Intervention de Chantal Jouanno

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 16 octobre 2019 à 9h30
Audition de Mme Chantal Jouanno présidente de la commission nationale du débat public

Photo de Chantal JouannoChantal Jouanno, présidente de la Commission nationale du débat public :

Typiquement, un participant à une réunion classique est une personne appartenant à une catégorie socioprofessionnelle supérieure, plutôt disponible, donc d'un certain âge, et qui a une grande capacité d'expression. Nous avons des techniques pour essayer d'atteindre les personnes les plus timides, celles qui parlent le moins, mais ce profil reste prépondérant - au reste, c'est celui que vous rencontrez dans la plupart de vos réunions politiques.

Toutefois, la réunion publique n'est qu'un outil parmi d'autres. Le débat en ligne, par exemple, permet d'atteindre un public un peu différent, mais lui aussi bien déterminé. Les jeunes, nous essayons de les toucher par les réseaux sociaux ; mais ce public est difficile à ramener vers de la participation en présentiel. Le débat mobile permet de toucher un public beaucoup plus diversifié : pour un projet ferroviaire, par exemple, on organise des débats dans les gares et les wagons-bars. Sur la programmation pluriannuelle de l'énergie, les antinucléaires étaient nombreux en présentiel, mais les pronucléaires dominaient en ligne. Nous avons tiré au sort 400 citoyens, que nous avons formés et réunis à l'Assemblée nationale ; nous avons ainsi pu toucher les plus jeunes et les catégories socioprofessionnelles moins favorisées, pour disposer d'une vision plus exhaustive des arguments.

Reste que, si l'on s'en tient à des réunions classiques, à une consultation numérique ou même aux deux, on ne touchera pas tous les publics. Or notre objectif est que tout le public concerné par un projet soit informé du débat et puisse s'exprimer - c'est le « concernement », qui était au coeur des conventions de Rio et d'Aarhus.

La parole des experts et des scientifiques est en effet contestée. À ce propos, nous avons inauguré dans le débat sur les déchets radioactifs une méthode qui s'est avérée probante : la clarification des controverses, consistant à identifier les points de controverse - par exemple, faut-il retraiter ou pas ? -, puis à demander aux acteurs les raisons de leur position. Nous avons ainsi clarifié les arguments sur chaque sujet de désaccord, d'une manière qui n'a été contestée par personne.

S'agissant de la dématérialisation des enquêtes publiques, les projets liés aux jeux Olympiques illustrent la difficulté. Le village olympique se situe dans une zone où les populations, très défavorisées, n'ont pas nécessairement accès au numérique ou n'auront pas le réflexe de participer à une procédure en ligne. Nous avons demandé que le processus s'accompagne, exceptionnellement, de quelques réunions présentielles, mais, pour l'instant, nous n'avons pas obtenu gain de cause. Du coup, il est certain que la plupart des publics concernés ne s'exprimeront pas...

Les conséquences pour la CNDP du grand débat national, aujourd'hui, il n'y en a pas. Nous sommes indirectement concernés par des dispositions du projet de révision constitutionnelle, mais qui étaient sur la table dès avant le grand débat.

J'en viens au lien entre la participation et la contestation, visant les élus ou les maîtres d'ouvrage. Ce n'est pas la procédure de participation qui crée la contestation ; en général, celle-ci préexiste. La contestation peut être instrumentalisée : c'est ainsi que certains grands projets sont devenus le lieu d'une bataille très politique.

La contestation n'est pas nouvelle ; la loi Barnier, déjà, avait été conçue pour répondre aux mouvements autour de certains grands projets. En revanche, l'espoir que la participation institutionnelle permette de réduire les contestations ne s'est pas concrétisé.

La contestation est moindre en cas de codécision, par exemple dans certaines procédures d'urbanisme. Mais notre mission n'est pas celle-là : nous fournissons au décideur un éclairage préalable. Cette participation institutionnelle n'entre donc nullement en concurrence avec la démocratie représentative.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion