Intervention de Yann de Prince

Délégation aux entreprises — Réunion du 8 octobre 2019 à 15h00
Audition de M. Yann de Prince président de kosc et de M. Antoine Fournier directeur général

Yann de Prince, président de KOSC :

Je vous remercie, Mme la présidente, pour ce propos introductif qui rappelle bien la manière dont la Délégation que vous présidez s'est saisie du sujet de la numérisation des entreprises dès le mois de juin de cette année, avec M. Patrick Chaize. Je vous remercie également pour la suite que vous donnez à ce rapport. Il a permis à des acteurs éloignés d'un sujet souvent traité de manière secondaire par la régulation - d'où ce retard que vous évoquez -, de prendre conscience de son importance et de se mobiliser aujourd'hui, afin de mener à bien l'ouverture du marché conçue par les pouvoirs publics et les autorités de régulation en 2014, ainsi que vous l'avez exposé.

Le 23 juillet 2019, avec tous les actionnaires de KOSC, nous avions prévu d'apporter des capitaux supplémentaires à l'entreprise, pour un montant de 10 millions d'euros. Sans permettre d'atteindre l'équilibre d'exploitation, ces capitaux devaient nous donner le temps de trouver des acteurs financiers pour nous accompagner. La direction générale de la Banque des Territoires s'est pour sa part ravisée. Elle nous a appris que le mécanisme imaginé avec ses services pour l'augmentation de capital ne lui convenait pas dans sa répartition. En conséquence, les autres actionnaires ont suspendu leur propre contribution.

Dans l'intérêt de l'entreprise et de son objet social, nous avons mené des discussions pendant tout le mois d'août avec la Banque des Territoires pour trouver un consensus. Malgré nos différentes concessions, nous nous sommes vus opposer une fin de non-recevoir. En l'absence d'augmentation de capital, l'entreprise KOSC se trouvait contrainte d'envisager sa liquidation judiciaire ou sa cession pour l'euro symbolique. Au risque de vous surprendre, peut-être cette situation n'aurait-elle pas déplu à une partie de nos actionnaires.

L'entreprise n'ayant pas encore atteint l'équilibre d'exploitation, ne pouvant donc en principe pas convaincre le tribunal de sa capacité à poursuivre son activité, la logique commandait en effet que nous procédions, non à une cessation de paiement, mais à la liquidation pure et simple. J'ai pris seul l'initiative d'un schéma différent, permettant de préserver l'intérêt social de l'entreprise en nous inscrivant dans un cadre légal.

Le processus que j'ai engagé ouvre à l'entreprise un délai fort bref, de deux mois, pour essayer de surmonter ses difficultés. J'y voyais plusieurs mérites. Outre celui d'éviter la liquidation immédiate, elle créait, sous le contrôle d'autorités compétentes, un contexte qui favorisait la reprise des échanges entre les actionnaires.

Bien que le processus que j'ai engagé soit en cours, il est vrai que les fonds manquent toujours à l'entreprise qui a vu sa situation s'aggraver par la décision de l'ADLC, puisque cette dernière a conduit à un « déchaînement » de SFR ; sur lequel je reviendrai. En définitive, la situation de KOSC est aujourd'hui simple : soit dans les prochaines semaines, les actionnaires seront suffisamment convaincus et décideront d'apporter les fonds suffisants permettant à l'entreprise de retrouver une certaine marge de manoeuvre, nécessaire à la mise en place d'une solution pérenne, soit l'entreprise sera liquidée ou cédée.

Ainsi grâce à cette démarche initiée par mes soins dès le 3 septembre 2019, et en accord avec l'ensemble des actionnaires, nous avons confié un mandat à la banque d'affaires Rothschild, à l'effet de trouver des investisseurs ou tout partenaire qui pourraient contribuer à sauver ou reprendre l'entreprise. En dépit d'une situation des plus défavorables, malgré l'urgence dans laquelle il est demandé à ces possibles partenaires de se positionner, seize se sont d'ores et déjà manifestés par le biais d'un espace numérique dédié, ou data room. Il s'agit majoritairement de partenaires industriels. Six d'entre eux, parmi les opérateurs les plus connus à l'exception d'Orange et de SFR, ont avancé des offres de principe, dont certains en valorisant l'entreprise de manière significative. Ces offres ouvrent à des discussions plus avancées.

