Décidément, la commission des finances aborde très souvent des sujets de fond, et c'est très bien ainsi. La semaine dernière, nous parlions des résultats positifs escomptés avec la suppression de l'ISF ; l'excellent rapport qui nous a été présenté semblait nuancer largement les estimations initiales. Aujourd'hui, nous parlons de fiscalité, de justice fiscale, de patrimoine. Sur ces sujets de fond, il est normal que se dégagent des clivages importants.
M. le secrétaire d'État nous objecte que les propositions formulées seraient en décalage avec l'objectif annoncé. On peut peut-être partager certains aspects, mais vous êtes, vous aussi, me semble-t-il, un peu en décalage avec le pays. Le Grand débat a eu lieu, et je pensais que le Président de la République avait compris certaines choses. Mais cela ne semble pas être le cas à vous écouter et à lire les mesures contenues dans le projet de loi de finances.
On peut évidemment réduire la dépense publique : on peut demander aux enseignants, aux infirmiers, aux pompiers ou à la police de continuer leurs efforts pour réduire la dépense publique. Mais, à mon avis, ce n'est vraiment pas la solution. Thierry Carcenac démontre bien que les patrimoines ont gonflé. Ce n'est pas une question de jalousie ni de frustration. Vous le savez, comme l'affirmait Tocqueville, les Français ont la passion de l'égalité : il ne nous faut donc pas perdre de vue cette dimension forte dans notre République.
La fiscalité liée à la transmission reste aujourd'hui très inférieure à celle de la détention et des revenus du patrimoine, c'est une réalité. Nous partageons totalement les objectifs énoncés dans l'exposé des motifs de cette proposition de loi, mais nous avons quelques doutes sur les moyens de résorber les inégalités.
Au demeurant, une réforme de cette nature devrait s'inscrire dans un cadre beaucoup plus large : pourquoi pas un grand débat national ? La fiscalité du patrimoine concerne plus de la moitié, voire les deux tiers de la population française, à des échelles différentes bien sûr : les patrimoines les plus importants sont détenus par le 1 % du plus haut de la pyramide, une tendance qui ne fait que s'accroître au fil des décennies.
Ce texte a fait l'impasse sur la jeunesse, qui souffre également de fortes inégalités. Il serait peut-être souhaitable de réfléchir à la création d'un fonds, qui serait alimenté par une taxation des plus gros patrimoines, quitte à alléger celle des petits patrimoines. Il s'agirait de financer une dotation patrimoniale en début de carrière pour lancer les jeunes, y compris dans la création d'entreprise.