Intervention de Sébastien Lecornu

Réunion du 10 octobre 2019 à 14h30
Engagement dans la vie locale et proximité de l'action publique — Article 5 A, amendement 827

Sébastien Lecornu :

Ma prise de parole sur l’article vaut présentation de l’amendement n° 827, monsieur le président.

J’étais et je suis toujours, je l’ai dit lors de la discussion générale, un opposant à la loi NOTRe. J’aurais voté contre si j’avais été parlementaire à l’époque. Cependant, quoi que l’on en dise, on ne peut nier qu’elle a commencé à produire du droit depuis son entrée en vigueur.

Comme le souligne le rapporteur Darnaud, nos différences territoriales et nos expériences locales viennent nourrir des positions diverses. Depuis deux ans, au cours de mes déplacements en tant que membre du Gouvernement, j’observe que la vie de l’intercommunalité et le fait régional correspondent à une réalité historique en Bretagne, qu’ils sont envisagés de façon complètement différente en Île-de-France ou, plus douloureusement, comme menaçant la ruralité dans le Lot ou ailleurs. Nous ne trouverons donc pas de consensus sur ce sujet, mais je pense que, chemin faisant, nous pourrons faire converger les points de vue et tenter quelques innovations, pour le moins téméraires, en faisant attention, bien sûr, à ce que nous faisons.

L’idée d’une intercommunalité à la carte est une idée de liberté, qui suscite donc mon intérêt. Néanmoins, gardons-nous de créer en droit des libertés qui soient trop théoriques. C’est tout le problème, nous l’avons vu avec le texte précédent. C’est pourquoi j’ai souhaité avancer sur la question de la délégation pour la compétence eau et assainissement. C’est une innovation dans son genre, parce qu’elle permet d’envisager la différenciation infracommunautaire. On ne peut pas, d’un côté, faire grandir les intercommunalités, et, de l’autre, ne pas prévoir des outils de différenciation infracommunautaire de la gestion de l’eau, par exemple. La question est particulièrement aiguë dans les intercommunalités de montagne, où le mode pertinent de gestion de l’eau en vallée n’est pas forcément le même que sur le col. Dans une même intercommunalité, un syndicat regroupant trois ou quatre communes peut très bien fonctionner depuis cinquante ans dans la vallée tandis que, à côté, des communes ont besoin de la solidarité intercommunale pour assurer cette mission.

Monsieur Darnaud, je vous remercie sincèrement de la manière dont vous avez présenté les choses. Nous n’avons pas encore complètement tiré les conclusions de l’agrandissement des périmètres au regard de l’exercice des compétences, en matière de gouvernance, de prix, de solidarité, etc.

J’ai toujours été fasciné par le triptyque compétences obligatoires, compétences optionnelles – mais finissant par devenir obligatoires - et compétences facultatives. Si je suis attaché à la délégation pour la compétence eau et assainissement, c’est parce qu’il faut pouvoir expérimenter la différenciation au sein de l’intercommunalité. Je vous invite à envisager cette possibilité avec beaucoup de bienveillance.

Que veulent nos collègues élus ? Des 96 heures de grand débat avec le Président de la République, du Congrès des maires et de mes discussions avec les maires de l’Eure, il ressort globalement que les élus souhaitent de la stabilité, tout en appelant à gommer les irritants de la loi NOTRe : ils ne demandent pas de grand soir de la gouvernance, des périmètres ou des compétences, hormis quelques assouplissements pour certaines d’entre elles ; bref, rien de révolutionnaire. Dans le même temps, quand j’échange avec des parlementaires ou certaines associations d’élus, je m’aperçois que, l’examen d’une loi territoriale n’intervenant pas tous les quatre matins, celui du présent texte fournit l’occasion de formuler des propositions. C’est un peu ce qu’a fait la commission des lois du Sénat. L’intervention de grande qualité de Mathieu Darnaud constitue d’ailleurs une forme d’introduction à tous les travaux que nous mènerons ultérieurement sur la décentralisation, la déconcentration et la différenciation. Si le présent texte concerne avant tout le bloc communal, il va sans dire que la grande loi à venir sur les compétences, dont la discussion conduira à s’interroger sur les rôles de l’État, de la région et du département, aura forcément un impact sur les compétences du bloc communal. Sinon, cela signifierait que cette loi de décentralisation ne concernerait que les régions, les départements et les métropoles, à l’exclusion du bloc communal ; il n’en est bien sûr pas ainsi.

Cette demande de stabilité vaut pour les plans politique et institutionnel, mais aussi pour l’aspect financier. À l’époque de l’élaboration de la loi NOTRe, j’étais président de conseil départemental, et donc membre de l’Assemblée des départements de France, l’ADF. Je trouve assez fascinant que, lors des débats, on se soit posé beaucoup de questions sur les aspects institutionnels, mais aucune sur l’impact financier ! Il semble d’ailleurs que, bien souvent, commission des lois et commission des finances ne se parlaient pas suffisamment. Lors de l’examen du projet de loi de finances, des dispositions orthogonales à celles relatives aux compétences introduites dans la loi NOTRe ont ainsi pu être adoptées… On y reviendra tout à l’heure à propos du CIF : ce ne sont pas des questions à prendre à la légère. En effet, si la liberté politique que l’on donne d’un côté se traduit de l’autre par des bouleversements financiers, il faut savoir l’assumer collectivement ! Il ne m’a pas échappé que la DGF a beaucoup bougé à la suite des évolutions de périmètres des EPCI consécutifs à l’entrée en vigueur de la loi NOTRe, le critère de richesse variant en conséquence, mais qu’il n’y avait plus grand monde ensuite pour défendre le dispositif, bien que les mêmes critères s’appliquent depuis quarante ans…

Je fais de la pédagogie pour m’assurer que nous nous entendons bien, collectivement, sur ce que nous faisons, y compris en matière financière. Peut-être aurais-je d’ailleurs dû être auditionné également par la commission des finances.

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