Je fonde l'espoir que la mission que vous conduisez contribuera à ce que nous prenions un nouvel élan. Compte tenu de la situation difficile de la société KOSC peut-être lui permettra-t-elle de se remobiliser avec ses actionnaires et, au-delà, de mobiliser son environnement réglementaire, vital pour elle. Nous avons besoin de la combativité des régulateurs, ou plutôt de son retour.

Mon expérience des télécommunications remonte à 1995. J'ai participé à l'ouverture du marché à la concurrence sur le territoire de La Réunion. Elle a demandé des années d'efforts. Il a fallu saisir à plusieurs reprises les deux autorités de régulation compétentes. Si l'entreprise que je dirigeais alors a réussi à perdurer et à se développer sur ce territoire, elle le doit à l'intervention de la régulation qui a joué son rôle d'arbitre. Nous aurions aimé qu'elle en fît autant pour KOSC.

Cette entreprise possède un capital de 23 millions d'euros. Sa création visait à ouvrir un duopole constitué d'Orange et de SFR. À l'évidence, face à de tels acteurs, la possibilité de subsister est des plus faibles sans un arbitre particulièrement motivé, rigoureux, vigilant et constant dans ses décisions. Lors de la constitution de KOSC, je n'avais donc pas manqué de rencontrer le président de l'Autorité de la concurrence d'alors, M. Bruno Lasserre, pour m'assurer de sa détermination dans les choix qu'il portait avec cette ouverture à la concurrence.

De notre point de vue, la régulation concurrentielle n'a pas joué comme elle l'aurait dû. Si la décision rendue n'a pas à être commentée, des faits méritent néanmoins d'être relevés. Notre entreprise a par exemple connu une situation de comptes bloqués pendant cinq mois sans que cette situation ne provoque la moindre réaction. Or l'engagement d'Altice consistait notamment à ne pas entraver l'émergence d'un concurrent.

Si le régulateur des télécommunications s'est montré actif au lancement de KOSC, sa détermination et son message sur son soutien à l'ouverture du marché de la numérisation des entreprises se manifestent moins clairement depuis plusieurs mois.

L'investissement public s'avère de même nécessaire. Il s'inscrit dans la durée, ce qui ne correspond pas toujours à la vision des autres partenaires financiers. Le renoncement de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), exprimé au mois d'août dernier, tient en partie à l'incertitude de voir des investisseurs s'engager et, par conséquent, à la crainte de perdre les fonds qu'elle avancerait. Il me semble désormais difficile de continuer à soutenir ce raisonnement. Des investisseurs se sont présentés, ils ont révélé la valeur et l'intérêt de l'actif de KOSC.

Les semaines à venir offrent l'occasion d'apporter les fonds nécessaires à la continuation de notre activité. Il convient de profiter de la situation pour proposer également une solution de restructuration à même de garantir le maintien de cette activité sans nouvel écueil à court terme. Notre objectif est de poursuivre notre développement sans avoir à revivre une situation similaire, jusqu'à atteindre notre point d'équilibre, dans les deux années à venir. Dans l'immédiat et durant cette période, j'estime décisif le rôle de la Banque des Territoires.

Pour vous représenter les forces en présence, je préciserai certaines valeurs chiffrées. La Banque des Territoires a déjà apporté 20 millions d'euros en 2018 lorsque nous avons conclu un accord avec Orange pour accéder à sa fibre optique. Je suis l'auteur du deuxième plus important apport, produit de la vente de ma précédente entreprise, à hauteur de 7,5 millions d'euros. OVH a contribué pour 2 millions d'euros, mais détient 40 % du capital de l'entreprise en contrepartie de l'engagement de long terme qu'elle a pris d'en être la cliente. OVH représente ainsi aujourd'hui 90 % du chiffre d'affaires de KOSC. La Banque publique d'investissement (BPI) a apporté 4,5 millions d'euros. Viennent ensuite des actionnaires minoritaires, pour un total de 4 millions d'euros.

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