Intervention de Gilles Roussel

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 9 octobre 2019 à 9h35
Audition de M. Gilles Roussel président de la conférence des présidents d'université cpu

Gilles Roussel, président de la Conférence des présidents d'université :

La CPU aussi. J'ai longuement discuté de cette question avec les membres de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale. Il en va de la défense de la francophonie !

Toujours sur le plan international, nous avons des éléments très positifs : seize établissements français engagés dans quatorze des dix-sept alliances sélectionnées par la Commission européenne ont été retenus. Ces résultats font de la France le premier bénéficiaire de cette initiative, devant l'Allemagne - et, bien sûr, le Royaume-Uni, marginalisé par le Brexit.

Plusieurs autres réformes vont nous animer en cette rentrée, notamment celle du premier cycle des études en santé qui a pour objectifs le décloisonnement des études de santé grâce à une meilleure articulation entre les différents parcours disciplinaires, et la diversification des profils des étudiants recrutés avec la fin de la sélection par concours. Dès la rentrée 2020, nous mettrons en place le nouveau dispositif. La CPU a toutefois identifié trois points de préoccupation : la mise en oeuvre doit être faite très rapidement, le budget spécifique de 6 millions d'euros est insuffisant, et un nombre important d'étudiants non retenus en études de santé devront être orientés vers des filières dont beaucoup - comme le droit - sont déjà en tension.

Bref, nos objectifs sont nombreux. Pour les atteindre sereinement, il nous faut un accompagnement, un engagement de l'État.

Les contrats de plan État-région (CPER) à venir ont vu leurs modalités fixées par une lettre très récente du Premier ministre. Le montant alloué sera d'1,4 milliard d'euros, dont 24 millions d'euros pour la vie étudiante et 260 millions d'euros pour la recherche, soit un montant à peu près identique à celui des CPER en cours - mais pour une année supplémentaire. Le délai de réponse est particulièrement contraint, puisque nous devons faire remonter les projets avant la fin d'octobre 2019, or ils ne sont pas totalement finalisés. Si la CPU est attachée au principe même des CPER, qui sont des instruments structurant du lien entre universités et régions, associant le cas échéant d'autres collectivités territoriales, l'absence de stratégie patrimoniale et de vision de long terme, alors même que la situation financière des universités est fragile, pose problème. Soyons clairs : les CPER ne permettront pas de rénover les campus à la hauteur des ambitions nationales, notamment d'un point de vue environnemental. Nous regrettons que dans le PLF ne figure aucune mesure pour accompagner véritablement les établissements d'enseignement supérieur et de recherche dans la rénovation énergétique de leur patrimoine, qui représente un tiers de l'immobilier de l'État. Je pense notamment au droit à l'emprunt ou à des fonds d'amorçage.

J'en viens à la réforme du crédit d'impôt sur le mécénat d'entreprise. Le mécénat permet aujourd'hui aux universités, grâce à leurs fondations, de développer des partenariats avec le monde socio-économique et de financer des projets importants : chaires, projets de recherche, formations innovantes, bourses et équipements. Les entreprises représentent 87 % du financement des fondations des universités. Le projet de réforme risque de couper les ailes d'une dynamique naissante - la plupart des fondations ont été créées depuis 2009 - et va à l'encontre des actions en cours visant à diversifier les ressources des universités. La CPU appelle donc à prévoir une exception à cette mesure pour l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation - et nul doute que la culture soit aussi concernée.

Le programme 150 porte la quasi-totalité de la subvention pour charges de service public versée aux établissements d'enseignement supérieur. L'absence de prise en compte, dans le budget, des effectifs supplémentaires d'étudiants, alors même que ceux-ci sont prévus et prévisibles, conduit à fragiliser fortement les universités françaises. Entre 2011 et 2018, si le montant global a augmenté, l'accroissement des effectifs fait que le budget annuel investi par l'État pour chaque étudiant a diminué, passant d'environ 11 106 euros à un peu plus de 10 330 euros par an, soit 800 euros de moins par étudiant. L'État fait ainsi supporter depuis 2011 l'accroissement des effectifs étudiants au budget de fonctionnement des universités. Et la dépense moyenne par étudiant à l'université est plus basse que la moyenne des pays de l'OCDE.

Les moyens supplémentaires dont bénéficieront les établissements en 2020 s'élèvent à 160 millions d'euros. Ils doivent financer le plan étudiant et la loi ORE, la réforme des études de santé ou encore les mesures relatives à la masse salariale, qu'elles correspondent à des mesures nouvelles ou qu'elles soient tendancielles. Les coûts supplémentaires que les universités vont devoir assumer seront supérieurs d'un peu moins de 100 millions d'euros à cette augmentation. En effet, la CPU a évalué à plus de 250 millions d'euros les besoins des universités pour mener à bien leur mission de service public dans des conditions déjà tendues.

En 2020, le Gouvernement prévoit une hausse de 1,17 % du budget des universités sans compter l'inflation. Il attribue 142,5 millions d'euros aux crédits de la mission interministérielle « Recherche et Enseignement supérieur » pour financer spécifiquement le Plan Étudiant, dont 43 millions d'euros pour la réussite étudiante ; 50 millions d'euros pour le dispositif « Parcours professionnels, carrières et rémunération » et la reconnaissance de l'investissement pédagogique des enseignants-chercheurs ; 50 millions d'euros sont aussi prévus pour financer le dialogue stratégique et de gestion. Pour financer la réforme des études de santé, que j'ai évoquée parmi les grands projets de l'année, une enveloppe spécifique de 6 millions d'euros est prévue. Elle devra nécessairement être abondée, d'autant qu'elle est fléchée uniquement vers les universités dotées de facultés de santé.

Contrairement aux années précédentes, et inversement à ce que l'on constate sur les autres programmes, il n'y a aucune décomposition claire des moyens nouveaux alloués dans le PLF pour 2020, ce qui suscite des interrogations. De plus, la CPU aurait souhaité, dès 2020, un abondement significatif des moyens d'intervention de l'Agence nationale de la recherche, dans la perspective du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche.

Ce texte ambitionne de donner à nos scientifiques, donc à la France, les instruments pour concourir à armes égales dans la compétition mondiale. L'État doit jouer son rôle. L'enseignement supérieur et la recherche ne sont pas des investissements comme les autres. Mais, avec 2,27 % du PIB consacré à la recherche intérieure, la France est en-deçà de l'objectif de 3 % fixé par l'Union européenne. Permettez-moi de tirer la sonnette d'alarme : les groupes de travail ont rendu leurs travaux il y a quelques jours. Ce n'est pas une revendication catégorielle, c'est un enjeu pour la France !

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