple contrôle : le premier se trouve dans la profondeur des pays de transit ou des pays d’origine. Il faut généraliser les hotspots. Plus le contrôle a lieu loin à l’extérieur, moins l’on expose ces gens-là au risque de n’être, au péril de leur vie, que des marchandises humaines pour les trafiquants, ces nouveaux esclavagistes des temps modernes.

Le deuxième contrôle concerne l’Europe, bien sûr, avec Frontex. Dans quelques semaines, nous saurons si la nouvelle Commission va lui accorder de vrais moyens. Vous devez vous battre sur ce sujet-là, madame la secrétaire d’État, c’est très concret.

De même, casser les filières, c’est assumer des actions policières et militaires. Peu d’entre nous, sans doute, savent qu’en juin 2015 l’opération Sophia a été déclenchée par l’Union européenne. Votée par le Conseil, elle disposait de quatre phases pour détruire, y compris par des moyens militaires et jusqu’aux plages des pays de transit, les infrastructures de ces esclavagistes.

Cette opération a dû s’arrêter, mais il faut qu’elle reprenne. S’il en était besoin, et parce que je n’ignore pas les problèmes, notamment internationaux, qui se posent, nous devrions pouvoir saisir le Conseil de sécurité de l’ONU pour obtenir une résolution en matière de lutte contre toutes ces filières.

Enfin, le troisième niveau de contrôle, ce sont nos propres frontières. Schengen autorise, en situation de crise et pour des durées déterminées, le rétablissement des frontières. Nous vivons sous ce régime, pérennisons-le, parce que trois protections des frontières valent mieux qu’une.

La deuxième composante d’une politique migratoire, c’est la bonne application des lois. Monsieur le Premier ministre, il faut, bien sûr, appliquer notre arsenal législatif, mais il faut aussi le revoir de toute urgence, parce que nous sommes désormais en décalage total avec nos grands partenaires européens.

Vous avez lu, j’en suis certain, le petit ouvrage du patron de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, Didier Leschi, qui est un parfait connaisseur du sujet. Il dit tout et vous donnera de nombreux exemples de la Suède à l’Allemagne en passant par beaucoup d’autres pays qui ont fait le job que nous n’avons pas fait.

Vous en appelez à l’Europe, et je suis d’accord pour mettre en place des éléments d’harmonisation, mais pourquoi, par exemple, refusez-vous les quotas en matière de regroupement familial, alors que l’accord de gouvernement du 1er août 2018 de la Große Koalition prévoit 1 000 regroupements pour les réfugiés et pas un de plus ? L’Allemagne peut le faire, pourquoi ne le pouvons-nous pas ? La Suède a emprunté une autre voie, etc.

Notre impuissance est de notre propre fait, ne nous en déchargeons pas sur l’Europe.

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