Ce sujet pose des questions d'égalité d'accès aux soins des patients sur le territoire, selon l'hôpital où ils sont pris en charge.
Le même problème se pose pour les actes de biologie innovants financés dans le cadre d'une enveloppe fermée insuffisante pour couvrir les dépenses engagées par les établissements de santé : le RIHN (répertoire des actes innovants hors nomenclature). Un processus d'évaluation est en cours pour aboutir, sur 3 ans, à l'inscription à la nomenclature des actes les plus matures, ceux de la liste dite complémentaire.
Mais pour le reste, rien n'a changé. Le sujet de la liste en sus a été renvoyé à la réforme de l'évaluation du médicament envisagée dans les conclusions du CSIS mais celle-ci ne paraît pas en voie de déboucher.
Cette réforme, évoquée depuis de nombreuses années, consiste à substituer un seul critère - la valeur thérapeutique relative (VTR) - aux deux critères actuels d'évaluation du médicament - le service médical rendu (SMR) qui détermine l'accès au remboursement et le taux de prise en charge, et l'amélioration du service médical rendu (ASMR) qui sert à la détermination du prix. Cette réforme répond à un enjeu de lisibilité, mais elle se heurte à des difficultés car un critère unique pourrait signifier un taux unique de prise en charge du médicament.
De manière plus générale, on voit bien que l'accès aux innovations pose des questions de fond à notre système de santé. Nos échanges avec la HAS ont posé clairement les enjeux : les autorisations de mise sur le marché accordées par l'agence européenne du médicament interviennent de manière de plus en plus précoce et reposent sur des données scientifiques jugées trop peu robustes. Cela conduit la HAS à devoir faire des paris sur l'efficacité de tel ou tel médicament : elle se montre en général assez prudente. La situation crée dès lors des incompréhensions avec les industriels dont les prétentions de prix sont parfois déconnectées des résultats de l'évaluation, d'où des blocages dans les négociations de prix.
L'équilibre est, nous le mesurons bien, délicat. On peut certes favoriser l'accès à une innovation thérapeutique porteuse d'espoir, mais il nous faut aussi maintenir un niveau exigeant d'éthique et de sécurité. Il faut savoir rester prudent face à un certain nombre de promesses thérapeutiques : n'oublions pas que certains traitements pris en charge de façon précoce peuvent finalement être arrêtés en cours de phase 3 d'essais cliniques en raison de résultats finalement beaucoup moins probants.
Cependant, le contexte mondial interroge nos procédures qui ne sont pas adaptées aux avancées de la science et au changement de paradigme dans le développement des médicaments innovants. A cet égard, certains enjeux dépassent le cadre national.
Des réflexions sont ainsi engagées depuis plusieurs années au niveau européen sur l'évaluation des médicaments, sans parvenir à une issue : pourrait être envisagé un partage entre les agences européennes du volet scientifique de l'évaluation, ciblé sur les médicaments innovants, sans préempter les décisions nationales concernant la prise en charge.
Cette question renvoie également à un choix collectif sur la prise en charge financière de l'innovation : comment financer les thérapies géniques ou l'immunothérapie qui concerneront demain des populations plus larges de patients ? Peut-on rémunérer au prix fort des médicaments dont les effets sont encore mal appréhendés et insuffisamment documentés sur le plan scientifique ?
Cette réflexion globale doit se tenir, car nous ne pouvons appréhender ces enjeux au fil de l'eau. Les industriels du Leem critiquent, avec le PLFSS que nous allons prochainement examiner, le manque de visibilité alors que les engagements du CSIS ont ciblé un plancher minimal de croissance annuelle sur trois ans fixé à 0,5 % et 3 % pour les médicaments innovants.
Face à ces défis, notre rapport avait formulé des préconisations pour adapter nos procédures à ce contexte nouveau. Nous avions notamment préconisé, pour des médicaments prometteurs, un remboursement temporaire qui puisse être réévalué en fonction de données cliniques collectées en vie réelle. C'est une proposition portée par la HAS qui nous a indiqué émettre des avis correspondant à du remboursement temporaire, sans avoir toutefois force contraignante. D'autres pays se sont engagés dans cette voie, en particulier l'Allemagne et le Royaume-Uni, qui se gardent la possibilité de réviser leur décision à l'issue d'un délai contractuel défini avec le laboratoire et à la lumière des nouvelles données cliniques et des données en vie réelle. Cette proposition n'a pas été retenue. C'est regrettable car il nous faut mettre plus de souplesse et avancer vers un processus plus dynamique d'évaluation et de prise en charge des médicaments innovants. L'ATU est devenu un palliatif à des procédures de droit commun insuffisamment réactives. Or, ce n'est pas sa vocation.