Intervention de Catherine Deroche

Commission des affaires sociales — Réunion du 16 octobre 2019 à 9:5
Accès précoce aux médicaments innovants — Communication de mmes catherine deroche et véronique guillotin et m. yves daudigny

Photo de Catherine DerocheCatherine Deroche :

Monsieur le président, chers collègues, un an après la publication de notre rapport sur l'accès précoce aux médicaments innovants, nous avons souhaité dresser le bilan de la mise en oeuvre de ses préconisations et faire un point d'étape en auditionnant les principales parties prenantes.

Plusieurs des recommandations que nous avions formulées ont été reprises dans les travaux du 8ème Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) de juillet 2018 réunissant industriels et pouvoirs publics : les enjeux de l'accès précoce aux traitements innovants ont été identifiés comme une priorité, avec un objectif de réduction des délais d'accès au marché à 180 jours à l'horizon 2022 (soit le délai réglementaire fixé au niveau européen), contre plus de 500 jours aujourd'hui.

Si la situation a évolué positivement sur certains points, elle reste préoccupante à de nombreux égards.

Les responsables d'essais précoces de l'Institut Curie ou de Gustave Roussy se sont ainsi inquiétés, malgré les atouts dont nous disposons et des évolutions qui n'ont pas encore porté leurs fruits, de l'insuffisante appréhension des enjeux liés à la dégradation du positionnement de la France dans l'environnement mondial.

Il nous semble utile de relever les récentes avancées intervenues et de mettre l'accent sur les points de blocage qui demeurent, à la veille notamment de l'examen du PLFSS qui offrira l'occasion d'interpeler la ministre.

En ce qui concerne l'accès au marché des médicaments, un point de satisfaction a concerné l'élargissement de notre dispositif ad hoc d'accès précoce, les autorisations temporaires d'utilisation (ATU), aux extensions d'indications, voté l'an dernier dans la LFSS pour 2019. C'était une proposition de notre rapport et une demande pressante des professionnels de santé, notamment en oncologie pour s'adapter à l'arrivée de l'immunothérapie dans plusieurs indications.

Ces mêmes dispositions ont également créé un accès direct en phase dite de « post-ATU » pour des médicaments n'ayant pas bénéficié d'une prise en charge préalable en ATU. Cette évolution répondait à une difficulté que nous avions soulevée : du fait de la plus grande précocité des AMM délivrées, la phase d'ATU est compressée au profit de la phase dite de « post-ATU » précédant l'accès au marché de droit commun. Des conditions financières rénovées ont été actées pour ces nouveaux dispositifs, avec le principe d'une compensation fixée par les ministres à titre temporaire.

L'extension du dispositif des ATU est à saluer mais nous n'en mesurons pas encore les effets concrets puisque le décret d'application n'a été publié que le 20 août dernier. D'après nos informations, l'ANSM avait cependant pris les devants pour ne pas trop retarder cette avancée concernant les extensions d'indication. Mais comme nous l'avions collectivement exprimé lors de l'examen du PLFSS, la complexité du cadre législatif du mécanisme des ATU et son caractère imprévisible constituent aujourd'hui un frein à son attractivité. Cela conduit certains industriels à adopter une position attentiste. C'est un sujet sur lequel nous restons vigilants à la veille de l'examen du PLFSS pour 2020 qui apporte de nouveaux ajustements.

Un autre obstacle à l'accès des patients à certains traitements vient des incohérences du système de la « liste en sus ». Celui-ci permet l'accès à des médicaments onéreux à l'hôpital, qui ne peuvent être inclus dans les tarifs ou GHS et font donc l'objet d'une prise en charge directe par l'assurance maladie : les médicaments de la liste en sus représentent 3,8 milliards d'euros de dépenses en 2018 pour 146 spécialités inscrites ; c'est un milliard d'euros de plus qu'en 2014.

Comme nous l'avions relevé, les critères fixés pour l'inscription sur cette liste, plus rigides depuis 2016, ne sont pas adaptés : la Haute Autorité de santé (HAS) reconnaît que l'évaluation de l'ASMR (amélioration du service médical rendu) à laquelle elle procède, qui conduit à déterminer le prix du médicament, n'a pas lieu d'être un critère d'accès au médicament, en l'occurrence via son inscription sur la liste en sus. Nous avions également préconisé une gestion plus dynamique de cette liste, ce qui implique des révisions plus régulières des tarifs.

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