Madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, chère Annick Billon, Madame la Haute fonctionnaire à l'égalité des droits au ministère des outre-mer, mes chers collègues, je tiens d'emblée à vous remercier toutes et tous pour votre présence. Je remercie tout particulièrement la présidente de la délégation aux droits des femmes, avec laquelle nous avons pris l'habitude de travailler de manière conjointe sur des sujets communs, d'avoir accepté cette audition un peu particulière - je ne sais pas exactement, en effet, qui auditionne qui ce matin : auditionnons-nous Mme Rusnac, ou sommes-nous auditionnés par elle ?
La délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes a bien voulu s'associer aux échanges sollicités par le ministère des outre-mer en vue d'un Grenelle spécialement dédié aux outre-mer dont nous avons appris la tenue, tout récemment, à l'occasion d'une séance de questions au Gouvernement organisée à l'Assemblée nationale le 10 septembre dernier.
Nous savons que la délégation aux droits des femmes du Sénat travaille depuis plusieurs années sur ce sujet des violences et qu'elle a produit des études de fond, dont un remarquable rapport en 2018, comprenant un diagnostic précis assorti de nombreuses propositions, y compris pour les outre-mer, intitulé Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société. Avec le soutien de nos collègues membres des deux délégations - je pense en particulier à Victoire Jasmin, à Nassimah Dindar, à Viviane Malet et à Guillaume Arnell -, nous avons entamé une collaboration fructueuse entre nos délégations, dont je rappelle qu'elle a donné lieu à plusieurs opérations communes qui ont eu un large écho.
Au cours de l'année 2019, nous avons en effet organisé conjointement, le 20 février, en prélude à la journée internationale des droits des femmes du 8 mars, un grand colloque au Sénat sur le rôle et la place des femmes dans la vie économique et entrepreneuriale des Outre-mer. Cette initiative a mis en lumière l'importance de l'entrepreneuriat féminin dans les territoires ultramarins en tant que levier de développement, de croissance et d'innovation, mais aussi comme source d'émancipation.
Dans le prolongement de l'enquête Violences et rapports de genre (Virage) concernant la métropole, nous avons auditionné ensemble, le 4 juillet 2019, Mmes Stéphanie Condon, responsable scientifique de l'enquête Virage dans les outre-mer (Virage Dom), et Justine Dupuis, chargée d'études à l'Institut national d'études démographiques (INED), sur les résultats pour La Réunion de l'enquête Virage Dom relative aux violences envers les femmes dans les espaces publics, au travail et dans les couples.
À la suite de cette audition très riche au cours de laquelle de nombreux collègues sont intervenus pour dire combien ce problème leur tenait à coeur, nous avons décidé de reprogrammer une audition sur les résultats de l'enquête Virage aux Antilles (Guadeloupe et Martinique) en fin d'année.
Je tiens donc à souligner que les délégations du Sénat n'ont pas attendu l'annonce gouvernementale pour se saisir de cette question qui présente dans nos territoires - il faut l'admettre - des spécificités, ne serait-ce que, par exemple, lorsque sont évoquées des mesures d'éloignement pour un conjoint violent. Comment fait-on, en pratique, sur nos îles ?
Nos auditions nous ont permis, entre autres, de constater que les connaissances dans ce domaine restent lacunaires. Les éléments statistiques manquent pour certains territoires. En outre, les données collectées doivent être replacées dans le contexte de chaque territoire, en tenant compte des niveaux de vie, des différences culturelles, des défis de la modernité dans des sociétés traditionnelles, etc. Elles nous ont aussi permis de comprendre combien il est essentiel d'apporter un suivi et un soutien aux acteurs de proximité qui travaillent auprès de femmes et de familles entières vivant des situations absolument dramatiques.
En conséquence, nous ne pouvons que nous féliciter de la volonté affichée par Mmes Marlène Schiappa et Annick Girardin de faire un focus sur les Outre-mer, même si nous attendons avant tout davantage d'actes et de moyens concrets. Beaucoup de préconisations existent déjà sur le volet ultramarin - je pense par exemple au rapport Combattre les violences faites aux femmes dans les Outre-mer réalisé au nom du Conseil économique, social et environnemental (CESE) par Mme Ernestine Ronai et M. Dominique Rivière, que nous avions également auditionnés en 2018.
Vous l'avez compris, Madame Michaëla Rusnac, nous sommes heureux de vous accueillir ce matin pour recueillir des précisions sur le futur Grenelle : calendrier, participants, démarche, etc.
Je précise à l'intention de nos collègues que vous avez été nommée Haute fonctionnaire à l'égalité des droits au ministère des outre-mer en 2016. Après une carrière dans le secteur pharmaceutique, vous êtes désormais cheffe du bureau de la cohésion sociale, de la santé et de l'enseignement, chargée de la lutte contre les discriminations, de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les violences faites aux femmes. Votre mission consiste notamment à « élaborer et à piloter le volet ultramarin des différents plans de santé publique et des stratégies nationales en matière de protection sociale, de cohésion sociale, de jeunesse et de sport ».
Autant dire que nous sommes curieux de connaître le dispositif prévu par le groupe de travail que vous animez en vue du Grenelle.
Avant de vous entendre, Madame Rusnac, je cède la parole à Annick Billon.