Les chiffres des violences conjugales sont connus, grâce à l'enquête Violences et rapports de genre, dite « enquête Virage ». Comme mes collègues pour ce qui concerne leur territoire, je dispose de chiffres précis sur ces violences à La Réunion.
Madame Rusnac, les présidents respectifs des deux délégations pourraient-ils être intégrés à ce groupe de travail ? Ce serait intéressant, car ils entendent la parole des parlementaires ultramarins, qui font eux-mêmes remonter les préconisations des associations sur le terrain. Beaucoup d'entre nous ont exercé des mandats locaux et ont été confrontés à ces difficultés.
J'ai moi-même participé au Grenelle des violences conjugales organisé à la préfecture de La Réunion le même jour que le Grenelle national.
À La Réunion, la parole est d'ores et déjà libérée. Elle l'est au sein de la sororité, des cellules, des villages... Quand une femme ou un enfant est battu, tout le monde le sait ! L'augmentation du nombre de mains courantes montre aussi que la libération de la parole atteint le parcours judiciaire.
Quand j'étais présidente du conseil départemental de La Réunion, j'ai interpellé Jean-Louis Borloo, alors ministre de l'Emploi, du travail et de la cohésion sociale, pour que La Réunion puisse bénéficier du plan de cohésion sociale. Dans ce cadre, j'ai mis en place, au conseil départemental, un plan contre les violences familiales et conjugales. J'ai organisé la présence de quatre assistants sociaux au sein des gendarmeries depuis 2007. Quand le plan est arrivé à échéance, l'État a décidé que le maintien de ces personnels serait financé à parité, entre l'État et le conseil général. J'ai également mis en place une permanence téléphonique, prise en charge par le département, qui fonctionnait 24 heures sur 24. Avec l'arrêt des financements liés au plan de cohésion sociale, cette permanence a disparu. Or le 3919 ne correspond absolument pas à la demande des ultramarins.
La parole des soeurs circule. J'ai créé il y a six mois un groupe Facebook intitulé « Soeurs du 974 ». En une semaine, 1 800 personnes s'y sont inscrites.
Toutefois, si la parole est libérée, on constate que les plaintes sont souvent retirées. En effet, il existe deux freins en outre-mer aux suites des dépôts de plainte : la précarité financière des familles et l'exiguïté du territoire. Tout le monde est au courant quand une femme porte plainte contre son conjoint. Elle se met à dos le conjoint et sa famille. Or sur une île comme Mayotte, tout le monde est de la même famille ! Si le conjoint violent va en prison, la femme doit trouver un emploi. Elle est obligée de quitter son foyer - parfois son logement social, alors qu'il y a 18 000 demandes de logement social en attente à La Réunion. Les enfants sont contraints de changer d'école.
Le département prend en charge les femmes qui portent plainte durant quatre mois : si elles n'ont pas trouvé d'emploi à l'issue de ce délai, elles sont obligées de revenir à la case départ, avec les risques évidents qu'elles courent dans leur foyer. Faute de moyens, elles ne sont pas accompagnées comme elles le devraient. Ce sont les conjoints violents qui devraient quitter le domicile conjugal et aller dans les centres d'hébergement, pas la femme et les enfants !
Au demeurant, les conjoints organisent leur domination en touchant eux-mêmes les allocations familiales. En attendant de voir leurs droits reconnus par la Caisse d'allocations familiales (CAF), les femmes qui portent plainte doivent solliciter des aides du conseil départemental ou du Centre communal d'action sanitaire et sociale (CCAS) : des démarches longues pour des sommes modiques. C'est la galère ! Certaines sont obligées de se réfugier en métropole.
Je ne nie pas qu'il faille prévoir des mesures de nature institutionnelle, mais il faut tout d'abord changer de braquet. À cet égard, la CAF est un interlocuteur majeur. Nous devons y réfléchir de manière globale, par exemple lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Sans une volonté très ferme, les femmes victimes de violences ne s'en sortiront jamais. Pour elles, c'est la triple peine !
Les choses n'avancent pas. On tourne en rond parce qu'on n'a pas compris la réalité de la circularité dans les territoires ultramarins, où tout le monde connaît tout le monde, et où les femmes ne peuvent pas trouver d'emploi, avec un taux de chômage qui dépasse 40 % chez les moins de trente ans.
Madame Rusnac, associez les présidents de nos deux délégations à votre groupe pour qu'ils puissent porter à votre connaissance ce que nous leur faisons nous-mêmes remonter.