Mesdames, messieurs les sénateurs, je vais d'abord vous présenter ma démarche ; je vous expliquerai ensuite la nature du travail que nous sommes en train de réaliser dans le cadre du Grenelle, avant un temps d'échanges.
Haute fonctionnaire à l'égalité du ministère des outre-mer, je suis en outre chargée, au sein de ce ministère, de la santé, de la cohésion sociale, de l'éducation, du sport et de la culture. Ma démarche - j'en suis tout à fait consciente - est inhabituelle : j'ai moi-même sollicité cette audition, ce qui n'est pas classique. Mais j'avais peu de temps pour élaborer des propositions, et, compte tenu de la gravité de la situation, cette méthode me paraissait justifiée. Je souhaite en effet, grâce à vos témoignages, faire remonter des propositions différentes de celles que nous connaissons déjà.
Les chiffres incitent à une réflexion spécifique dans les Outre-mer, compte tenu de la géographie, de certains aspects culturels et d'une précarité qui se manifeste, dans ces territoires, de manière particulière. Je souhaite mener cette réflexion sans stigmatiser, en recherchant des solutions innovantes. Ma volonté est notamment de faire partager les idées portées par les femmes ultramarines, qui sont nombreuses, par exemple, à être entrepreneures, et ont toute leur place dans la société.
Le Grenelle des violences conjugales a été lancé le 3 septembre dernier par la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations; dix groupes de travail ont été mis en place au niveau national, et j'ai été chargée, il y a dix jours, de piloter le groupe de travail dédié aux outre-mer.
En plus du travail de ces groupes de travail nationaux, une dynamique territoriale a été engagée : des actions sont organisées avec les parties prenantes dans les différents départements, pilotées par les préfets et les directions régionales aux droits des femmes et à l'égalité (DRDFE).
Je cite les thématiques retenues : violences intrafamiliales et impact sur les enfants, accueil au commissariat et en gendarmerie, éducation et prévention, outre-mer, santé, handicap, monde du travail, hébergement, coopération entre les numéros 115 (hébergement d'urgence) et 3919 (violences sexuelles et sexistes), justice, violences psychologiques et emprise.
Le groupe de travail « outre-mer » est composé de représentants des ministères de l'intérieur et des droits des femmes, d'Ernestine Ronai, au titre du CESE, de Stéphanie Condon, de l'INED, de représentants de la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof), qui réalise des outils à destination des professionnels, d'une sociologue et d'un médecin urgentiste exerçant à Mayotte.
Ce groupe constitutif se réunira à quatre reprises, à raison d'une fois par semaine. Chacune de ses réunions portera sur une thématique différente.
La première réunion a concerné la libération de la parole, la prévention et l'éducation. L'objectif était de recueillir des données, de proposer des solutions et de retenir des expérimentations intéressantes. Le deuxième atelier se tiendra demain et portera sur le parcours des victimes et leur prise en charge. Le troisième concernera la communication, la mobilisation et la sensibilisation dans les outre-mer et le quatrième, les représentations genrées, les stéréotypes et l'environnement socioculturel.
Ces différentes réunions auront lieu d'ici au 16 octobre. Nous organisons également un nombre important d'auditions. À cet égard, nous sommes évidemment ouverts à toute suggestion : n'hésitez pas à nous communiquer le nom de toute association qui pourrait nous faire remonter du terrain des informations intéressantes. C'est aussi pour cela que je viens au-devant de vous aujourd'hui.
Nous devons rendre notre copie pour le 29 octobre.
Nous devons définir des propositions sur le plan institutionnel, indépendamment de l'aspect financier. Il s'agit de collecter des idées innovantes ou de suggérer l'adaptation de dispositifs existants. Je pense par exemple au numéro 3919, qui fonctionne de manière insatisfaisante dans les outre-mer, aussi bien pour des raisons d'horaires, de barrière de la langue que de qualité des réseaux.
Mon rôle est également de veiller à la prise en compte des spécificités ultramarines pour toutes les mesures nationales qui résulteront de ces travaux.
Je vais vous présenter ce qui a émergé de la première réunion, même si ces idées ne sont pas, à ce stade, validées.
Les statistiques émanant des services de police ou de gendarmerie présentent le même niveau de précision pour les outre-mer et la métropole. S'agissant des enquêtes de victimation (Virage Dom), comme celle qu'a réalisée l'Institut national d'études démographiques (INED) pour La Réunion, les données ne sont pas entièrement stabilisées et ne concernent pas les seules violences conjugales. Nous disposerons d'informations en automne pour ce qui concerne la Guadeloupe et la Martinique.
La première réunion a également permis de mettre en évidence un certain nombre de freins et de difficultés et de recenser des bonnes pratiques, de définir des objectifs et de faire des propositions.
Ces propositions - dénuées d'aspect financier, conformément à ce que l'on nous a demandé - sont notamment les suivantes : mieux faire connaître les observatoires des violences, qui existent d'ores et déjà sur la plupart des territoires ; créer des « Maisons des femmes », à l'instar de celle qui existe à Saint-Denis, avec des idées de financement originales ; maintenir les structures telles que les Comités locaux d'aide aux victimes (CLAV), avec une animation territoriale ; valoriser et renforcer le rôle des directions régionales aux droits des femmes et à l'égalité, qui exercent aujourd'hui un travail important de pilotage avec peu de moyens ; renforcer la formation des professionnels de santé, qui sont les premiers interlocuteurs des victimes, susceptibles de permettre la libération de leur parole ; mener une sensibilisation dans les écoles ; intégrer dans la formation des enseignants la sensibilisation aux violences ; identifier des personnes capables d'intervenir dans les médias pour diffuser des messages de sensibilisation ; responsabiliser l'entourage, en lui permettant de porter plainte à la place des victimes.
Des arbitrages politiques sur ces propositions seront rendus par le Gouvernement en vue de la tenue, le 25 novembre, de la conclusion du Grenelle des violences conjugales.