Intervention de Gilbert-Luc Devinaz

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 9 octobre 2019 à 9h00
Projet de loi autorisant l'approbation du protocole entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république de djibouti relatif aux compétences de la prévôté sur le territoire de la république de djibouti — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Gilbert-Luc DevinazGilbert-Luc Devinaz, rapporteur :

Monsieur le Président, Mes chers collègues.

Nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant l'approbation du Protocole entre la France et Djibouti relatif aux compétences de la prévôté sur le territoire de la République de Djibouti. C'est le seul protocole de ce genre signé par la France.

À titre liminaire, rappelons ce qu'est la prévôté : il s'agit d'un service de la gendarmerie, institué auprès des forces armées françaises hors du territoire national, à la demande du ministère des armées - ici, à Djibouti -, pour l'exercice, sous la direction des magistrats des formations spécialisées du tribunal de grande instance de Paris, d'une mission de police judiciaire militaire - constatation des infractions commises par ou contre les forces armées, rassemblement des preuves et recherche des auteurs -. La prévôté exerce également une mission de police générale militaire pour assurer le bon ordre et la sécurité des forces. Elle apporte un appui à la force pour sécuriser des événements majeurs des forces françaises. Elle participe à la mission de renseignement pour préserver la sécurité des militaires et des emprises françaises.

Actuellement 33 prévôts sont déployés par la France à l'étranger dans des détachements permanents - outre Djibouti, il y en a, par exemple, aux Emirats arabes unis, au Gabon, au Sénégal, en Côte d'Ivoire et en Allemagne - et 28 dans des théâtres d'opérations extérieures pour des missions de 4 mois - par exemple au Sahel, en Centre-Afrique et en Jordanie. Depuis l'indépendance de Djibouti en 1977, un officier et six gradés de gendarmerie y sont affectés pour des missions de trois ans. En 2018, la brigade a constaté 46 crimes et délits, dont 26 atteintes aux biens et 12 atteintes aux personnes. En 2017, 46 accidents de la circulation ont été constatés et 69 procédures de renseignement judiciaire établies. Globalement, le nombre d'enquêtes décroît en raison de la réduction des effectifs français en mission de longue durée et des campagnes de sensibilisation.

S'agissant du contexte géopolitique, je ne reviendrai pas sur notre rapport sur Djibouti présenté l'année dernière, si ce n'est pour rappeler que la France entretient une relation ancienne et privilégiée avec Djibouti, dont le Français reste une des langues officielles. Sa situation au carrefour de l'Ethiopie, de la Somalie et de l'Erythrée en fait la porte d'entrée de l'Afrique de l'Est et un point de contrôle idéal du détroit stratégique de Bab-el-Mandeb par lequel transite la quasi-totalité du trafic commercial entre l'Asie et l'Europe. Les forces françaises basées à Djibouti (FFDJ) depuis 1977 représentent la première base de pré-positionnement de l'armée française avec 1 450 hommes répartis, pour moitié, entre missions pluriannuelles de longue durée et missions de courte durée de 4 mois. Compte tenu de l'intérêt géostratégique de Djibouti, il y a également une base militaire américaine , une base chinoise ainsi qu'une base japonaise. Portant son projet des routes de la soie, la Chine a largement financé les infrastructures portuaires et ferroviaires de Djibouti dont le remboursement des prêts s'annonce compliqué en dépit d'un moratoire obtenu jusqu'à 2020. La Chine est le principal créancier de Djibouti.

S'agissant du contexte juridique : ce protocole de 2017 actualise le protocole de 1980 sur les compétences de la prévôté à Djibouti, en conformité avec le nouveau traité bilatéral de coopération en matière de défense, signé en 2011 et en vigueur depuis 2014, en particulier son article 16, qui donne à la France la priorité de juridiction pour connaître de toutes les infractions résultant de tout acte d'un membre du personnel français commis en service ou à l'occasion du service, des infractions portant atteinte exclusivement à la sécurité ou aux biens de l'Etat français ou aux biens ou à la personne d'un membre des forces armées françaises ainsi que des infractions commises par les membres des forces françaises au sein des installations mises à disposition des autorités françaises. Par accord tacite entre les Parties, le mécanisme d'abrogation de tous les accords antérieurs n'a pas été appliqué au Protocole de 1980 mais a accéléré sa révision.

Ce protocole précise la répartition des compétences entre la prévôté et la police ou la gendarmerie djiboutienne pour la poursuite des infractions rendant leurs auteurs justiciables des juridictions françaises : la prévôté a la charge d'assurer la mission de police judiciaire avec le concours des autorités djiboutiennes, sauf à agir seule lorsque l'infraction a été commise par un militaire français ou l'un de ses ayants droit dans le périmètre des installations françaises. Le protocole distingue les cas du crime ou du délit flagrant selon qu'il est commis dans les installations françaises par un auteur relevant de la compétence des juridictions djiboutiennes - la prévôté prend alors toutes les mesures conservatoires (garde à vue, conservation de preuves) - ou hors des installations par un auteur relevant des juridictions françaises - la police ou la gendarmerie djiboutienne prend dans ce cas toutes les mesures conservatoires -, chaque autorité informant l'autre. Hors ce cas, tout justiciable des juridictions françaises ne peut être arrêté que par la prévôté, sauf demande contraire des autorités françaises. Si un membre du personnel est poursuivi pour des infractions multiples relevant des juridictions françaises et des juridictions djiboutiennes, il relève de l'autorité judiciaire compétente pour l'infraction dont la sanction est la plus lourde au regard du droit français. Le protocole précise également les modalités d'instruction des plaintes et des dénonciations, de communication des mandats et citations de justice, de transmission et d'exécution des commissions rogatoires. IL raccourcit certains délais en vue d'accélérer les enquêtes.

Outre les stipulations relatives aux accidents de la circulation mettant en cause les membres du personnel et aux accidents survenant à des aéronefs militaires français, le protocole traite de la mission de police générale militaire de la prévôté afin d'assurer la sécurité des forces françaises stationnées, en précisant son degré de coopération avec la police ou la gendarmerie djiboutienne. La prévôté a également pour mission de contrôler le comportement et la discipline des forces françaises en dehors des installations françaises, notamment par des patrouilles mixtes avec la police ou la gendarmerie djiboutienne - et de contrôler les véhicules des forces françaises en cas de déplacement en dehors des installations, y compris lors d'exercices par voie terrestre - respect du code de la route et des décisions de police de la circulation militaire. En 2017, 16 militaires ont été mis en cause dans des procédures délictuelles de conduite sous l'emprise d'un état alcoolique.

En conclusion, je recommande l'adoption de ce projet de loi. Sur le fond, ce nouveau protocole consolide le cadre juridique de l'exercice des missions des prévôts prévu par le protocole de 1980. Il permettra d'améliorer une coopération institutionnelle déjà très satisfaisante, tant du point de vue de la coordination des investigations que de la réciprocité des échanges d'informations directement entre les services d'enquête. Le processus de ratification est toujours en cours côté djiboutien.

L'examen en séance publique est prévu le jeudi 17 octobre 2019 selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.

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